Episode 1.03 : LE GRAND JEU
MINSK, BIELORUSSIE
Dans un réfectoire sombre et glacial, Sherlock et un jeune homme en combinaison de détenu, sont assis face à face.
SHERLOCK : Dites-moi simplement, et depuis le début, ce qui s’est passé ce soir-là.
JEUNE HOMME : On avait été dans un bar, un super endroit… J’avais parlé avec une des serveuses et Karen avait pas trop aimé. Alors quand on est rentré à l’hôtel, on s’est, comme qui dirait, un peu engueulé.
Profond soupir de Sherlock.
JEUNE HOMME : Elle arrêtait pas de répéter que si elle aurait su, elle aurait pris un vrai mec.
SHERLOCK : « Si elle avait su », je vous prie.
JEUNE HOMME : Hein ?
SHERLOCK : « Si elle avait su », pas « si elle aurait su ».
JEUNE HOMME : Ah…
SHERLOCK : Continuez.
JEUNE HOMME : Euh… Ben… Après, je sais pas trop comment que ça se fait, mais je me suis retrouvé avec un couteau. Vous savez, mon vieux, c’était un boucher : alors les couteaux, ça me connaît. Il nous a même appris comment qu’on découpe une bête.
SHERLOCK : Comment on déc…
JEUNE HOMME : Hein ?!!
SHERLOCK : « Comment on découpe une bête »
JEUNE HOMME : Oui, oui… Après je l’ai faite taire…
SHERLOCK : « Fait taire ».
JEUNE HOMME : Ouais ! Je l’ai poignardée ! Une fois ! Deux fois ! Trois fois ! Et quand j’ai regardé, elle bouge plus !
Soupir de Sherlock.
JEUNE HOMME : Non… je veux dire : elle a bougé… elle n’a plus… elle bougeait plus… Ecoutez, monsieur, je sais pas comment que c’est arrivé, mais c’est un accident, je vous le jure.
Sherlock se lève de sa chaise.
JEUNE HOMME : ‘Faut que vous m’aidez (Sherlock s’éloigne) Mr Holmes ! Tout le monde dit que c’est vous le meilleur, que sans vous, ils voudront qu’on me pend.
SHERLOCK : Non, non, non, Mr Bewick, pas du tout… « Qu’on vous pende », ça oui.
Il sourit et s’en va.
-Générique-
221B BAKER STREET
Des coups de feu retentissent. Sherlock, en peignoir, dans son fauteuil, tire au revolver sur le mur. Il vise un smiley jaune peint à la bombe. John monte les marches quatre à quatre.
JOHN : Mais enfin, qu’est-ce que tu fabriques ?!
SHERLOCK : M’ennuie…
JOHN : Quoi ?!
SHERLOCK : M’ennuie !!! (il se lève et recommence à tirer sur le mur : une fois « normalement », une seconde fois en passant son bras derrière son dos) JE-m’ennuie !
Il rend son revolver à John, qui enlève le chargeur.
SHERLOCK : Je ne sais pas ce que les criminels ont en ce moment. Heureusement que je n’en fais pas partie.
JOHN : Alors tu te rattrapes sur le mur.
SHERLOCK : Oh… il l’a bien mérité. (il inspecte les impacts et s’allonge de tout son long dans le canapé)
JOHN : Et cette affaire russe, alors ?
SHERLOCK : Biélorusse. Un meurtre de petite envergure. Je perdais mon temps.
JOHN : Oh, dommage. (Il rentre dans la cuisine, fait mine de désapprouver le « désordre scientifique » laissé sur la table par Sherlock et s’approche du frigo) Il y a quelque chose à manger ? Je meurs de faim. (Il ouvre la porte du frigo et la referme aussitôt, car il vient de tomber nez à nez avec une tête humaine…) Oh ! (Il rouvre la porte, s’assure de sa découverte, et la referme à nouveau) Y’a une tête… Y’a une tête coupée !
SHERLOCK : Juste du thé pour moi. Merci.
JOHN : Y’a une tête dans le frigo !
SHERLOCK : Oui…
JOHN : Une putain de tête !
SHERLOCK : Où veux-tu que je la mette cette tête ? Ça ne t’ennuie pas trop, j’espère ?... Elle vient de la morgue de l’hôpital. Je suis en train de mesurer la coagulation de la salive après la mort. J’ai vu ce que tu as écrit sur l’affaire du taxi…
JOHN : Oui.
SHERLOCK : « Une étude en rose »… Charmant.
JOHN : Et bien, tu sais : femme en rose, valise rose, portable rose… ça faisait beaucoup de rose. Tu as aimé ?
SHERLOCK : Euh… non.
JOHN : Pourquoi ? Je croyais que tu serais flatté.
SHERLOCK : Flatté ? « Sherlock voit au travers de tout et de nous tous, mais la chose la plus incroyable c’est à quel point il est ignorant sur bien des sujets ».
JOHN : Attends une minute : ce n’est pas du tout dans ce sens…
SHERLOCK : Oh, tu voulais sûrement dire « ignorant » au sens gentil du mot. Ecoute : je me fiche de savoir qui est Premier Ministre…
JOHN : Oh non…
SHERLOCK : Qui couche avec qui…
JOHN : Ou que la Terre tourne autour du Soleil…
SHERLOCK : Oh non, pas ça. Ce n’est pas important !
JOHN : Pardon ? On apprend ça dans les petites classes. Comment peux-tu ne pas le savoir ?
SHERLOCK : Si je l’ai jamais su, je l’ai effacé.
JOHN : Effacé ?
SHERLOCK (il se redresse et s’assoit) : Ecoute : ce qui est à l’intérieur de mon crâne me sert de disque dur, et je ne veux y enregistrer que des choses utiles, vraiment utiles. Tu comprends ? Les gens ordinaires se remplissent la tête de toutes sortes de bêtises, et ils ont du mal à aller à l’essentiel, tu saisis ?
JOHN : Mais le système solaire !
SHERLOCK : Oh ! Et alors ? Mais qu’est-ce que ça peut bien faire qu’on tourne autour du Soleil ? Si on tournait autour de la Lune, ou bien d’un manège comme des chevaux de bois, on ne verrait pas la différence ! Tout ce qui compte pour moi, c’est le travail. Et sans travail, mon cerveau pourrit. Tiens, mets-ça sur ton blog, ou mieux encore : arrête d’infliger tes opinions au monde ! (il se retourne, se recroqueville dans le canapé en tournant le dos à John)
John se lève du fauteuil.
SHERLOCK : Où est-ce que tu vas ?
JOHN : Je sors. J’ai besoin d’air !
Il croise Mme Hudson dans les escaliers.
Mme HUDSON : Pardon, mon garçon ! (elle arrive dans le salon) Coucou ! Alors on s’est un peu disputé ?
Sherlock se relève, monte sur la table basse et se dirige vers la fenêtre, d’où il observe John dans la rue.
Mme HUDSON : Oh, il fait pas chaud dehors. Il aurait dû se couvrir un peu plus.
SHERLOCK : Regardez-moi ça, Mme Hudson. C’est silencieux, calme, paisible. C’est intenable !
Mme HUDSON : Oh je suis sure qu’il va y avoir du nouveau, Sherlock. Un beau meurtre, de quoi vous remonter le moral.
SHERLOCK : Il n’arrivera jamais trop tôt.
Mme HUDSON : Eh ! Qu’est-ce que vous avez fait à mon mur ? J’ajouterai les frais de la réparation à votre loyer, jeune homme ! (en s’éloignant).
Sherlock sourit en contemplant son œuvre et finalement soupire d’ennui, lorsqu’une explosion l’envoie à terre et fait voler en éclat les vitres de l’appartement.
APPARTEMENT DE SARAH
Au petit matin, John se relève du sofa : le réveil est difficile.
SARAH (en peignoir) : Bonjour !
JOHN : Oh, bonjour !
SARAH : T’aurais dû prendre le matelas pneumatique.
JOHN : Non, non, non. Ça a été, merci. J’ai bien dormi. Tu es gentille.
Elle cherche quelque chose sur le sofa. C’est la télécommande de la télé, qu’elle allume alors.
SARAH : La prochaine fois, je te laisserai dormir au bout de mon lit, si tu veux.
JOHN : Et après la prochaine fois ?
« Un ange passe ». Le journal télévisé parle d’une œuvre d’art.
SARAH : Tu veux un petit déjeuner ?
JOHN : Avec plaisir.
SARAH : Dans ce cas, il va falloir que tu le prépares parce que je vais prendre une douche.
Elle s’en va et pendant que John reboutonne sa chemise, les informations font état d’ « une importante explosion dans le centre de Londres ». Il se fige devant les images des dégâts causés par l’explosion. Il se relève et prend sa veste.
JOHN : Sarah ! Sarah ! Désolé, il faut que je me sauve !
BAKER STREET
John se fraye un passage à travers les curieux et les policiers qui forment un barrage de sécurité. La rue est jonchée de gravats.
JOHN : Excusez-moi. Je peux passer, s’il vous plaît. Excusez-moi. J’habite là. J’habite juste là.
POLICIER 1 : Bon, allez-y.
L’immeuble juste en face du 221B est complètement éventré.
JOHN (à un policier qui se trouve à côté de la porte d’entrée) : J’habite là.
POLICIER 2 : Allez-y monsieur.
JOHN : Merci.
Il rentre et se rue dans les escaliers.
JOHN : Sherlock ! Sherlock !
Il arrive dans le salon. Sherlock est assis dans son fauteuil, avec son violon. Mycroft lui fait face.
SHERLOCK : John.
JOHN : J’ai tout vu à la télé. Ça va ?
Les vitres des fenêtres sont remplacées par des planches de bois et des feuilles de papier sont éparpillées au sol.
SHERLOCK : Moi ?... Oh, oui, très bien… Fuite de gaz. Apparemment. (à Mycroft) Je ne peux pas.
MYCROFT : Ah, tiens.
SHERLOCK : L’enquête dont je m’occupe est trop prenante. Je n’ai pas le temps.
MYCROFT : Laisse tomber tes habituelles fadaises, il s’agit d’une affaire cruciale pour le pays.
SHERLOCK : Et ton régime, ça va ?
MYCROFT : Très bien. (à John) Vous pourriez peut-être lui parler, John ?
JOHN : Pardon ?
MYCROFT : Mon frère peut, hélas, faire preuve d’une grande intransigeance.
SHERLOCK : Pourquoi tu n’enquêtes pas toi-même si ça te tient à cœur ?
MYCROFT : Non, non, non. Je ne peux absolument pas m’absenter du bureau pour l’instant. Du moins pas avec les élections coréennes… mais tu n’as pas besoin d’en savoir davantage sur ce point, je crois, non ? Enfin, pour en revenir à notre affaire, elle requiert, je dirais, du « travail de terrain » (Mycroft dit ces mots avec un air de dédain, et Sherlock n’apprécie guère la remarque).
SHERLOCK (à John) : Comment vont Sarah et son matelas pneumatique ?
MYCROFT (en consultant sa montre à gousset) : Son sofa, Sherlock. C’était son sofa.
SHERLOCK (en observant mieux John) : Ah, oui, bien sûr…
JOHN : Quoi ? Comment… Peu importe…
MYCROFT : Les affaires de Sherlock semblent florissantes depuis que vous êtes copains. C’est comment de vivre avec lui ? Infernal, j’imagine.
JOHN : Je ne m’ennuie jamais.
MYCROFT : C’est bien ! C’est bien, non ?
Sherlock, visiblement très ennuyé par la présence de son frère depuis le début de la scène, s’agace de plus en plus. Mycroft se relève et lui tend un dossier. Il ne lâche alors ni son violon, ni son archet et le défie du regard.
MYCROFT : Andrew West, que ses amis surnomment Westie (en tendant le dossier à John). Fonctionnaire. On l’a retrouvé mort ce matin, sur une des voies de la gare de Battersea, avec le crâne fracassé.
JOHN : Il s’est jeté sous un train ?
MYCROFT : C’est l’hypothèse qui paraît la plus logique.
JOHN : Mais…
MYCROFT : Mais ?
JOHN : Vous ne seriez pas venu si ce n’était qu’un accident.
Sherlock sourit.
MYCROFT : Le ministère de la Défense travaille sur un nouveau système de défense anti-missile : le projet Bruce Partington. Les plans de ce projet étaient sur une clef USB.
John ricane.
JOHN : Ce n’est pas très malin, non ?
Sherlock sourit à nouveau.
MYCROFT : Ce n’est pas la seule copie des plans. Mais ils sont secrets et la clef est manquante.
JOHN : Top secrets ?
MYCROFT : C’est le mot. On pense que West a pris la clef USB et on ne peut risquer de la voir tomber entre de mauvaises mains. (Il se retourne vers Sherlock, qui nettoie son archet, pensivement, les yeux dans le vague) Il faut que tu retrouves les plans, Sherlock. Ne me force pas à te l’ordonner.
Sherlock place son violon sur son épaule.
SHERLOCK : Je serais curieux de voir ça.
MYCROFT : Réfléchis bien… Au revoir, John (ils se serrent la main). Et à très bientôt.
Sherlock se met à jouer un très mauvais air pour accompagner (hâter ?) le départ de son frère.
Une fois celui-ci parti, Sherlock cesse et John se rassoit.
JOHN : Pourquoi t’as menti ?... En ce moment, tu n’as rien. Pas une seule affaire. C’est pour ça que tu t’en es pris au mur. Pourquoi tu lui as dit que tu étais occupé ?
SHERLOCK : Pourquoi pas ?
JOHN : Oh… Génial. C’est de la rivalité fraternelle, maintenant je commence à comprendre.
Le téléphone de Sherlock sonne. Il décroche.
SHERLOCK : Sherlock Holmes… Mais bien sûr. Comment pourrais-je refuser ?
Il se relève après avoir raccroché.
SHERLOCK : Lestrade. Je suis convoqué. Tu viens ?
JOHN : Oui, si tu veux.
SHERLOCK : Bien sûr que je veux. Je serais perdu sans mon bloggeur.
Plan suivant : ils sont installés dans un taxi qui traverse Londres pour les mener à Scotland Yard.
SCOTLAND YARD
LESTRADE : Vous aimez les affaires amusantes, pas vrai ? Celles qui vous surprennent…
SHERLOCK : Evidemment.
LESTRADE : Alors vous allez adorer celle-là. Vous savez, l’explosion…
SHERLOCK : Une fuite de gaz, non ?
LESTRADE : Non.
SHERLOCK : Non ?
LESTRADE : Maquillée pour y ressembler.
JOHN : Comment ça ?
LESTRADE : Il ne reste quasiment rien de l’appart’, sauf un coffre-fort. Un super coffre-fort, contenant ceci.
SHERLOCK : Vous ne l’avez pas ouvert ?
LESTRADE : Elle vous est adressée, non ? On l’a passé aux rayons X, elle n’est pas piégée.
SHERLOCK : Comme c’est rassurant.
Il saisit l’enveloppe et se rapproche d’une source de lumière pour mieux l’observer.
SHERLOCK : Joli papier. Fabriqué en Bohème.
LESTRADE : Quoi ?
SHERLOCK : Elle vient de la république tchèque. Il n’y a pas d’empreinte de doigts ?
LESTRADE : Non.
SHERLOCK : Elle s’est servie d’un stylo-plume. Un Parker Duofold, avec une plume en Iridium.
JOHN : « Elle » ?
SHERLOCK : C’est évident.
JOHN : Evident…
Sherlock ouvre délicatement l’enveloppe, à l’aide d’un couteau à papier. Il en sort un smartphone rose.
JOHN : Mais c’est… le… portable… le portable rose.
LESTRADE : Celui d’ « Une étude en rose » ?
SHERLOCK : De toute évidence, ce n’est pas le même. Mais quelqu’un veut qu’on croie que ça l’est… « Une étude en rose » ? Vous lisez son blog ?!
LESTRADE : Bien sûr que je le lis. On le lit tous. Dites-moi c’est vrai que vous ne savez pas que la Terre tourne autour du Soleil ?
Donovan, qui passait par là, pouffe de rire.
SHERLOCK : Il ne s’agit pas du même. Celui-ci est neuf, mais quelqu’un s’est donné beaucoup de mal pour qu’on pense que c’est le même. Ce qui veut dire que ton blog est beaucoup plu lu que je ne le croyais.
« Vous avez - 1 - nouveau message »
« 5 bips »
JOHN : C’est tout ?
SHERLOCK : Non, ce n’est pas tout.
A l’image : une photo apparaît sur l’écran du portable. Il s’agit d’une pièce, avec au fond une cheminée, le tout visiblement à l’abandon.
LESTRADE : Qu’est-ce qu’on est censé comprendre ? Une photo d’agence immobilière et les bips de l’horloge parlante…
SHERLOCK : C’est une mise en garde.
JOHN : Une mise en garde ?
SHERLOCK : Certaines sociétés secrètes envoyaient à leurs futures victimes cinq pépins d’orange seulement. Ici ce sont cinq bips. On nous prévient que ça va se reproduire. J’ai déjà vu cet endroit.
Sherlock commence à s’éloigner.
JOHN (à ses trousses) : Attends, qu’est-ce qui va se reproduire ?
SHERLOCK (en continuant de s’éloigner) : Boum !
221B BAKER STREET
Sherlock, John et Lestrade sortent d’un taxi. En entrant au 221B, Sherlock n’emprunte pas les escaliers mais se dirige vers une porte au rez-de-chaussée : le 221C.
SHERLOCK : Mme Hudson !
Mme HUDSON (en donnant des clefs à Sherlock) : Je vous ai montré cette pièce la première fois que vous avez visité l’appartement.
SHERLOCK (en déverrouillant les serrures) : Cette porte a été ouverte il n’y a pas longtemps.
Mme HUDSON : C’est pas possible : c’est la seule clef. Je ne trouve personne qui veuille habiter ici. A cause de l’humidité, je pense. C’est le défaut des logements en sous-sol. J’ai habité un endroit quand j’étais jeune mariée (les trois compères entrent dans l’appartement sans prêter grande attention à l’histoire de Mme Hudson) où les murs étaient couverts de moisissures noires…
La porte du 221C claque et interrompt Mme Hudson dans son élan.
Mme HUDSON : Oh… Et zut… (elle s’en retourne alors dans son appartement)
Sherlock, John et Lestrade pénètrent dans la pièce qui était en photo sur le portable rose. Une paire de basket trône au milieu de la pièce.
JOHN : Des chaussures. (Sherlock se rapproche) N’oublie pas que c’est un poseur de bombe.
Il s’agenouille et observe de très près les chaussures sans les toucher. Le téléphone sonne. Il se relève et décroche.
Incrustation : Numéro masqué
SHERLOCK : Allo ?
VOIX DE FEMME SANGLOTANTE : Bonjour, beau gosse.
SHERLOCK : Qui est-ce ?
FEMME : Je vous ai envoyé une petite devinette. Juste pour vous dire salut.
SHERLOCK : Qui êtes-vous et pourquoi pleurez-vous ?
FEMME : Je… je ne pleure pas… je tape un texte…
A l’image : une femme en larmes, au volant d’une voiture, lisant sur un pager, et parlant au téléphone.
FEMME : Et cette… stupide… petite garce… le lit à haute voix.
SHERLOCK : Le rideau se lève enfin.
JOHN : Quoi ?
SHERLOCK : Rien.
JOHN : Non. Qu’est-ce que tu veux dire ?
SHERLOCK : ça fait un bout de temps que j’attends ce moment.
FEMME : Vous avez… douze heures pour résoudre… ce mystère… Sherlock… ou je pourrais bien… devenir… très vilain.
La femme est couverte d’explosifs.
BART’S
Dans un laboratoire, Sherlock observe et effectue des prélèvements sur la paire de baskets. Dans un autre laboratoire (celui de la rencontre avec John), il travaille à l’aide d’un microscope.
JOHN : Alors c’était qui, à ton avis ?
SHERLOCK : Mmmh ? (une alerte SMS retentit)
JOHN : La femme qui était au téléphone, celle qui était en pleurs.
SHERLOCK : Elle n’est pas importante. Ce n’est qu’un otage, ce n’est pas une piste.
JOHN : Mais enfin ! Je pensais à tout sauf à une piste.
SHERLOCK : Ce n’est pas toi qui vas pouvoir l’aider.
JOHN : Est-ce qu’au moins on essaie de localiser l’appel ?
SHERLOCK : Notre homme est trop malin pour ça (une autre alerte SMS). Passe-moi mon portable.
JOHN : Où il est ?
SHERLOCK : Veste.
John, un brin énervé, empoigne la veste de Sherlock (qu’il porte) et saisit le portable dans la poche intérieure.
SHERLOCK : Doucement !
JOHN : Un texto de ton frère.
SHERLOCK (sans quitter des yeux son microscope) : Supprime-le.
JOHN : Ah oui ?
SHERLOCK : Les plans sont déjà à l’étranger. On ne peut plus rien y faire.
Incrustation : CONCERNANT PLANS BRUCE-PARTINGTON
Enquête sur mort de
West avance ?
Mycroft
JOHN : Et bien, Mycroft croit que si. C’est le huitième texto qu’il t’envoie. Ça doit être important.
SHERLOCK : Alors pourquoi n’a-t-il pas annulé son rendez-vous chez le dentiste ?
JOHN : Son quoi ?
SHERLOCK : Mycroft n’envoie de texto que s’il ne peut pas parler. Ecoute : Andrew West a volé les plans, essayé de les vendre et s’est fait buter pour sa peine. Fin de l’histoire. Le seul mystère c’est pourquoi mon frère insiste-t-il pour m’ennuyer alors qu’on a à faire à quelqu’un de si génialement intéressant ?
JOHN : N’oublie pas qu’une femme va peut-être mourir.
SHERLOCK : Pourquoi faire ? Cet hôpital est plein de mourants, Docteur, pourquoi ne vas-tu pas un peu pleurer à leur chevet pour voir le bien que ça leur fait ?
L’ordinateur sur lequel travaille Sherlock émet une sorte de sonnerie.
SHERLOCK : Oh !
A ce moment-là, Molly rentre dans le laboratoire.
MOLLY: ça roule?
SHERLOCK: Ah! Oui!
Elle s’approche, tandis qu’un jeune home rentre à son tour dans le laboratoire.
JIM : Oh, pardon, je ne savais pas…
MOLLY : Jim ! Salut ! Entre, je t’en prie. Jim, je te présente Sherlock Holmes (qui continue de travailler sur son microscope et ne se retourne pas) et… excusez-moi…
JOHN : John Watson, enchanté.
JIM : Salut. Alors vous êtes Sherlock Holmes ?! Molly m’a pas mal parlé de vous. Vous êtes sur une affaire ? (il se rapproche de Sherlock).
MOLLY : Jim travaille au-dessus, à l’unité de soins intensifs. C’est là qu’on s’est connu, et on s’est tout de suite plu.
Sherlock se retourne vers Jim, lui lance un regard très furtif et reprend son travail au microscope.
SHERLOCK : Homo.
MOLLY : Qu’est-ce que vous dites ?
SHERLOCK : Rien… (à Jim) Hello !
JIM : Hello (et il fait tomber par terre un haricot qui se trouvait sur la table). Pardon… Désolé (il le repose à sa place). Bon, il faut que je me sauve. (A Molly) Je te retrouve à la brasserie, vers 6h.
MOLLY : C’est ça, oui.
JIM (à Sherlock) : Au revoir. J’ai été ravi de…
Les yeux toujours rivés sur le microscope, il ne se retourne pas.
JOHN : Nous aussi.
Jim s’en va.
MOLLY (à Sherlock) : Pourquoi vous avez dit « homo » tout à l’heure ? C’est mon copain.
SHERLOCK : Et le bonheur vous réussit : vous avez pris un kilo 400 depuis la dernière fois que je vous ai vue.
MOLLY : Un kilo 200
SHERLOCK : Mmmh : 400.
JOHN: Sherlock!
MOLLY: Et il n’est pas homo! Pourquoi tout gâcher comme ça ?! Il n’est pas…
SHERLOCK : Avec le soin qu’il apporte à sa toilette ?
JOHN : Parce qu’il met un produit sur ses cheveux ? J’en mets aussi sur les miens !
SHERLOCK : Toi, tu te les laves : c’est différent. Non, non, non : les yeux maquillés, signes évidents de crème anti-âge sur les rides du front, les yeux fatigués d’un clubber, sans parler de ses sous-vêtements…
MOLLY : Ses sous-vêtements ?!
SHERLOCK : Visibles au-dessus de son pantalon. Très visibles. Et d’une marque particulière. Ajouter à cela le fait très suggestif qu’il a laissé son numéro sous ce haricot (Sherlock soulève effectivement le haricot et y trouve un morceau de papier), et je dirai que vous feriez mieux de rompre maintenant : ça vous évitera de souffrir.
Molly s’en va en courant. Sherlock s’en étonne.
JOHN : Super, bravo.
SHERLOCK : Quoi ? Je lui fais gagner du temps : c’est gentil, non ?
JOHN : « Gentil » ? Non. Non, ce que tu as fait, c’est pas gentil.
Sherlock soupire et déplace une des baskets vers John.
SHERLOCK : C’est à toi.
JOHN : Mmmh ?
SHERLOCK : Tu sais ce que je fais : alors vas-y.
JOHN : Non. (Il regarde sa montre) Non.
SHERLOCK : Vas-y.
JOHN : Non. Je vais pas me tenir là, à attendre que tu m’humilies pendant que…
SHERLOCK : Un œil extérieur, un deuxième avis : tout ça m’est très utile.
JOHN : Oui, c’est ça…
SHERLOCK : Oui, vraiment.
JOHN : D’accord. (il saisit une basket) Ce sont des chaussures de sport. Des baskets.
SHERLOCK : Bien (il prend son portable)
JOHN : Euh… elles sont en bon état… elles ont l’air plutôt neuves… sauf que les semelles sont usées, donc leur propriétaire les avait depuis un bon moment. Un modèle rétro, inspiré des années 80.
SHERLOCK : Tu es vraiment très en forme. Quoi d’autre ?
JOHN : Et bien, elles sont plutôt grandes, donc c’est des baskets d’homme. Mais… mais il y avait un nom à l’intérieur… écrit au feutre. Les adultes n’écrivent pas leur nom dans leurs baskets, donc elles appartenaient à un gamin.
SHERLOCK : Excellent. Mais encore ?
JOHN : Euh… C’est tout.
SHERLOCK : C’est tout ?
JOHN : Qu’est-ce que tu en dis ?
SHERLOCK : Que c’est bien, John. Que c’est très bien. Tu as zappé à peu près tout ce qui est important, mais… bon. (John lui donne la basket). Il adorait ses baskets : il les frottait, les blanchissait quand elles se décoloraient. Il a changé les lacets trois fois… quatre fois. (John se décompose) On trouve des petits lambeaux de peau venant de ses doigts quand ils entraient en contact avec : donc il soufrait d’eczéma. Les semelles sont plus usées vers l’intérieur, ce qui veut dire qu’il avait une voûte plantaire fragile. Fabriquées ici, vieille de vingt ans.
JOHN : Vieille de vingt ans ?
SHERLOCK : Elles sont d’origine, pas rétro (en lui montrant son portable) : deux bandes, édition limitée, 1989.
JOHN : Mais il y a encore de la boue dessus, et elles ont l’air neuves.
SHERLOCK : Parce qu’on les a maintenues ainsi. Il y a de la boue séchée sur les semelles : l’analyse montre une boue du Sussex, couverte d’une boue londonienne.
JOHN : A quoi tu le vois ?
SHERLOCK : Aux pollens. A la carte des pollens : le Sussex et le Sud de la Tamise. Donc ce gamin est arrivé du Sussex il y a vingt ans et il a laissé ses baskets derrière lui.
JOHN : Qu’est-ce qui lui est arrivé ?
SHERLOCK : Un grand malheur. Ce gamin adorait ses baskets, il ne les aurait pas laissées sales à moins d’y avoir été contraint. Donc : un enfant, aux pieds trop grands… (Il se fige, perdu dans ses pensées) Oh…
JOHN: Quoi ?
SHERLOCK: Carl Powers.
JOHN: Qui donc?
SHERLOCK: Carl Powers, John.
JOHN: Et alors?
SHERLOCK: C’est à ce moment-là que j’ai débuté.
TAXI
SHERLOCK : En 1989, un gamin, champion de natation, débarqué de Brighton pour un tournoi de natation scolaire, se noie dans la piscine. Accident (en lui montrant son téléphone). Tu ne t’en souviens pas, bien entendu.
JOHN : Mais toi, si ?
SHERLOCK : Oui.
JOHN : Sa mort t’a parue suspecte ?
SHERLOCK : Mais personne n’a tiqué. Personne, excepté moi. Je n’étais qu’un môme, mais j’ai lu le compte-rendu dans la presse.
JOHN : Tu as commencé tôt.
SHERLOCK : Le gamin, Carl Powers, a eu une espèce de crise dans l’eau, mais le temps qu’on le repêche, il était trop tard. Y’avait un truc qui clochait, que je n’arrivais pas à oublier.
JOHN : Quoi ?
SHERLOCK : Ses chaussures.
JOHN : Oui, et bien ?
SHERLOCK : Elles n’étaient pas là. J’ai fait une histoire, signalé à la police cette absence, mais personne n’y a attaché d’importance. Il avait laissé toutes ses affaires dans son casier, mais aucune trace de ses chaussures (il ramasse à terre le sac contenant les baskets). Jusqu’à aujourd‘hui.
A l’image : le visage pensif de Sherlock et celui en larmes de la femme couverte d’explosifs. Le compte à rebours en est à 6h.
221B BAKER STREET
Dans la cuisine, Sherlock fait des recherches à partir de coupures de presse.
JOHN : Je peux t’aider ? J’aimerais t’aider : il ne reste plus que 5h (alerte SMS, John consulte son téléphone).
Incrustation : Du nouveau ?
Mycroft Holmes
JOHN : C’est ton frère. Il m’envoie des textos ! Comment il a eu mon numéro ?
SHERLOCK : ça doit être une grosse carie.
JOHN : Ecoute, il a quand même parlé d’une affaire cruciale pour le pays.
SHERLOCK : Mmmh, original.
JOHN : Qu’est-ce qui est original ?
SHERLOCK : Toi. Pour la Reine et la Patrie.
JOHN : On ne peut pas l’ignorer.
SHERLOCK : Mais je ne l’ignore pas. Je vais mettre mon meilleur homme sur le coup tout de suite.
JOHN : Bien… tant mieux. Qui est-ce ?
BUREAU DE MYCROFT
John est assis et porte une cravate. Il consulte sa montre, lorsque la porte du bureau s’ouvre.
MYCROFT (lisant un dossier) : John, quelle bonne surprise ! J’espérais être un peu moins long. Qu’est-ce que je peux faire pour vous ? (D’un signe de la main, il invite John à se rassoir, celui-ci s’étant levé à son entrée dans la pièce)
JOHN : Merci… Oh et bien je souhaitais… votre frère m’envoie recueillir un supplément d’information sur les plans, les plans anti-missiles (Mycroft lève alors le nez de son dossier).
MYCROFT : Ah oui ?
JOHN : Oui. Il est en train d’enquêter.
Mycroft grimace : sa « grosse carie » le torture toujours…
JOHN : Et il travaille d’arrache-pied. Qu’est-ce que vous pouvez me dire d’autre sur l’homme qui est mort ?
MYCROFT : Euh… 27 ans, travaillait à Vauxhall Cross, siège du MI6, il a participé au programme Bruce-Partington, mais à titre mineur, contrôles de sécurité tous OK, aucune affiliation ou sympathie terroriste avérée, vu pour la dernière fois par sa fiancée hier à 22h30.
A l’image : Andrew West, à la fenêtre de son appartement.
ANDREW WEST : Lucy, il faut que je sorte. Je dois voir quelqu’un, en fait.
LUCY (alors que son fiancé quitte la pièce) : Westie ?
Plan suivant : Andrew West gisant à proximité de rails de chemin de fer.
JOHN : Il a été retrouvé à Battersea, c’est ça ? Il a donc pris le train.
MYCROFT : Non.
JOHN : Comment ?
MYCROFT : Il avait une carte mensuelle (petit gémissement de douleur : toujours la carie…) mais elle n’a pas servi.
JOHN : Il a dû prendre un billet alors ?
MYCROFT : On n’en a pas trouvé sur son cadavre.
JOHN : Alors ?
MYCROFT : Alors comment a-t-il pu finir avec le cerveau en bouillie à Battersea ? C’est là la question : celle à laquelle j’espérais que Sherlock apporterait une réponse. Comment va-t-il ?
JOHN : Il va très bien. Et l’enquête avance… euh… très bien. Il est totalement concentré sur cette affaire.
La femme aux explosifs se désespère toujours dans sa voiture. Il fait à présent nuit et le compte à rebours affiche 3h.
221B BAKER STREET
Dans la cuisine : Sherlock travaille sur son microscope, Mme Hudson apporte le thé.
SHERLOCK : Du poison.
Mme HUDSON : Qu’est-ce que vous racontez ?
SHERLOCK (en donnant un grand coup sur la table) : Clostridium Botulinum !
Cela fait fuir Mme Hudson, alors que John arrive de sa visite à Mycroft.
SHERLOCK : C’est un des poisons les plus mortels de la planète. Carl Powers !
JOHN : Il a été assassiné, tu veux dire ?
SHERLOCK (en se levant de son siège) : Tu te souviens de ses lacets ? (ces derniers sont « étendus » un peu partout dans la cuisine)
JOHN : Mmmh…
SHERLOCK : Carl souffrait d’eczéma : il n’y avait rien de plus facile que d’introduire le poison dans sa pommade. Quelques heures plus tard, il arrive à Londres. Le poison se met à agir, paralyse ses muscles et il se noie.
JOHN : Comment se fait-il qu’on ne l’ait pas décelé à l’autopsie ?
SHERLOCK : Il est pour ainsi dire indétectable et personne n’a pensé à le chercher. (Il tapote sur son ordinateur portable, sur la page de son site « The Science of Deduction » : Trouvé. La paire de baskets appartient à Carl Powers (1978-1989). Toxine botulique toujours présente. Contacter le 221B Baker Street) Mais il en reste des traces à l’intérieur des baskets, mélangées à la pommade qu’il mettait sur ses pieds. C’est pour ça qu’elles ont disparu.
JOHN : Comment on informe notre homme ?
SHERLOCK (en regardant sa montre) : On attire son attention. On arrête l’horloge.
JOHN : Il gardé ces baskets tout ce temps ?
SHERLOCK : Ouais, ce qui veut dire…
JOHN : Que c’est le poseur de bombe.
Le téléphone sonne.
FEMME AUX EXPLOSIFS (toujours en sanglotant) : Bien… joué. Venez… me chercher. Je vous en prie !
SHERLOCK : Mais où êtes-vous ? Dites-nous où vous êtes ?
A l’image : les équipes de démineurs s’approchent de la voiture.
SCOTLAND YARD
LESTRADE : Elle habite en Cornouailles. Deux hommes masqués ont débarqué chez elle, l’ont forcée à conduire jusqu’au parking, parée d’assez d’explosifs pour faire sauter le Parlement tout entier. Et ils lui ont dit de vous appeler. Elle vous lisait les messages envoyés avec ce pager.
SHERLOCK : Et on l’aurait fait exploser si elle avait changé un seul mot.
JOHN : Ou si tu n’avais pas résolu l’affaire.
SHERLOCK : Elégant…
JOHN (soupir) : Elégant ?
LESTRADE : Mais quel est le but de tout ça ? Pourquoi vouloir faire une chose pareille ?
SHERLOCK : Peut-être ne suis-je pas la seule personne, dans ce bas monde, à m’ennuyer.
« Vous avez - 1 - nouveau message »
« 4 bips »
JOHN : Quatre bips.
SHERLOCK : Apparemment on a réussi la première épreuve. (Il montre le portable à Lestrade : photo d’une voiture) Voici la deuxième. Abandonnée, vous ne croyez pas ?
LESTRADE : Je vais voir si on nous l’a signalée.
DONOVAN : Le taré ! (en tendant le combiné d’un téléphone sans fil) C’est pour vous.
SHERLOCK (en sortant du bureau de Lestrade) : Allo ?
VOIX D’HOMME SANGLOTANTE : ça… ne me dérange pas… que vous soyez allé voir les flics.
SHERLOCK : Qui est-ce ? C’est encore vous ?
HOMME : Mais ne comptez pas sur eux… Vous êtes trop fort… d’avoir deviné pour Carl Powers (à l’image : un homme portant un ample manteau, un téléphone à l’oreille et un pager qu’il lit, dans l’autre main, au milieu d’une circulation dense). Je l’ai jamais aimé… (l’ample manteau laisse dépasser des fils de détonateur) Carl se moquait de moi… alors je l’ai empêché de continuer.
SHERLOCK : Et vous avez pris la voix d’un autre, je suppose ?
HOMME : C’est une histoire entre vous… et moi.
SHERLOCK : Qui êtes-vous ? C’est quoi ce bruit ?
HOMME : Ce sont les bruits de la vie, Sherlock. (à l’image : le carrefour bondé de Piccadilly Circus) Mais ne vous en faites pas : je vais… arranger ça. (Ses pleurs s’intensifient alors qu’un point lumineux rouge se « promène » sur sa poitrine) Vous avez résolu… le dernier mystère en 9h… Cette fois vous n’en avez que 8.
LESTRADE (au téléphone, dans son bureau) : Allez-y. Génial ! (Il raccroche et rejoint Sherlock) On l’a trouvée !
TERRAIN VAGUE D’UNE USINE DESAFFECTEE, AU BORD DE LA TAMISE
Les équipes de la police scientifique s’affairent autour d’une voiture. Sherlock, John et Lestrade franchissent un cordon de sécurité et s’approchent.
LESTRADE : La voiture a été louée hier matin, par un certain Ian Monkford, plus ou moins banquier à la City. Il a payé en liquides. Il a dit à sa femme qu’il partait en voyage d’affaire, mais il n’est jamais arrivé.
DONOVAN (à John) : Vous traînez toujours avec lui ?
JOHN : Oui, enfin euh…
DONOVAN : Les contraires s’attirent, c’est pas ce qu’on dit ?
JOHN : Non.
A l’image : l’intérieur de la voiture, couvert de sang.
DONOVAN : Vous devriez vous trouver un hobby, genre « collection de timbres » ou « modèles réduits ».
LESTRADE (à Sherlock) : Avant que vous ne demandiez : oui c’est bien le sang de Monkford (Sherlock inspecte la boîte à gants et y trouve une carte). L’ADN correspond.
SHERLOCK : Pas de corps ?
DONOVAN : Pas encore.
SHERLOCK : Envoyez les échantillons au labo.
Regard réprobateur de Lestrade à Donovan.
SHERLOCK (à une femme en pleurs) : Mme Monkford ?
Mme MONKFORD : Oui. Oh, excusez-moi, mais j’ai déjà parlé avec deux policiers.
JOHN : Oh mais nous ne sommes pas de la police. Nous sommes…
SHERLOCK (en lui tendant la main et en sanglotant) : Sherlock Holmes. Un très vieil ami de votre mari. On… On était comme frères.
Mme MONKFORD : Euh… Pardon ? Qui êtes-vous ? Je ne crois pas qu’il m’ait parlé de vous.
SHERLOCK : Oh mais si, sûrement. Ceci… ceci est trop horrible. Non, je veux dire : je n’arrive pas à le croire. On s’est vu l’autre jour. Et… Ce bon vieux Ian, toujours aussi insouciant !
Mme MONKFORD : Pardon mais… mon mari était déprimé depuis des mois. Enfin qui êtes-vous ?
SHERLOCK (la larme à l’œil) : Ce qui est étrange c’est qu’il ait loué une voiture. Pourquoi a-t-il fait ça ? C’est un peu suspect, non ?
Mme MONKFORD : Pas du tout ! Il a oublié d’acheter une vignette pour la voiture, c’est tout.
SHERLOCK : Ah ! Ça, ça c’était Ian ! Ça c’était Ian tout craché !
Mme MONKFORD : Absolument pas !
SHERLOCK (retrouvant sa voix et abandonnant les sanglots) : C’est vrai ? Intéressant.
Ils s’éloignent.
JOHN : Pourquoi tu lui as menti ?
SHERLOCK : Parce que les gens détestent t’informer. Et ils adorent te contredire. Elle en a parlé au passé, tu as remarqué ?
JOHN : Parlé de quoi ?
SHERLOCK : J’ai parlé de son mari au passé et elle m’a suivi : un peu prématuré, on vient de retrouver la voiture.
JOHN : Tu crois qu’elle a assassiné son mari ?
SHERLOCK : Sûrement pas. C’est une erreur qu’un assassin ne ferait pas.
JOHN : Ah, je vois. Non, je ne vois pas. Qu’est-ce que je suis censé voir ?
DONOVAN : La pêche !
JOHN : Oh !
DONOVAN : Essayez la pêche !
JOHN : Oui ! (à Sherlock) C’est quoi l’étape suivante ?
SHERLOCK : Janus Voitures. (En tendant une carte à John) Je viens de trouver ce carton dans la boîte à gants.
A Piccadilly Circus, le compte à rebours affiche 6h.
JANUS VOITURES
Dans le bureau du gérant
GERANT : Je ne vois pas en quoi je peux vois aider, messieurs.
JOHN (il est assis et prend des notes) : Mr Monkford vous a loué une voiture hier.
GERANT : Oui, une voiture de sport, une Mazda RX8. Je m’en offrirais bien une, entre nous.
SHERLOCK (en lui montrant la photo d’une voiture, au mur) : C’en est une, ça ?
GERANT : Non, ce sont toutes des Jaguars. (Le gérant tourne la tête à ce moment-là et Sherlock, debout derrière lui, en profite pour observer sa nuque) Je vois que vous n’êtes pas de la partie.
SHERLOCK : Mais quand même vous pouvez vous en offrir une, non ? Une Mazda, je veux dire.
GERANT : Oui, c’est pas faux. Mais vous savez ce que c’est : quand on bosse dans un magasin de bonbons et qu’on commence à se servir (il se gratte le bras) quand est-ce qu’on s’arrête ?
JOHN: Vous ne connaissiez pas Mr Monkford ?
GERANT : Non, ce n’était qu’un client. Il est venu ici, il a loué une de mes voitures. C’est tout. Je sais pas ce qui a pu lui arriver, le pauvre homme.
SHERLOCK : Vos vacances se sont bien passées ?
GERANT : Hein ?
SHERLOCK : Vous rentrez de vacances, non ?
GERANT : Non, j’ai utilisé un lit de bronzage, en fait. Je suis trop occupé pour prendre des vacances. Mais ma femme adorerait en prendre, le soleil, tout ça…
SHERLOCK : Vous auriez de la monnaie pour le distributeur de cigarettes ?
GERANT : Quoi ?
SHERLOCK : J’en ai vu un en venant, mais je n’ai pas de monnaie, et je meurs d’envie de fumer (en lui tendant un billet).
GERANT : Oh ! (il prend son portefeuille dans sa poche et part en quête de monnaie) Non, désolé.
SHERLOCK : Oh, pas grave. Merci de nous avoir consacré du temps, Mr Ewert. Votre aide nous a été précieuse.
Il quitte le bureau, John le suit.
SHERLOCK : Tu viens, John ?
Dans l’atelier
JOHN : Tu sais, j’ai de la monnaie, si tu en as encore besoin.
SHERLOCK : Non merci. J’ai mes patchs, tu te rappelles ? Et ça marche très bien.
JOHN : Alors pourquoi t’en as demandée ?
SHERLOCK : Je voulais voir l’intérieur de son portefeuille.
JOHN : Pourquoi ?
SHERLOCK : C’est un menteur.
LABORATOIRE
Sherlock effectue des manipulations scientifiques. (Gros plan sur des boîtes de Petri dans lesquelles Sherlock mélange différents réactifs à ce qui semble être du sang. L’association produit un mélange « effervescent », qui provoque un sourire chez Sherlock)
Le téléphone rose sonne.
SHERLOCK : Allo ?
OTAGE : La clef du mystère est dans le nom : Janus Voitures (il est toujours à Piccadilly Circus, et un point rouge lumineux sur la poitrine).
SHERLOCK : Pourquoi me donneriez-vous la clef ?
OTAGE : Pourquoi quiconque fait-il quoi que ce soit ?... Parce que je m’ennuie. On est fait l’un pour l’autre, Sherlock.
SHERLOCK : Alors parlez-moi avec votre voix.
OTAGE : Patience. (Et il raccroche)
Compte à rebours : 3h
PARKING SOUTERRAIN
Sherlock, John et Lestrade sont autour de la Mazda louée par Ian Monkford.
SHERLOCK : Quelle quantité de sang y avait-il sur le siège, à votre avis ?
LESTRADE : A peu près un demi-litre.
SHERLOCK : Pas « à peu près », exactement un demi-litre. C’est leur première bourde. C’est bien le sang de Ian Monkford, mais il a été congelé.
LESTRADE : Congelé ?
SHERLOCK : ça ne fait aucun doute. Je crois que Ian Monkford a donné une pinte de son sang, il y a pas mal de temps et qu’on l’a répandue sur le siège.
JOHN : Qui a fait ça ?
SHERLOCK : Janus Voitures. La clef est dans le nom.
JOHN : Le dieu aux deux visages.
SHERLOCK : Exactement. Ils fournissent un service très spécial : si quelqu’un a un problème, que ce soit d’argent ou de couple ou d’autre chose, Janus Voitures peut l’aider à disparaître. Ian Monkford était noyé dans les problèmes, financiers sans doute. Il est banquier, il ne voyait pas d’issue. Mais s’il disparaissait et qu’on trouvait la voiture qu’il avait louée avec du sang plein le siège conducteur…
JOHN : Alors où il est ?
SHERLOCK : En Colombie.
LESTRADE : En Colombie ?
SHERLOCK : Mr Ewert de Janus Voitures avait un billet de 20 000 pesos dans son portefeuille, et pas mal de monnaie aussi. Il nous a dit qu’il n’était pas allé à l’étranger récemment, mais quand je l’ai interrogé sur les voitures, j’ai vu la marque de bronzage sur son cou : personne ne porte de chemise sur un lit de bronzage. Et puis il y a son bras.
LESTRADE : Son bras ?
SHERLOCK : Il n’arrêtait pas de le gratter : de toute évidence, son bras l’irritait et saignait. Pourquoi ? Parce qu’il venait de se faire vacciner, sans doute contre l’hépatite B. Difficile à dire à cette distance. Conclusion : il venait certainement d’aider Monkford à s’installer en Colombie. Mme Monkford touche l’assurance-vie et la partage avec Janus Voitures.
JOHN : Mme… Mme Monkford ?
SHERLOCK : Oh oui : elle est aussi dans le coup. (à Lestrade) Maintenant allez les arrêter : c’est ce que vous faites de mieux. Il faut que notre poseur de bombe sache qu’on a résolu l’affaire.
Lestrade les regarde s’éloigner, dépité.
SHERLOCK : Je pète le feu !
221B BAKER STREET
Sherlock poste sur son site : « Toutes mes félicitations à Ian Monkford pour son installation en Colombie ».
Le téléphone rose sonne aussitôt.
OTAGE : Je… dis que vous pouvez venir me chercher. Au secours… Aidez-moi, je vous en prie.
A Piccadilly Circus, des policiers se précipitent en direction de l’otage. A Baker Street, Sherlock et John se sourient.
CAFETERIA
Sherlock et John sont attablés, et John mange avec grand appétit.
SHERLOCK : ça va mieux ?
JOHN : Mmmmh… Depuis le début de cette affaire, c’est à peine si on a eu le temps de souffler. Tu ne t’es jamais dit…
SHERLOCK : Probablement que si.
JOHN : … qu’en fait, ce poseur de bombes jouait avec toi. L’enveloppe, le fait d’entrer dans notre appart’, la paire de baskets… il fait tout ça pour toi.
SHERLOCK : Oui, je sais.
JOHN : Alors c’est lui, c’est Moriarty ?
SHERLOCK : Possible.
Alerte SMS. La photo d’une femme blonde sur le portable rose.
SHERLOCK : ça peut être n’importe qui.
JOHN : ça pourrait, oui. Tu as de la chance que je ne bosse pas depuis un moment.
SHERLOCK : Qu’est-ce que tu veux dire ?
JOHN : Et bien, Mme Hudson et moi, nous regardons trop la télévision.
John se lève et se dirige près du comptoir, où il saisit la télécommande de la télévision, allume l’appareil et fait défiler les chaînes, jusqu’à ce qu’apparaisse la femme en photo sur le portable.
CONNIE PRINCE (à la télévision) : Alors ? Qu’est-ce que vous en dites ? Elle est pas mignonne comme ça ?!
Le téléphone sonne, Sherlock décroche.
SHERLOCK : Allo.
VOIX D’UNE VIEILLE DAME : Celle-ci est… un peu… déficiente. Désolé. Elle est… aveugle (elle aussi est en pleurs). Celle-ci est… vraiment drôle. Je vous accorde… 12h (à l’image : la vieille dame au téléphone, un écouteur dans l’autre oreille, couverte d’explosifs).
SHERLOCK : Pourquoi faites-vous ça ?
VIEILLE DAME : J’adore… vous regarder… danser (ses pleurs s’intensifient).
Sherlock raccroche et se retourne vers la télévision. Le présentateur annonce : « Revenons-en maintenant à la mort subite d’une personnalité du petit écran : Connie Prince. Melle Prince, célèbre pour ses émissions de relooking a été retrouvée morte par son frère, il y a deux jours, dans leur maison de Hampstead. »
MORGUE DE BART’S
Connie Prince est allongée sur une table d’autopsie. Lestrade, Sherlock et John rentrent dans la pièce.
LESTRADE : Connie Prince, 48 ans, elle animait une émission de relooking à la télé. Vous l’avez déjà vue ?
SHERLOCK : Non.
LESTRADE : Elle était très populaire et invitée partout.
SHERLOCK : Et bien elle ne le sera plus. Donc : morte depuis deux jours et, d’après un membre de son staff, Raoul Dos Santos, elle s’est blessée la main avec un clou rouillé du jardin. Vilaine blessure. La bactérie du tétanos pénètre dans le sang et après c’est : « Good Night, Vienna »…
JOHN : Je suppose.
SHERLOCK : Alors qu’est-ce qui cloche dans le paysage ?
LESTRADE : Hein ?
SHERLOCK : C’est moins simple qu’il n’y paraît : autrement il ne nous aurait pas dirigés vers cette affaire. Quelque chose cloche.
Sherlock prend sa loupe et part en quête d’indices sur le cadavre de Connie Prince. Des griffures sur le bras, des piqûres sur le front…
SHERLOCK : John ?
JOHN : Mmmh ?
SHERLOCK : Sa coupure à la main : elle est profonde, elle aurait donc dû beaucoup saigner, non ?
JOHN : Oui.
SHERLOCK : La blessure est très propre et récente. (Il se redresse) Combien de temps cette bactérie aurait-elle incubé ?
JOHN : Mmmh, huit, dix jours (cette réponse fait sourire Sherlock). On l’a coupée après…
LESTRADE : Après sa mort ?
SHERLOCK : Forcément. La grande question c’est : comment cette bactérie est-elle entrée dans son système ? (à John) Tu veux bien m’aider ?
JOHN : Bien sûr.
SHERLOCK : Fouille son passé, son histoire familiale et le reste : il me faut des données.
JOHN : D’accord (et il s’en va).
Sherlock se dirige lui aussi vers la sortie.
LESTRADE : Il y a tout de même une question qu’on ne s’est pas posée.
SHERLOCK : Ah oui ?
LESTRADE : Oui : pourquoi le cerveau de ces attentats-suicides fait-il ça ? Si la mort de cette femme est suspecte, pourquoi nous le fait-il remarquer ?
SHERLOCK : C’est un bon Samaritain.
LESTRADE : Qui force les gens à commettre des attentats-suicides…
SHERLOCK : Alors un mauvais Samaritain.
LESTRADE : Je ne plaisante pas, Sherlock. Je vous laisse les coudées franches, je vous fais confiance, mais quelque part dans ce pays, un pauvre bougre attend le corps couvert d’explosifs que vous trouviez la clef du mystère. Alors dites-moi : on est face à quelle genre d’affaire, cette fois ?
SHERLOCK : Une affaire d’un genre nouveau.
Compte à rebours : 8h
221B BAKER STREET
Le mur au-dessus du canapé est parsemé de documents en tous genres : des photos (Connie Prince, sa blessure…), des écrits, des articles de journaux, des cartes...
Sherlock fait les cent pas devant son « tableau de travail ».
SHERLOCK : Un lien… Un lien… Un lien. Il doit bien exister un lien… Carl Powers, tué il y a vingt ans, le cerveau l’a connu et il l’a admis. Son portable était dans une enveloppe fabriquée en République Tchèque, le premier otage vient de Cornouailles, le deuxième de Londres et le troisième sans doute d’une autre région (Lestrade l’écoute, les bras croisés) : mais qu’est-ce qu’il fait ? Son chemin à travers le monde ? Il frime !
Le téléphone sonne.
Incrustation : NUMERO MASQUE
VIEILLE DAME (en pleurs) : ça vous amuse… beaucoup… n’est-ce pas ? De rassembler les pièces du puzzle… 3h… Boum… Boum…
La communication est alors coupée.
MAISON DE CONNIE PRINCE
Dans une maison luxueusement décorée, un homme corpulent précède John et l’invite à s’asseoir sur un canapé où un chat nu se promène. Un jeune homme brun les accompagne.
Mr PRINCE : On est effondré. Comment ne pas l’être ?
JEUNE HOMME BRUN (à John) : Je vous sers quelque chose, monsieur ?
JOHN : Non. Non, merci.
Mr PRINCE : Raoul est mon roc (Raoul quitte la pièce). Sans lui, je n’aurais pas pu m’en sortir. Connie et moi, on n’a pas toujours été d’accord, mais ma sœur m’était très chère, en fait.
Le chat miaule : John essaye de s’en débarrasser en faisant « bonne figure », il ne semble pas trop apprécier son contact.
JOHN : Et… elle l’était au public, Mr Prince.
Mr PRINCE : ça, on l’adorait… Je l’ai vu une fois prendre en main des filles qui avaient l’air d’épouvantails et les transformer en princesses… En même temps, c’est un soulagement de la savoir loin désormais de cette vallée de larmes.
JOHN (à l’agonie, le chat sur les genoux) : Tout… à fait… Un vrai soulagement.
221B BAKER STREET
Mme Hudson a rejoint Lestrade et Sherlock. Ce dernier est au téléphone.
SHERLOCK : Génial ! Merci. Merci encore (il s’éloigne).
Mme HUDSON (en observant les photos de Connie Prince, au mur) : C’est vraiment très dommage ! Je l’adorais ! Elle vous apprenait à trouver vos couleurs.
LESTRADE : Couleurs ?
Mme HUDSON : Vous savez ? Ce qui va avec quoi. Moi, je ne dois pas porter du rouge cerise, apparemment : cela me vieillit.
Sherlock, après avoir fini sa conversation téléphonique, les rejoint.
LESTRADE : C’était qui ?
SHERLOCK : L’Intérieur.
LESTRADE : L’Intérieur ?!
SHERLOCK : Enfin, le ministre de l’Intérieur. Il me doit une faveur.
Mme HUDSON : C’était une belle femme, mais elle a un peu abusé de certains produits : elles le font toutes de nos jours. Elles peuvent à peine bouger le visage après : c’est idiot, non ? (Elle rigole, Lestrade sourit, Sherlock ne réagit pas). Vous avez déjà vu ses shows ?
SHERLOCK (en prenant son ordinateur portable) : Jusque-là, non.
CONNIE PRINCE (sur l’écran de l’ordinateur portable) : Tu as une mine de papier mâché, mon chou !
Mr PRINCE : Oh ! Il a plu tous les jours, sauf un jour.
Mme HUDSON : C’est son frère. Ils ne s’aimaient pas trop. En tous cas, d’après les magazines.
SHERLOCK : C’est ce que j’ai compris. Je viens de tchater avec des fans de son émission et ça a été très fructueux. Les sites de fans sont indispensables pour connaître les potins.
CONNIE PRINCE (s’acharnant sur le dos de son frère) : On l’enlève, on l’enlève ! (le public reprend en cœur, et Mr Prince n’a pas d’autre choix que d’ôter sa chemise)
MAISON DE CONNIE PRINCE
JOHN : Oui, c’est plus fréquent qu’on ne le croit.La bactérie du tétanos se trouve dans la terre, les gens se coupent à cause de rosiers, de fourches, ce genre de choses… Et s’ils ne se s… (Mr Prince s’assoit brusquement à côté de lui et le regarde intensément) se soignent pas…
Mr PRINCE : Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant.
JOHN : Ah non ?
Mr PRINCE : Je veux dire : elle m’a laissé cette maison… qui est très belle. Mais sans elle, ce n’est pas la même chose…
JOHN : Oui, c’est pour ça… que mon journal voulait que j’aille recueillir les infos directement à la source. Vous êtes sûr que ce n’est pas trop tôt ?
Mr PRINCE : Non !
JOHN : Bien.
Mr PRINCE : Allez-y, questionnez-moi.
Le chat passe non loin, en miaulant. John le regarde, se gratte le visage et semble détecter quelque chose sur ses doigts.
221B BAKER STREET
Sherlock et Lestrade sont toujours face au mur « de travail ». Le téléphone de Sherlock sonne.
SHERLOCK : John.
JOHN : Salut. Viens ici en vitesse : je crois que j’ai une piste. Il va te falloir un peu de matériel. T’as de quoi noter ?
SHERLOCK : Pas la peine, je m’en souviendrai.
MAISON DE CONNIE PRINCE
Mr Prince se refait une beauté dans le miroir du salon et on entend la porte d’entrée se refermer.
JOHN : Ah ! Ça doit être lui.
Mr PRINCE : Quoi ?
Sherlock, guidé par Raoul, fait irruption dans le salon.
SHERLOCK : Ah ! Mr Prince, je suppose ?
Mr PRINCE : Oui.
Ils se serrent la main.
SHERLOCK (il porte un sac à l’épaule) : Ravi de vous rencontrer, monsieur.
Mr PRINCE : Merci.
SHERLOCK (en insistant sur le « serrage de main ») : J’ai été navré d’apprendre…
Mr PRINCE : Oui, vous êtes bien aimable.
JOHN : OK…
Mr Prince retourne à son miroir, John et Sherlock s’isolent quelque peu et parlent à voix basse :
JOHN : T’avais raison : la bactérie est entrée dans son corps autrement.
SHERLOCK (en fouillant dans son sac) : Ah oui ?
JOHN : Oui.
Mr PRINCE (qui s’impatiente) : Bon, on y va ?
JOHN : Oui…tu… (Sherlock tient à main un appareil photo)
Sherlock s’approche de Mr Prince qui prend la pose près de la cheminée : la séance shooting débute.
Mr PRINCE : Pas trop près ! On verrait que j’ai pleuré.
Le chat passe à nouveau par là, en miaulant.
SHERLOCK : Oh, tiens, qui c’est ça ?
Mr PRINCE : Sekhmet, du nom de la déesse égyptienne.
SHERLOCK : Très jolie, elle était à Connie ?
Mr PRINCE : Oui. (En se baissant pour attraper le chat) Un petit cadeau de votre serviteur.
JOHN : Sherlock ? Quelle ouverture ?
SHERLOCK (en brandissant son flash et en éblouissant Mr Prince) : Oh, euh, je règle à 2.8
Mr PRINCE : Mais enfin, à quoi vous jouer ? (John inspecte les pattes de Sekhmet, et porte ses doigts à son nez). On dirait Laurel et Hardy ! Mais c’est quoi ce cirque ?!
JOHN : En fait, on a trouvé ce qu’on voulait. Si vous voulez bien nous excuser…
Mr PRINCE : Quoi ?
JOHN : Sherlock ?
SHERLOCK : Quoi ?
JOHN : On a une deadline à respecter.
Mr PRINCE : Mais vous n’avez quasiment pas pris de photos !...
Les deux compères filent en vitesse.
ALLEE D’UNE RESIDENCE PAVILLONNAIRE
JOHN (en ricanant, très satisfait) : Oh oui ! Oh oui !
SHERLOCK : Tu crois que c’était le chat, n’est-ce pas ? Ce n’était pas le chat.
JOHN : Oh si ! Si, c’est le chat, c’est forcément lui. C’est comme ça qu’il a infecté sa sœur. Ses pattes puent le désinfectant.
SHERLOCK : Charmante idée.
JOHN : Il a fait en sorte que la bactérie soit présente sur ses griffes. Une nouvelle chatte est toujours un peu nerveuse : se faire griffer est presque inévitable. Elle…
SHERLOCK : C’est ce que j’ai pensé en voyant les griffures sur son bras, mais c’est beaucoup trop aléatoire et trop malin pour son frère.
JOHN : Il a assassiné sa sœur pour son argent.
SHERLOCK : Ah oui ?
JOHN : Non ?
SHERLOCK : Non : il voulait se venger.
JOHN : Se venger ? Qui voulait se venger ?
SHERLOCK : Raoul, le larbin. Kenny Prince était pour sa sœur un continuel sujet de moqueries, subissant constamment ses brimades. Alors il en a eu assez et ils se sont brouillés. Toute l’histoire est sur le site. Elle a menacé de déshériter Kenny. Raoul, lui, s’était habitué à un certain style de vie…
JOHN : Attends, attends ! Pas si vite ! Qu’est-ce que tu fais du désinfectant sur les griffes du chat ?
SHERLOCK : Raoul fait bien le ménage. Toi qui es passé par la cuisine, tu as bien vu l’état des lieux, non ? Tout est briqué au centimètre près : même toi tu sens le désinfectant. Non, le chat n’a rien à voir là-dedans. Mais le dossier Internet de Raoul, si. A ton avis, y’a des taxis ici ?
A l’image : la vieille dame couverte d’explosifs pleure dans son lit.
Compte à rebours : 1h.
SCOTLAND YARD
SHERLOCK (brandissant un dossier) : Raoul de Santos est votre assassin. Le domestique de Kenny Prince. La deuxième autopsie montre que ce n’est pas du tétanos qu’est morte Connie Prince, c’est de la toxine botulique qu’elle est morte. La même que dans le meurtre de Carl Powers. Bref, le cerveau des attentats-suicides se répète.
LESTRADE : Et comment il s’y est pris ?
SHERLOCK : Par injection de Botox. (à l’image : le front de Connie Prince, qui présente des traces de piqûres)
LESTRADE : De Botox ?
SHERLOCK : Le Botox est une forme diluée de la toxine botulique. En plus de tout le reste, Raoul avait pour tâche de faire régulièrement des injections de Botox à Connie. Mon contact à l’Intérieur m’a donné la liste complète des achats en ligne fait par Raoul, avec commande massive de Botox, sur des mois. Au bout de quelques temps, il lui en a injecté une dose mortelle.
LESTRADE : Vous êtes sûr de ça ?
SHERLOCK : J’en suis sûr.
LESTRADE : Très bien, dans mon bureau.
John intercepte alors Sherlock.
JOHN : ça fait combien de temps ?
SHERLOCK : Que quoi ?
JOHN : Que tu sais tout ça.
SHERLOCK : Cette affaire était simple, en fait. Le cerveau, comme je l’ai dit, s’est répété : ce qui est une erreur.
JOHN : Sherlock ! L’otage, la vieille dame : elle a passé tout ce temps à attendre !
SHERLOCK : Je savais que je la sauverai, que le cerveau nous avait laissé douze heures. J’ai résolu l’affaire très vite, ce qui m’a laissé du temps pour autre chose. Tu ne vois pas ?! On a de l’avance sur lui.
Bureau de Lestrade :
Sherlock tape sur son site Internet : « Raoul de Santos. Le domestique. Botox ».
Le téléphone rose sonne.
SHERLOCK : Allo ?
VIEILLE DAME : Aidez-moi !!!
SHERLOCK : Dites-nous où vous vous trouvez. L’adresse.
VIEILLE DAME : Il était tellement… Sa voix était…
SHERLOCK : Non, non, non ! Ne me dites rien sur lui ! Ne me dites rien sur lui !
VIEILLE DAME : Il avait l’air tellement doux…
Un coup de feu retentit alors et la ligne est instantanément coupée.
SHERLOCK : Allo ?
LESTRADE : Sherlock ?
JOHN : Qu’est-ce qui s’est passé ?
Sherlock éloigne le téléphone de son oreille et ils restent tous les trois effondrés, silencieux.
221B BAKER STREET
Sherlock et John sont assis dans leurs fauteuils. Ils regardent la télévision, où les news parlent d’une explosion de gaz qui aurait fait douze victimes.
JOHN : Tout un immeuble… En tous cas, il circule beaucoup.
SHERLOCK : Et moi, j’ai été vaincu sur ce coup (il coupe le son de la télévision). Bien que, techniquement, j’ai résolu l’affaire… C’est parce qu’elle s’est mise à le décrire qu’il a tué la vieille dame : pour une fois, il s’est mis dans la ligne de tir.
JOHN : Comment ça ?
SHERLOCK : Eh bien, en général, il s’oblige à tout dominer, il organise les crimes et personne n’a de contact direct avec lui.
JOHN : Comme dans l’affaire Connie Prince : c’est lui qui a tout organisé. On vient vers lui pour qu’il organise nos crimes comme des vacances.
SHERLOCK : Original.
A la télévision : des images de l’arrestation de Raoul de Santos.
SHERLOCK (en regardant le téléphone rose, posé sur l’accoudoir de son fauteuil) : Cette fois-ci, il prend son temps.
JOHN : Toujours rien sur l’affaire Powers ?
SHERLOCK : Non, rien. Tous ses anciens camarades de classes vivants sont innocents.
JOHN : Le meurtrier était peut-être plus vieux que Carl.
SHERLOCK : J’y ai pensé.
JOHN : Alors pourquoi il fait ça ? Pourquoi il joue avec toi ? Il veut qu’on le capture ?
SHERLOCK : Je crois qu’il cherche la distraction.
JOHN (en ricanant de dépit) : Bien, j’espère que vous serez heureux ensemble. (Il se lève de son fauteuil)
SHERLOCK : Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
JOHN : Il y a des vies en jeu ! Sherlock, est-ce que tu comprends ? Des gens sont menacés ! Juste pour savoir : tu te soucies un peu de ces gens ?
SHERLOCK : Et ça va les sauver que je me soucie d’eux ?
JOHN : Non.
SHERLOCK : Alors je continuerai à ne pas faire cette erreur.
JOHN : Et cela t’est facile, n’est-ce pas ?
SHERLOCK : Très facile, oui. Ça te surprend, on dirait.
JOHN : Non… non (il sourit, mais on sent de l’amertume derrière ce sourire)
SHERLOCK : Je t’ai un peu déçu ?
JOHN : C’est ça : très bonne déduction.
SHERLOCK : Ne prends pas les gens pour des héros : les héros, ça n’existe pas. Et si ça existait, je n’en serais pas un.
Alerte SMS
SHERLOCK : Excellent ! (à l’image : Sherlock consulte le téléphone rose sur lequel apparaît une photo) Une vue de la Tamise. La rive Sud. Quelque part entre les ponts de Southwark et Waterloo. (à John) Epluche-la presse, je regarde ce qu’il y a en ligne (en prenant son portable dans la poche intérieure de sa veste).
John reste immobile, n’obéit pas à sa requête.
SHERLOCK : Ah, tu es furieux contre moi. Ce n’est pas ça qui va nous aider. Pas terrible le bon Samaritain…
Incrustation : Recherche :
Tamise
+ Marée haute
+ Rives
John se dirige finalement vers le canapé, pendant que Sherlock tapote fiévreusement sur son portable.
Incrustation : Infos locales :
Greenwich
Waterloo
Battersea
John s’assoit dans le canapé et consulte les journaux.
Incrustation : Waterloo
02 :16 Marée haute
04 :00 Rapport de police
07 :45 Contrôle qualité de l’eau
Sherlock s’impatiente.
SHERLOCK : Allez…
JOHN : Suicide d’un pont.
SHERLOCK : Y’en a à la pelle !
Incrustation : Battersea
Pas de rapport
JOHN : Deux gamins poignardés à Londres.
Incrustation : Rapports Police Tamise
Journal de bord
02 :00 Pas de rapport
04 :00 Pas de rapport
06 :00 Pas de rapport
08 :00 Pas de rapport
JOHN : Ah ! Un homme trouvé mort sur une voie : Andrew West.
Après ses frénétiques et infructueuses recherches, Sherlock lance un appel téléphonique.
SHERLOCK : C’est moi. Vous n’avez rien trouvé sur la rive Sud, entre les ponts de Waterloo et Southwark.
RIVE SUD DE LA TAMISE
Les heures défilent à grande vitesse, le crépuscule laisse place à l’aube et le corps d’un homme sans vie apparaît sur la rive.
Sherlock et John rejoignent Lestrade et ses équipes de la police scientifique, déjà à l’œuvre auprès du cadavre.
LESTRADE : Vous croyez que cette affaire-là aussi est liée au cerveau ?
SHERLOCK : Elle doit l’être. Ce qui est curieux, c’est qu’il n’est pas envoyé de message.
LESTRADE : On doit donc supposer qu’un pauvre bougre a été bardé d’explosifs, c’est ça ?
SHERLOCK (en commençant ses observations) : Mouais…
LESTRADE : Des idées ?
SHERLOCK : Sept… jusque-là.
LESTRADE : Sept !
Sherlock s’approche du cadavre et l’inspecte à la loupe. Il retourne un revers de sa chemise, retire une de ses chaussettes…
Lestrade invite John à faire ses propres observations. Sherlock consulte son portable.
JOHN : Il est décédé depuis à peu près 24h… Peut-être plus longtemps. Il s’est noyé ?
Incrustation : Interpol
Individus les plus recherchés
Organisations criminelles
Activités régionales
LESTRADE : Apparemment pas. Pas assez d’eau de la Tamise dans les poumons. Je dirais : mort d’asphyxie.
JOHN : Oui, je suis d’accord.
Incrustation : République tchèque
JOHN : Il a pas mal de bleus… autour du nez et de la bouche.
Incrustation : République tchèque
Gangs
Infos
Les plus recherchés
Contacts
JOHN : Encore des bleus. Ici, et ici.
SHERLOCK : Le bout des doigts…
JOHN : 35-40 ans. Et je dirais : pas en très bonne santé.
SHERLOCK : Il a passé un certain temps dans le fleuve et l’eau a détruit la plupart des données… Mais vous voulez que je vous dise ? Le tableau perdu de Vermeer est un faux.
LESTRADE : Quoi ?
SHERLOCK : Il faut qu’on identifie le corps, qu’on sache qui était ses amis, ses collègues…
LESTRADE : Pas si vite ! Quel tableau, Sherlock ? De quoi est-ce que vous parlez ?
SHERLOCK : On ne voit que ça en ce moment ! Vous n’avez pas vu les affiches ? Le grand Vermeer, on croyait le tableau détruit depuis des siècles et il vient de refaire surface et vaut actuellement trente millions de livres.
LESTRADE : D’accord, mais qu’est-ce que ça a à voir avec le cadavre ?
SHERLOCK : ça a tout à voir. Vous avez déjà entendu parler du Golem ?
LESTRADE : Golem ?
JOHN : C’est tiré d’une histoire d’horreur, non ? Qu’est-ce que tu veux dire ?
SHERLOCK : D’une légende juive exactement. C’est un géant fait d’argile, c’est aussi le nom d’un assassin, dont le vrai nom est Oskar Dzundza. Un des assassins les plus dangereux au monde et ça, c’est sa marque de fabrique.
LESTRADE : C’est donc un contrat ?
SHERLOCK : Exactement. Le Golem fait rendre leur dernier soupir à ses victimes avec ses mains.
LESTRADE : Mais qu’est-ce que ça a à voir avec le tableau, enfin ?! Je ne vois absolument…
SHERLOCK : Vous voyez, vous ne savez pas observer !
JOHN : OK d’accord, les filles ! Calmez-vous ! Sherlock, tu veux bien nous briefer ?
SHERLOCK : Que savons-nous du cadavre ? L’assassin ne nous a laissé que peu de choses : sa chemise et son pantalon. De style classique : peut-être qu’il sortait ce soir-là. Le pantalon est dans un tissu résistant, en polyester, grossier et bon marché. Comme la chemise. Et tous deux sont bien trop grands pour lui. Il doit donc s’agir d’une sorte d’uniforme. De travail, sans doute. Mais quel travail ? Il a un crochet à sa ceinture, pour y accrocher un talkie-walkie.
LESTRADE : Un conducteur de métro ?
JOHN : Ou un gardien ?
SHERLOCK : Plus probable. Comme le prouve son postérieur…
LESTRADE : Postérieur ?!
SHERLOCK : Il est flasque : on penserait qu’il mène une vie sédentaire. Quoique la plante de ses pieds et les veines variqueuses naissantes de ses jambes plaident pour le contraire. Il marchait donc beaucoup, et restait assis durant des heures, ce qui conforte la thèse du gardien. Sa montre aussi est intéressante : l’alarme indique qu’il travaillait régulièrement en équipe de nuit.
LESTRADE : Pourquoi « régulièrement » ? Il a peut-être réglé l’alarme la nuit précédant sa mort…
SHERLOCK : Non, non, non : les boutons sont durs, il n’y a presque pas touché. Il a réglé l’alarme il y a déjà un moment : il vivait dans la routine. Mais ce n’est pas tout : l’assassin a dû être interrompu, autrement il l’aurait complètement dénudé. Il portait un badge ou un insigne sur sa chemise et l’assassin l’a arraché. Ce qui suppose que le mort travaillait dans un lieu identifiable, comme une institution. J’ai trouvé ceci (en brandissant une boulette de papier), dans une poche de son pantalon. Détrempé par l’eau mais reconnaissable.
JOHN : Euh, c’est quoi ? Des billets ?
SHERLOCK : Des talons de billets. Il travaillait dans un musée ou une galerie. Je me suis renseigné : la galerie Hickman a signalé la disparition d’un de ses gardiens. Alex Woodbridge. Ce soir, ils dévoilent le chef-d’œuvre redécouvert. Mais pourquoi quelqu’un voudrait-il payer le Golem pour étouffer un banal petit gardien de galerie ? Conclusion : le mort savait quelque chose qui allait empêcher le propriétaire d’être payé trente millions de livres, le tableau est un faux.
JOHN : Fantastique !
SHERLOCK : Poudre aux yeux !
LESTRADE : Et tous mes vœux.
JOHN (en regardant le cadavre) : Le pauvre…
LESTRADE : Il va falloir que je tâte le terrain à propos de ce…
SHERLOCK : Perte de temps : vous ne le trouverez pas. Mais je sais qui peut vous le trouver.
LESTRADE : Qui ?
SHERLOCK : Moi. (et il s’en va)
TAXI
SHERLOCK : Il n’a pas téléphoné. Il a changé ses habitudes : pourquoi ? (au chauffeur) Pont de Waterloo, s’il vous plaît.
JOHN : Où on va ? A la galerie ?
SHERLOCK : Juste après.
JOHN : Ils exposent de l’art moderne, non ? Alors pourquoi ils ont hérité d’un Vermeer ?
SHERLOCK : Je ne sais pas. (il écrit sur une page de son petit carnet) Je préfère rester prudent pour l’instant. Il me faut des données. (Il déchire la page et la roule avec un billet de banque) Arrêtez-vous là !... Vous pouvez attendre ici ? J’en ai pour deux minutes.
JOHN : Sherlock !
Ce dernier enjambe la barrière lestement, John le suit mais avec moins de « facilité »…
PONT DE WATERLOO
Une SDF est assise sur un banc, sous le pont. Sherlock et John s’approchent d’elle.
SDF : Vous auriez une pièce ? Une petite pièce ?
SHERLOCK : Pour quoi faire ?
SDF : Pour me payer un thé, tiens !
SHERLOCK (en lui tendant quelque chose) : Je n’ai que cinquante.
SDF : Merci.
Sherlock s’éloigne.
JOHN : Mais qu’est-ce que tu fais ?
SHERLOCK : J’investis.
La SDF déroule le billet et y trouve le mot laissé par Sherlock.
SHERLOCK (en remontant dans le taxi) : Et maintenant : à la galerie. John, tu as de l’argent ?
ABORDS DE LA GALERIE HICKMAN
Le taxi s’arrête. Sherlock en descend.
SHERLOCK (alors que John fait mine de le suivre) : Non : j’ai besoin que tu trouves tout ce que tu pourras sur le gardien. Lestrade te donnera l’adresse.
JOHN : Bon, d’accord.
APPARTEMENT D’ALEX WOODBRIDGE
COLOC’ : On partageait l’appart’ depuis à peu près un an. On le partageait, c’est tout.
John observe la chambre d’Alex Woodbridge et demande en pointant un objet recouvert d’un tissu :
JOHN : Je peux ?
COLOC’ : Oui.
JOHN (le tissu lui échappe des mains, tombe par terre et dévoile une lunette d’astronomie) : Oh pardon. Il observait le ciel ?
COLOC’ : Oui, c’était sa passion. C’est tout ce qu’il faisait à ses heures perdues. (Tristement) C’était un chic type, Alex. Je l’aimais bien. Il était… pas très fort pour passer l’aspi…
JOHN : Et en art ? Il s’y connaissait en art ?
COLOC’ : Oh pour lui, c’était qu’un boulot, c’est tout.
JOHN : Est-ce que d’autres que moi vous ont interrogé sur Alex ?
COLOC’ : Non. Mais on a enfoncé la porte.
JOHN : Quand ?
COLOC’ : Hier soir. On nous a rien pris… Oh ! On a laissé un message pour Alex sur le répondeur du fixe.
JOHN : Un message de qui ?
COLOC’ : Si vous voulez, je peux vous le passer. Je vais chercher le téléphone.
JOHN : Volontiers.
Répondeur : « Ah c’est à moi de parler ? Alex, Alex ? Chéri, c’est le professeur Cairns : écoute, tu avais raison, tout à fait raison. Appelle-nous quand… » (le message est coupé)
JOHN : Le professeur Cairns ?
COLOC’ : Non, je sais pas qui c’est. Désolé.
JOHN : Je peux la rappeler ?
COLOC’ : ça marchera pas. Euh, je veux dire : j’ai eu d’autres appels depuis, des condoléances et tout ça…
Alerte SMS
Incrustation : CONCERNANT PLANS BRUCE-PARTINGTON
avez-vous parlé
à la fiancée de West ?
Mycroft Holmes
GALERIE HICKMAN
Une femme autoritaire s’adresse à un homme posté devant un tableau.
Melle WENCESLAS : Vous n’avez rien à faire ?
SHERLOCK (en tenue de gardien de musée) : Je suis juste en train d’admirer la vue.
Melle WENCESLAS : Oui, très joli. Au travail, maintenant : on ouvre ce soir.
SHERLOCK : ça ne vous trouble donc pas ? (Il s’approche d’elle)
Melle WENCESLAS : Quoi ?
SHERLOCK : Que le tableau soit un faux.
Melle WENCESLAS : Quoi ?
SHERLOCK : C’est un faux, c’est la seule explication possible. Il n’y en a pas d’autre. Vous dirigez cette galerie, Melle Wenceslas, non ?
Melle WENCESLAS : Qui êtes-vous ?
SHERLOCK : Woodbridge savait que le tableau était un faux, alors quelqu’un a envoyé le Golem se charger de lui. C’était vous ?
Melle WENCESLAS : Le Golem ? Mais de quoi parlez-vous ?
SHERLOCK : Vous travaillez pour quelqu’un ? Vous avez fait un faux à sa demande ?
Melle WENCESLAS : Ce n’est pas un faux !
SHERLOCK : C’est un faux. Je ne sais pas pourquoi mais il y a quelque chose qui cloche dans ce tableau.
Melle WENCESLAS : Qu’est-ce que vous racontez ? Vous savez que je pourrais vous faire renvoyer immédiatement ?
SHERLOCK : Ce n’est pas un problème.
Melle WENCESLAS : Non ?
SHERLOCK : Non, je ne travaille pas ici. Je passais juste pour vous donner un conseil amical.
Melle WENCESLAS : Comment êtes-vous entré ?
SHERLOCK : Je vous en prie !
Melle WENCESLAS : Je veux savoir.
SHERLOCK : L’art du camouflage c’est savoir se cacher en étant vu de tous. (Il s’éloigne, en se débarrassant de sa « tenue de camouflage »)
Melle WENCESLAS : Qui êtes-vous ?
SHERLOCK : Sherlock Holmes !
Melle WENCESLAS : Je devrais sans doute être impressionnée ?
SHERLOCK : Vous devriez, oui. Bonne journée ! (et il s’éclipse par une sortie de secours)
Melle Wenceslas s’approche du tableau, seule œuvre exposée dans toute la galerie.
MAISON D’ANDREW WEST
LUCY : Il n’aurait jamais fait ça. Jamais.
JOHN : Non. Pourtant il ne serait pas le premier.
LUCY : Westie n’était pas un traitre ! C’est horrible de dire que c’en était un !
JOHN : Je suis désolé. Mais vous devez comprendre que…
LUCY : … que c’est ce qu’ils pensent, c’est ça ? Ces patrons ?
JOHN : C’était un jeune homme, sur le point de se marier, et endetté.
LUCY : Tout le monde en a, des dettes ! Et Westie n’aurait pas épongé les siennes en trahissant son pays !
JOHN : Est-ce que… est-ce que vous pouvez me dire exactement ce qui s’est passé ce soir-là ?
LUCY : On était bien au chaud, chez nous, à regarder un DVD. Généralement il s’endort au milieu, mais là, il est resté éveillé… Il était silencieux… (en pleurant) Puis tout à coup, il m’a dit qu’il devait sortir voir quelqu’un.
JOHN : Vous ne savez pas qui ?
Lucy fait non de la tête.
Ils sortent de la maison. Sur le trottoir, ils croisent un homme en vélo.
JOE : Bonjour Lucy. Ça va ?
LUCY : Ouais…
JOE : Qui c’est ? (en faisant un signe de la tête vers John)
JOHN : John Watson, enchanté.
LUCY : C’est mon frère Joe. John essaie de savoir ce qui est arrivé à Westie.
JOE : Vous êtes de la police ?
JOHN : Plus ou moins, oui.
JOE : Dites-leur de ma part de se remuer le cul, ça devient ridicule.
JOHN : Je ferai de mon mieux.
Joe rentre dans la maison.
JOHN : Eh bien, je vous remercie pour votre aide et, encore une fois, je suis désolé.
LUCY : Il n’a rien volé, Mr Watson. Je le connaissais : c’était un homme bien. C’était mon homme…
Elle rentre chez elle, et John s’éloigne dans la rue.
221B BAKER STREET
John est dans un taxi. Dans Baker Street, la SDF du Pont de Waterloo fait la manche.
SDF : Vous auriez une pièce ? Un petite pièce ?
Sherlock sort du 221B. Au même moment, le taxi de John s’arrête là.
JOHN : Alex Woodbridge ne savait strictement rien sur l’Art.
SHERLOCK : Et ?
JOHN : Et quoi ?
SHERLOCK : C’est tout ? Je veux dire : pas d’habitude ? de hobby ? de trait de caractère particulier…
JOHN : Non, non, non. Attends un seconde : il était passionné d’astronomie.
SHERLOCK : Retiens le taxi. (il se dirige vers la SDF)
SDF : Une petite pièce, monsieur ?
SHERLOCK : Une petite info ?
Elle lui tend un bout de papier, qu’il consulte aussitôt.
Incrustation : VAUXHALL ARCHES
SHERLOCK (à John) : Une chance que moi je me sois activé. (en montant dans le taxi) Allons-y.
VAUXHALL
SHERLOCK (en regardant le ciel étoilé) : Magnifique, non ?
JOHN : Je croyais que t’en avais rien à faire de…
SHERLOCK : ça ne veut pas dire que je ne les apprécie pas.
JOHN : A propos : Alex Woodbridge avait un message sur le répondeur de son appartement. Un certain professeur Cairns.
SHERLOCK : Par ici. (ils s’enfoncent dans un coin reculé et sombre de la ville)
JOHN : C’est joli. Un joli coin de Londres… Quand tu voudras m’expliquer…
SHERLOCK : Le réseau des SDF. Il est vraiment indispensable.
JOHN : Le réseau des SDF ?
SHERLOCK : Mes antennes à travers la ville.
JOHN : Oh ! C’est… Alors tu les aides et ils te filent un coup de main ?
SHERLOCK : Oui, et je me désinfecte après.
Ils sont à présent dans un lieu si sombre qu’ils doivent utiliser des lampes-torches. Au loin, sur un mur éclairé par un feu de camp, apparaît l’ombre chinoise d’un « géant ».
JOHN : Sherlock, attention ! (ils se cachent tous les deux derrière un mur) Qu’est-ce qui lui prend de dormir ici ?
SHERLOCK : Il est très reconnaissable : il doit se cacher dans un lieu où on n’est pas trop bavard.
JOHN : Oh merde…
SHERLOCK : Quoi ?
JOHN : J’aurais voulu…
SHERLOCK (en lui tendant son pistolet) : N’y pense plus. Tiens.
Le Golem s’en va alors en courant.
SHERLOCK (en s’en apercevant) : Vite ! (et ils partent à sa poursuite)
Le Golem s’engouffre dans une voiture, qui démarre en trombe.
SHERLOCK : Non ! Non ! Non ! On en a pour plusieurs semaines à le retrouver !
JOHN : Attends, je crois que je sais peut-être où il va.
SHERLOCK : Quoi ?
JOHN : Je te l’ai dit : quelqu’un a laissé un message à Woodbridge. Il doit pas y avoir beaucoup de professeur Cairns dans l’annuaire. Tu viens ?
PLANETARIUM
Le professeur Cairns travaille sur une séquence filmée, seule dans le planetarium.
NARRATEUR : Jupiter, la cinquième et plus grande planète de notre système solaire. Jupiter est une géante gazeuse qui pourrait contenir onze fois la planète Terre…
Pr CAIRNS : Oui, tout ça on le sait déjà. (elle fait alors défiler l’enregistrement)
NARRATEUR : Titan est la plus grosse…
Pr CAIRNS : Et bien alors Neptune, où es-tu caché ? (elle continue de faire défiler les images)
Une personne rentre dans le planetarium, et le professeur Cairns entend la porte se refermer.
NARRATEUR : … beaucoup, mortes depuis longtemps…
Pr CAIRNS : Tom, c’est toi ?
NARRATEUR : … des supernovas… Découverte par Urbain Le Verrier, en 1846…
L’ombre d’un géant s’approche du professeur Cairns. Le Golem saisit alors son visage et commence à l’étouffer, pendant qu’elle se retient à la table de montage.
Sherlock et John arrivent alors.
SHERLOCK : Golem !!!!
John le tient en joue. Le géant est surpris et lâche son étreinte, Cairns tombe au sol et dans sa chute, sa main agrippée à la table de montage éteint l’éclairage du planetarium.
SHERLOCK : John, je ne le vois plus.
JOHN : Je fais le tour.
La lumière se fait intermittente.
SHERLOCK : Pour qui travaillez-vous cette fois, Dzundza ?
Le Golem apparaît derrière Sherlock, et saisit son visage pour l’étouffer à son tour. Sherlock se débat mais rien n’y fait. John revient et vise le géant avec son arme.
JOHN : Golem !!! Lâchez-le ou je vous tue, Golem.
Sherlock parvient à se libérer, mais dans le mouvement, le pied du Golem désarme John et le géant se précipite sur lui. Il commence à l’étrangler et le jette au sol.
Sherlock se relève et tente de boxer cette immense créature. En un seul coup, il le remet au tapis et l’étouffe à nouveau.
John revient à la charge et attrape le Golem par derrière : le voilà à califourchon sur son dos. Le géant tourne sur lui-même pour essayer de s’en débarrasser. Il parvient à l’envoyer à terre, et commence à s’enfuir.
Pendant ce temps, Sherlock récupère l’arme de John et essaye de lui tirer dessus : malheureusement sa position toujours au sol et le mauvais éclairage l’empêchent de viser juste, et le Golem s’enfuit pour de bon.
Sherlock peste, en donnant un grand coup sur le parquet.
GALERIE HICKMAN
Sherlock, John, Lestrade et Melle Wenceslas sont face au tableau.
SHERLOCK (les yeux rivés sur son smartphone): C’est un faux. C’est forcément un faux.
Incrustation : Usure toile
Coup de pinceau Vermeer
Influences Vermeer
Dégâts UV
Analyse des pigments
Vue Delft 1600
Melle WENCESLAS : Ce tableau a été soumis à tous les examens scientifiques connus…
SHERLOCK : C’est un faux très convaincant ! Mais vous savez ce qu’il en est. D’ailleurs c’est vous qui avez tout manigancé, n’est-ce pas ?
Melle WENCESLAS (à Lestrade): Lieutenant, je perds réellement mon temps. Je vous prierai de prendre la porte, vous et vos curieux amis.
Le téléphone rose sonne.
SHERLOCK : Ce tableau est un faux ! (personne ne répond à l’autre bout du fil) C’est un faux : c’est pour ça que Woodbridge et Cairns ont été tués… Oh je vous en prie ! Le prouver n’est qu’un détail ! Ce tableau est un faux : j’ai tout compris ! Je sais tout ! C’est un faux : c’est la réponse, c’est pour ça qu’on les a tués. (Toujours pas de réponse. Sherlock prend une grande inspiration) Je vais le prouver. Donnez-moi du temps, je vous demande de m’accorder du temps !
ENFANT (à l’autre bout du fil) : Dix.
A l’énoncé du début du compte à rebours, Sherlock se précipite sur le tableau sans même se soucier du détail de l’âge de son interlocuteur.
LESTRADE : C’est un gosse !
John est horrifié.
JOHN : Oh non. Qu’est-ce qu’il a dit ?
SHERLOCK (les yeux écarquillés sur la toile): Dix. Il compte à rebours : il me donne du temps.
ENFANT : Neuf.
LESTRADE : C’est pas vrai…
SHERLOCK : Ce tableau est un faux mais comment est-ce que je peux le prouver ? Comment ?! Comment ?!
ENFANT : Huit.
SHERLOCK (à Melle Wenceslas, les bras croisés, un peu moins sûre d’elle…) : Cet enfant va mourir ! Dites-moi pourquoi c’est un faux ! Dites-le moi !!! (Melle Wenceslas sursaute)
ENFANT : Sept.
SHERLOCK : Non, taisez-vous ! Surtout ne me dites rien ! Ça ne marche que quand je le trouve moi-même !
JOHN : C’est pas vrai…
SHERLOCK (à nouveau le nez sur le tableau) : C’est évident, évident : j’ai la preuve sous le nez.
ENFANT : Six.
SHERLOCK : Comment ?!
ENFANT : Cinq.
LESTRADE : Il va plus vite !
JOHN : Sherlock !
ENFANT : Quatre.
SHERLOCK : Oh !!! Au planétarium : toi aussi, tu l’as entendu ! Oh c’est brillant ! C’est génial !
ENFANT : Trois.
Sherlock se retourne, confie le téléphone rose à John, prend son smartphone dans sa poche et commence à effectuer des recherches dessus, en exhibant un large sourire.
Incrustation : Astronomes
Supernovas
JOHN : Qu’est-ce qui est brillant, Sherlock ?
SHERLOCK : C’est magnifique ! Ah j’adore !
ENFANT : Deux.
LESTRADE : Sherlock !!!
SHERLOCK (en reprenant le téléphone rose des mains de John) : La supernova Von Buren !
Après quelques secondes de silence interminables :
ENFANT : S’il vous plait ! Y’a quelqu’un ? S’il vous plait, aidez-moi !
SHERLOCK (en poussant un soupir de soulagement) : Tenez (il tend le téléphone à Lestrade). Allez sauver le gamin. (En montrant le tableau) La supernova Von Buren, comme on l’appelle. Désigne une étoile en train d’exploser et n’est apparue dans le ciel qu’en 1858. (Il lance un regard à Melle Wenceslas et quitte la pièce)
JOHN : Alors comment a-t-elle pu être peinte vers 1640 ?
Alerte SMS
Incrustation : Je commence
à perdre patience.
Mycroft Holmes
John quitte également la pièce, visiblement très soulagé lui aussi. Melle Wenceslas, elle, beaucoup moins.
SCOTLAND YARD
SHERLOCK (méditatif, les doigts joints) : Tout ça est très intéressant : papier à lettres de Bohème, un assassin dont le nom s’inspire d’une légende tchèque, et vous Melle Wenceslas. Toute cette affaire a quelque chose de très tchèque, apparemment. C’est ça la piste à suivre ? (à Lestrade) Quelles sont les charges qui pèsent contre elle ?
LESTRADE : Eh bien… Associations de malfaiteurs, fraude et, au minimum, complicité, et après coup, le meurtre de la vieille dame, des occupants des immeubles…
Melle WENCESLAS (le visage défait) : Mais je ne savais rien de ces meurtres !!! Et de toutes ces choses… S’il vous plait, il faut me croire ! (Sherlock fait un petit signe d’approbation à Lestrade) Tout ce que je voulais, c’est ma part. Les trente millions… J’ai trouvé un vieil homme, en Argentine. Un génie avec un coup de pinceau parfait qui duperait n’importe qui…
SHERLOCK : Mmmh…
Melle WENCESLAS : Enfin, presque n’importe qui. Mais je ne savais pas comment m’y prendre pour convaincre le monde que ce tableau était authentique. Ce n’était qu’une idée. Une petite étincelle qu’il a transformée en flamme.
SHERLOCK : Qui ?
Melle WENCESLAS : Je n’en sais rien.
Lestrade, incrédule, ricane.
Melle WENCESLAS : Si, c’est vrai ! Ça a pris très longtemps mais finalement on m’a mise en relation avec des gens… Avec ses gens. (Sherlock se redresse alors sur son fauteuil) Mais il n’y a jamais eu de vrai contact. Juste des messages… des murmures.
SHERLOCK : Et ces murmures, sont-ils rattachés à un nom pour vous ?
Melle WENCESLAS (avec beaucoup d’hésitations) : Moriarty.
Révélation qui rend Sherlock encore plus « méditatif »…
ABORDS D’UNE VOIE FERREE
John et un cheminot arpentent une voie ferrée, tous deux vêtus de combinaisons de sécurité orange, à bandes réfléchissantes.
JOHN : C’est donc ici qu’on a retrouvé West ?
CHEMINOT: Ouais.
JOHN : Mmmh.
CHEMINOT: Vous en avez pour longtemps ?
JOHN : C’est possible.
CHEMINOT: Vous êtes de la police ?
JOHN : Plus ou moins.
CHEMINOT: Je les déteste.
JOHN : Les policiers ?
CHEMINOT: Non, les sauteurs. Les personnes qui se jettent sous les trains. C’est que des égoïstes.
JOHN : C’est une façon de voir les choses, évidemment.
CHEMINOT: Je plaisante pas. (John s’accroupit aux bords de la voie ferrée) Eux bien sûr, ils s’en tapent : ça dure qu’un quart de seconde. Et après il y a plein de confiture de fraise sur la voie. Et au conducteur, ils y pensent ? (John passe ses doigts sur le rail) C’est qu’en suite, il faut vivre avec ça.
JOHN : A propos de confiture de fraise, y’a pas de sang sur la voie. Elle a été nettoyée ?
CHEMINOT : Non, y’en avait pas beaucoup.
JOHN : Pourtant sa tête a été défoncée.
CHEMINOT : Ouais, mais y’avait pas beaucoup de sang.
JOHN : OK.
Il se retourne, les yeux rivés sur les voies.
CHEMINOT : Bon, je vous laisse alors. Appelez-nous quand vous aurez fini. (Il s’éloigne)
JOHN : Entendu… Bon, Andrew West est monté dans le train, quelque part sur la ligne, sauf qu’il n’avait pas de billet… Comment il a pu atterrir ici ?
A ce moment-là, l’aiguillage de la voie se met à fonctionner, entraînant John dans une profonde réflexion.
SHERLOCK (apparu derrière John) : L’aiguillage.
JOHN : Oui !
SHERLOCK : Je savais que tu y viendrais. West n’a pas été tué ici : c’est pour ça qu’il y avait si peu de sang.
JOHN : ça fait longtemps que tu me suis ?!
SHERLOCK : Depuis le début. Tu ne te figures pas que j’abandonnerais une affaire rien que pour embêter mon frère, tout de même. Allez viens, on a un cambriolage à commettre.
Ils quittent tous les deux la voie ferrée.
RUE D’UN QUARTIER PAVILLONNAIRE / APPARTEMENT DE JOE HARRISSON
SHERLOCK : Les plans anti-missiles n’ont pas quitté le pays, autrement Mycroft et sa bande l’auraient appris. En dépit de ce que pensent les gens, on a toujours des services secrets.
JOHN : Oui, je sais, je les ai rencontrés.
SHERLOCK : Ce qui veut dire que le voleur de la clef USB ne peut pas la vendre ou ne sait pas quoi en faire. Je parierais sur le deuxième cas… On y est.
JOHN : Où ?
Ils gravissent les escaliers d’un petit immeuble et se retrouve devant la porte d’un appartement.
JOHN (à voix basse) : Sherlock ! Et s’il y a quelqu’un à l’intérieur ?
SHERLOCK : Y’a personne
Il réussit à ouvrir la porte et ils pénètrent tous les deux dans l’appartement.
JOHN : On est où ?!
SHERLOCK : Pardon, je ne te l’ai pas dit : on est chez Joe Harrison. (Il rentre dans une pièce et se dirige vers la fenêtre)
JOHN : Joe ?
SHERLOCK (en tirant les rideaux. Au loin on entend le bruit d’un train) : Le frère de la fiancée de West. (à l’image : un train passe juste sous la fenêtre). Il a volé la clef USB et tué son futur beau-frère. (Il s’approche du rebord de la fenêtre et l’observe à la loupe : des tâches de sang)
JOHN : Pour quelle raison ?
La porte d’entrée s’ouvre.
SHERLOCK : On va lui demander.
John s’approche alors tout doucement des escaliers. Joe commence à monter son vélo, qu’il brandit sur John lorsqu’il l’aperçoit.
JOHN (en dégainant son pistolet et en le pointant sur Joe) : Non ! Non.
Plan suivant : Joe est assis dans son canapé.
JOE : J’avais pas l’intention de… merde ! Qu’est-ce que Lucy va dire ? C’est pas vrai !
JOHN : Pourquoi l’avez-vous tué ?
JOE : C’était un accident…
SHERLOCK : Mmmh…
JOE : Je vous le jure !
SHERLOCK : Mais le vol des plans du programme anti-missiles n’étaient sûrement pas un accident, n’est-ce pas ?
JOE : Je me suis mis à dealer de la drogue. En fait le vélo et tout ça, c’était des couvertures. Je sais pas comment ça a commencé, mais très vite, le truc m’a échappé. Je devais des fortunes à des gens qui plaisantent pas. Un soir, on est allé faire la fête avec Westie, pour ses fiançailles, et il s’est mis à parler de son boulot. D’habitude, il était toujours très prudent, mais cette nuit-là, après quelques bières, il s’est vraiment lâché. Il m’a parlé des plans anti-missiles, ultra-secrets. Il m’a montré la clef USB. Il l’a brandie devant moi. Des fois, on apprend que des trucs comme ça ont été perdus, et ils ont fini dans une décharge. Mais elle était là, sous mes yeux. Et je me suis dit, eh bien, qu’elle pourrait valoir une fortune. Il était tellement bourré que ça a été facile de lui prendre (à l’image : un flash-back de la soirée et Joe qui subtilise la clef USB dans la poche de la chemise de West). Quand j’ai revu Westie, j’ai tout de suite compris à sa tête qu’il savait.
JOHN : Qu’est-ce qu’il s’est passé ? (flash-back : les deux hommes se battent et Westie dégringole les escaliers, au bas desquels il se retrouve inconscient)
JOE : J’allais appeler une ambulance. Mais c’était trop tard. Je savais plus trop quoi faire. Alors je l’ai traîné jusqu’ici et… je suis resté assis dans le noir, à réfléchir.
SHERLOCK : Lorsque une idée lumineuse vous est venue à l’esprit.
A l’image : Joe traîne le corps d’Andrew West à l’extérieur, et, à grand peine, le place sur le toit du train qui vient juste de s’arrêter sous sa fenêtre.
SHERLOCK : Le corps d’Andrew West aurait pu être transporté loin d’ici, et pendant un bon moment, si le train n’avait pas rencontré une portion de rail en courbe…
JOHN : Et un aiguillage.
SHERLOCK : Exactement.
JOHN : Vous l’avez toujours la clé USB ? (Joe fait oui de la tête)
SHERLOCK : Je pourrais l’avoir, s’il vous plait. (Joe se lève et quitte la pièce) Fin de l’intermède, John : le jeu continue.
JOHN : Peut-être qu’il est fini aussi : on n’a pas de nouvelle du poseur de bombes.
SHERLOCK : Cinq bips, rappelle-toi. C’est le compte à rebours. On n’en a eu que quatre.
221B BAKER STREET
Sherlock est pelotonné dans son fauteuil, emmitouflé dans son manteau, le téléphone rose posé sur l’accoudoir. John tape à l’ordinateur. Les fenêtres de l’appartement sont toujours remplacées par des planches de bois.
SHERLOCK (regardant la télé) : Non, non, NON !!! Bien sûr qu’il n’est pas le père du garçon ! Regardez les revers de son jean !!!
JOHN : Je savais que c’était risqué.
SHERLOCK : Mmmh ?
JOHN : De t’initier à la télé-poubelle.
SHERLOCK : Oh. Ça vaut pas le show de Connie Prince.
JOHN : Tu as remis la clé USB à Mycroft ?
SHERLOCK : Oui, il était au septième ciel. Il a menacé de m’anoblir, encore une fois.
JOHN : Tu sais que j’attends toujours.
SHERLOCK : Mmmh ?
JOHN : Que tu veuilles bien admettre que de connaître un peu mieux le système solaire, t’aurais permis de résoudre l’affaire du tableau plus vite.
SHERLOCK : ça ne t’a pas servi à grand-chose à toi.
JOHN : Non, mais je ne suis pas LE détective-consultant.
SHERLOCK : Très juste.
JOHN : Je serai pas là pour le thé : je vais chez Sarah. (Il cesse de taper à l’ordinateur, se lève de sa chaise et commence à quitter la pièce) Il reste du risotto dans le frigo.
SHERLOCK : Mmmh.
JOHN : Du lait : il nous faut du lait !
SHERLOCK : J’en achèterai.
JOHN : Ah oui ?!
SHERLOCK : Oui.
JOHN : Et des haricots ?
SHERLOCK : Mmmh.
John s’en va, Sherlock saisit son ordinateur portable, coincé entre lui et l’accoudoir du fauteuil. Il poste ce message sur son site :
Ai trouvé les plans Bruce Partington.
Prendre livraison.
La piscine. Minuit.
PISCINE
SHERLOCK (seul au bord du bassin, cherchant quelqu’un du regard) : Je vous ai apporté un petit cadeau pour faire connaissance (il exhibe la clé USB). C’est pour ces plans que vous avez agi, non ? Que j’ai percé tous ces mystères, que vous m’avez fait danser … Tout ça pour me faire oublier ceci !
Une porte s’ouvre et John apparaît au bord du bassin. Il est vêtu d’un gros manteau.
JOHN : Bonsoir… C’est une drôle de surprise, Sherlock, non ?
SHERLOCK (pétrifié) : John ? Mais qu’est-ce…
JOHN : Je parie que t’as rien vu venir… Que… souhaitez-vous… que je lui fasse dire… maintenant ? (en prononçant ces mots, il entrouvre son manteau : il est couvert d’explosifs et un point rouge lumineux se promène sur sa poitrine)
SHERLOCK : Toubeille de tière.
JOHN : Toubeille de tière, toubeille de…
SHERLOCK : ça suffit.
JOHN : Charmante idée, ce choix de la piscine … où le petit Carl est mort. Je l’ai neutralisé… et je peux aussi neutraliser Watson… arrêter son cœur.
SHERLOCK : Qui êtes-vous ?
Dans le fond de la piscine, une porte s’ouvre. Apparaît le petit copain de Molly, habillé cette fois comme un trader de la City.
MORIARTY : Je vous ai donné mon numéro. Je pensais que vous alliez peut-être appeler. C’est un Browning L9A1, de l’armée britannique, qui est dans votre poche ? Ou êtes-vous seulement content de me voir ?
SHERLOCK (en brandissant l’arme en question et en la pointant sur Moriarty) : Les deux.
MORIARTY : Jim Moriarty. Hello ! Jim ? Le Jim de l’hôpital ? Mmmh, j’ai donc fait une impression si fugace : mais après tout, c’était un peu le but, non ? Ne soyez pas stupide : c’est un autre que moi qui tient le fusil. J’ai horreur de me salir les mains. Je vous ai donné un aperçu, Sherlock, un très léger aperçu de mes activités dans le grand méchant monde. Je suis un spécialiste, en fait. Comme vous.
SHERLOCK : Cher Jim, vous voulez bien me rendre le service de liquider l’affreuse sœur de mon amant ? Cher Jim, voulez-vous bien me rendre le service de me faire disparaître en Amérique du Sud ?
MORIARTY : Sherlock, très fort !
SHERLOCK : Un criminel-consultant. Brillant.
MORIARTY : Oh oui ! Personne n’a jamais pu m’atteindre… et ne m’atteindra jamais.
SHERLOCK : Moi (il arme le pistolet) je l’ai fait.
MORIARTY : Vous avez failli le faire. Mais vous me mettez des bâtons dans les roues…
SHERLOCK : Merci.
MORIARTY : C’était pas un compliment.
SHERLOCK : Oh que si.
MORIARTY : Bon OK, c’en était un. Mais la drague est terminée, Sherlock, le chef en a marre. Je vous ai montré ce dont je suis capable, je me suis débarrassé de toutes ces personnes, de tous ces petits problèmes et même de trente millions de Livres, rien que pour vous convaincre de venir jouer avec moi. Alors, petit conseil d’ami, mon cher : barrez-vous. Cela dit, j’ai réellement adoré chaque étape de notre petit jeu (il s’approche petit à petit de John et Sherlock) : qu’il s’agisse du Jim des soins intensifs, ou bien « homo » ; la petite touche « sous-vêtements » vous a plu ?
SHERLOCK : Des gens sont morts.
MORIARTY : C’est ce que les gens FONT !!!!
SHERLOCK : Je vous neutraliserai.
MORIARTY : Oh non.
SHERLOCK (à John) : ça va ?
MORIARTY (en s’approchant tout près de John) : Parle, Johnny. Vas-y mon grand, exprime-toi.
John fait un petit signe de la tête.
SHERLOCK (en tendant la clé USB à Moriarty) : Tenez.
MORIARTY : Hein ? Oh ! Dis-donc : les fameux plans ! (il prend la clef USB)… Ennuyeux ! J’aurais pu les avoir n’importe où ! (Et il jette la clef dans la piscine)
John se précipite alors et saisit Moriarty.
JOHN : Sherlock ! Tire-toi !
MORIARTY (en riant, très content) : Oh, oh ! Bravo ! Bravissimo ! (Sherlock continue de viser Moriarty, mais avec John si près, les choses se compliquent…)
JOHN : Si votre sniper me tire dessus, Mr Moriarty, on explose ensemble.
MORIARTY (à Sherlock) : Qu’est-ce qu’il est gentil ! Je comprends pourquoi vous le traînez partout. Mais il est vrai que beaucoup de gens s’attachent à leurs animaux de compagnie. Il est d’une loyauté touchante. Mais : Oooops ! Vous en avez trop dit, Dr Watson (à ce moment-là, un point lumineux rouge apparaît sur le front de Sherlock). Je vous tiens !
John relâche alors Moriarty.
MORIARTY (en montrant son costume) : C’est du sur-mesure… Vous savez ce qui va vous arriver si vous ne me laissez pas tranquille, Sherlock ?
SHERLOCK : Oh attendez un peu que je devine : je vais être tué peut-être ?
MORIARTY : « Tué » ? (grimace de désapprobation) : oh non, non, un peu d’imagination. Je vous tuerai un de ces jours, de toute manière. Mais je ne veux rien précipiter : je me le réserve pour une occasion spéciale. Non, non, non : si vous continuez à fouiner, je vous brûlerai. Je ferai de votre cœur un tas de cendre.
SHERLOCK : J’ai appris de sources bien informées que je n’en ai pas, de cœur.
MORIARTY : Mais nous savons, l’un et l’autre, que ce n’est pas tout à fait vrai… Bon, va falloir que je me sauve. J’ai été ravi de ce petit échange.
SHERLOCK (en avançant son arme) : Et si je vous tuez maintenant, là tout de suite ?
MORIARTY : Vous pourriez savourer l’air de surprise sur mon visage (et il mime alors un air surpris très appuyé), parce que je serais surpris Sherlock, très surpris. Et juste un tout petit peu déçu… Mais bien sûr votre plaisir ne durerait pas très longtemps… Ciao, Sherlock Holmes. (Il s’en va)
SHERLOCK : Je vous aurai (une porte s’ouvre) tôt ou tard.
MORIARTY (au loin et tout guilleret) : Non, vous ne m’aurez pas ! (la porte se referme)
Sherlock dépose son arme au sol, se précipite sur John et défait son « armure d’explosifs ».
SHERLOCK : Bon… Est-ce que ça va ?!
JOHN (un peu KO) : Oui, oui, ça va, ça va… ça va. Sherlock… Sherlock ?
Ce dernier, après avoir débarrassé John du manteau, le jette au sol le plus loin possible. Il récupère l’arme et part à la poursuite de Moriarty. John vacille et s’accroupit au sol pour reprendre ses esprits. Sherlock revient au bord du bassin.
JOHN : Et toi ça va ?
SHERLOCK : Moi ? Ça va, ça va. Ça va bien. Ce que tu… Ce que tu as… Ce que tu as fait… Ce que tu as proposé de faire, c’était… c’était bien.
JOHN : Je suis content que personne n’ait vu ça.
SHERLOCK : Mmmh ?
JOHN : Toi, en train de m’arracher mes fringues, dans la pénombre d’une piscine. Ça pourrait faire jaser.
SHERLOCK : C’est à peu près tout ce que les gens savent faire.
Ils se sourient, lorsque réapparaît le point rouge lumineux.
MORIARTY : Désolé les garçons ! Je suis tellement versatile ! C’est une faiblesse chez moi, mais, pour être tout à fait honnête avec moi-même, c’est ma seule faiblesse. Je ne peux pas vous laisser continuer comme ça. Ce n’est pas possible. J’essaierais bien de vous en convaincre mais tout ce que j’ai à dire vous a déjà traversé l’esprit.
Sherlock et John, criblés de points rouge lumineux, se regardent et John fait un petit signe d’approbation de la tête à son ami.
SHERLOCK (en se retournant et en brandissant son arme) : Je suppose donc que ma réponse a dû traverser le vôtre. (Il pointe l’arme sur le manteau bourré d’explosifs, qui se trouve au sol)
Sherlock et Moriarty se fixent du regard. Moriarty esquisse un petit sourire.
-Générique de fin-