-LES CHIENS DE BASKERVILLE-
LANDE DU DARTMOOR
Un enfant court. Il semble fuir quelque chose. On entend des cris et des grognements.
Sur la lande, il rencontre une vieille dame qui promène son épagneul :
VIEILLE DAME : Oh ! Bonjour ! (l’enfant, haletant, s’immobilise) Tout va bien ? Qu’y-a-t’il, trésor ? Tu es perdu ?
L’épagneul s’approche de l’enfant, qui se met à hurler.
Plan suivant : Henry Knight adulte se tient seul dans un ravin lugubre, dans une sorte de brouillard.
-Générique-
221B BAKER STREET
Des chiens en peluche remuent la tête dans la vitrine du Speedy’s Café.
Sherlock fait irruption au 221B, haletant, couvert de sang et tenant un harpon. John est assis dans son fauteuil et travaille sur son ordinateur portable.
SHERLOCK : ça a été d’un fastidieux !
JOHN : Tu as pris le métro dans cette tenue ?
SHERLOCK : Aucun taxi ne m’a accepté !
Plus tard, le sang a disparu, mais pas le harpon : Sherlock fait les cent pas, vêtu de son peignoir, et semble un « lion en cage ». John, toujours dans son fauteuil, lit le journal.
SHERLOCK : Rien ?
JOHN : Un coup d’état en Ouganda…
SHERLOCK : Mmmmh…
JOHN : (il pouffe de rire) Une autre photo de toi avec le… (à l’image : un article de presse titre « … net phenomenon » et présente la photo de Sherlock coiffé d’un deerstalker)
SHERLOCK : (agacé) Aaaah…
JOHN : Sinon… (il consulte un autre journal) Remaniement ministériel.
SHERLOCK : (excédé) Rien qui ait de l’importance ! Quelque chose d’autre !!!! John : je suis en manque ! Il faut absolument que tu m’aides !
JOHN : Non.
SHERLOCK : S’il te plaît ! Trouve-m’en !
JOHN : Non : sevrage radical. On était d’accord ! De toute façon, tu les as tous payés : tu te rappelles ? Personne ne te vendra rien à trois kilomètres à la ronde.
SHERLOCK : Non mais quelle idée stupide ? Qui l’a eue ?
JOHN : Hum, hum…
SHERLOCK : Mme Hudson !!!! (Il ravage alors son bureau, fait voler tous les papiers qui s’y trouvent, en quête de quelque chose)
JOHN : Ecoute, Sherlock : je trouve que tu t’en sors très bien. (Sherlock fait à présent voler tous les papiers qui s’amoncellent un peu partout dans la pièce, ouvre toutes les boîtes qu’il trouve… répand le chaos au milieu du bazar environnant) N’abandonne pas maintenant.
SHERLOCK : Dis-moi où elles sont ?! S’il te plaît ! Dis-moi ! (en essayant de retrouver un semblant de calme et de contenance) Pitié…
JOHN : Non, pas question.
SHERLOCK : Je te donnerai les numéros gagnants de la semaine prochaine… (John, incrédule, se met à rire) ça ne coûtait rien d’essayer…
La tornade Sherlock repart de plus belle et dévaste le désordre près de la cheminée.
Mme Hudson arrive alors :
Mme HUDSON : Coucou !
SHERLOCK : (plongé dans ses « fouilles ») Ma réserve secrète ! Vous avez touché à ma réserve secrète !
Mme HUDSON : Hein ?
SHERLOCK : Mes cigarettes ! Où sont-elles ? Qu’en avez-vous fait ?
Mme HUDSON : Vous m’interdisez de toucher à vos affaires, alors… Oh ! Quand je vois ça, j’en arrive à le regretter !
SHERLOCK : (en se relevant) Vous n’êtes pas ma femme de ménage !
Mme HUDSON : Heureusement que non. (Sherlock grogne et John fait discrètement signe à Mme Hudson de lui proposer une tasse de thé) Que penseriez-vous d’une tasse de thé (Sherlock saisit à nouveau son harpon)et de laisser tomber votre harpon ?
SHERLOCK : Il me faut beaucoup plus fort que du thé ! 7% plus fort… (Il pointe alors son harpon sur Mme Hudson)
Mme HUDSON : Ooooh !
SHERLOCK : Vous êtes encore allée chez Mr Chatterjee ?
Mme HUDSON : Pardon ?
SHERLOCK : La sandwicherie. Vous avez une nouvelle robe, mais vous avez de la farine sur la manche, et vous ne vous habilleriez pas comme ça pour cuisiner…
JOHN : Sherlock…
SHERLOCK : Vous avez de l’aluminium derrière l’ongle du pouce : encore vos jeux à gratter. On sait tous où ça mène… (humant ostensiblement l’air) Mmmh ! « Nuit de kasbah » ! Plutôt capiteux pour un lundi matin, vous n’êtes pas d’accord ? J’ai fait tout un blog sur l’identification des parfums : c’est sur le site, jetez-y un coup d’œil !
Mme HUDSON : Je vous en prie !
SHERLOCK : Oubliez cette croisière avec Mr Chatterjee : il a une épouse à Doncaster et personne n’est au courant…
JOHN : Sherlock !!!!!
SHERLOCK : Personne, sauf moi !
Mme HUDSON : Je ne vois vraiment pas de quoi vous voulez parler ! Pas du tout ! (et elle s’en va, offusquée)
Sherlock saute dans son fauteuil et s’y tient accroupi, tentant de contrôler sa nervosité.
JOHN : Tu veux bien me dire quelle mouche te pique tout d’un coup !
SHERLOCK : Tu ne comprends pas…
JOHN : Va la trouver et présente lui tes excuses.
SHERLOCK : Que je lui présente des excuses ?
JOHN : Mmh,mmh.
SHERLOCK : Oh John, si tu savais à quel point je t’envie !
JOHN : Ah bon, tu m’envies ?
SHERLOCK : Ton esprit : si placide, si étroit, si peu utilisé…Le mien est un moteur que plus rien ne contrôle. Une fusée qui implose et se désintègre sur son pas de tire… Je veux une enquête !!!!
JOHN : Tu viens d’en résoudre une d’enquête !! En… en harponnant un cochon mort… apparemment !
SHERLOCK : Grrrr ! Ça c’était ce matin ! (en gesticulant nerveusement) Quand va arriver la prochaine ?
JOHN : Tu as regardé sur le site ?
SHERLOCK : (il se lève, saisit et tend son ordinateur portable à John) « Cher Mr Sherlock Holmes, mon petit Bluebell est introuvable. S’il vous plaît, s’il vous plaît, pouvez-vous m’aider ? »
JOHN : Qui est Bluebell ?
SHERLOCK : Un lapin, John !!!
JOHN : Oh !
SHERLOCK : Oh ce n’est pas tout : peu avant de disparaître, Bluebell est devenu lumineux. « Comme la fée Clochette » ! Selon la petite Kirstie… Le lendemain, Bluebell s’était envolé ! Clapier fermé à double-tour, aucune trace d’effraction… Ooooh ! Mais qu’est-ce que je dis, moi : c’est parfait ! Appelle Lestrade : dis-lui que je suis sur une évasion de lapin…
JOHN : T’es pas sérieux ?
SHERLOCK : Ce sera ça ou un Cluedo.
JOHN : Oh ! Non ! Pas question qu’on joue encore à ça ! (il referme l’ordinateur et le dépose sur le bureau)
SHERLOCK : Pourquoi ?
JOHN : Parce qu’il est impossible que l’assassin soit la victime, Sherlock, voilà pourquoi !
SHERLOCK : C’est la seule solution possible !
JOHN : C’est pas dans les règles !
SHERLOCK : Ce sont les règles qui ont tort, John !!!
La sonnerie retentit.
JOHN : Une seule sonnerie…
SHERLOCK : Pression maximale sur une demi-seconde…
JOHN & SHERLOCK : Un client !
Quelques instant plus tard, Sherlock, John et leur client regarde l’extrait d’un reportage à la télévision :
JOURNALISTE : Le Dartmoor… Un endroit regorgeant de mythes et de légendes. (Sherlock semble peu attentif aux propos de la journaliste) Mais autre chose qu’un mythe rôderait-il dans les parages ? Une chose plus concrète. Le Dartmoor abrite également des opérations qui comptent parmi les plus secrètes du gouvernement. Un centre de recherche en armes chimiques et bactériologiques, réputé plus sensible encore que celui de Porton Down. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, de nombreuses rumeurs courent au sujet des expériences de Baskerville : mutations génétiques, animaux conçus pour des opérations militaires… Ici, beaucoup continuent à croire qu’à l’intérieur de ce complexe, niché au cœur de cette contrée jadis sauvage, se déroulent des atrocités inimaginables. Mais la vraie question est la suivante : n’ont-elles vraiment lieu qu’à l’intérieur ?
HENRY KNIGHT (dans le reportage) : J’étais… tout gosse… et je me promenais sur la lande. Il faisait sombre mais je sais ce que j’ai vu (à l’écran : un dessin d’enfant, représentant un chien féroce aux yeux rouges)… Je sais ce qui a tué mon père…
Sherlock éteint alors la télévision.
SHERLOCK : (soupir d’exaspération) Qu’avez-vous vu ?
HENRY : Oh… euh… J’étais sur le point de le dire…
SHERLOCK : Oui, lors d’une interview télé. Je préfère vous entendre en direct.
HENRY : D’accord… Désolé, bien sûr. (Il sort une serviette en papier toute froissée de sa poche et s’essuie le nez) Excusez-moi.
JOHN : Prenez votre temps.
SHERLOCK : Mais faites vite.
HENRY : Est-ce que vous connaissez le Dartmoor ?
SHERLOCK : Non.
HENRY : C’est un endroit magnifique qui ne ressemble à aucun autre. C’est assez… morne, mais c’est un bel endroit.
SHERLOCK : Mmm, sans intérêt : poursuivons.
HENRY : Euh… et bien, après la mort de ma mère, on allait souvent se promener, mon père et moi. On sortait le soir sur la lande du Dartmoor…
SHERLOCK : Très bien. Pouvons-nous en venir à la nuit où votre père a été tué ? Où est-ce que ça s’est passé ?
HENRY : Quelque part il y a une sorte de clairière qui porte le nom de ravin de Dewer… C’est un nom ancien pour désigner le diable.
SHERLOCK (absolument pas impressionné) : Et alors ?
JOHN : Avez-vous vu le diable cette nuit-là ?
HENRY : ça oui (à l’image : un homme au coude-à-coude avec une bête impossible à identifier : seuls ses grognements sont audibles). Un pelage noir comme le charbon, et des yeux… rouges… Il a foncé directement sur lui, et puis il l’a déchiqueté. Je ne me souviens de rien d’autre : ils m’ont trouvé le lendemain errant sur la lande du Dartmoor. Mais le corps de mon père n’a jamais été retrouvé.
JOHN : Mmm… Des yeux rouges, un pelage noir de charbon… C’était un énorme quoi ? Chien ? Loup ?
SHERLOCK : Ou le résultat d’une expérience génétique.
HENRY : Est-ce que vous vous moquez de moi, Mr Holmes ?
SHERLOCK : Pourquoi ? Vous c’est le cas ?
HENRY : Mon père s’est toujours élevé contre les expériences menées à Baskerville. Protestant contre les types de monstres qu’on y fabriquait. Bien des gens le regardaient en se moquant. Au moins l’équipe de télévision m’a pris au sérieux…
SHERLOCK : Pour le plus grand plaisir de l’office du tourisme.
JOHN : Oui… euh… Henry, ce qui est arrivé à votre père s’est déroulé il y a une vingtaine d’années, alors pourquoi venir aujourd’hui ?
HENRY : Finalement je doute que vous puissiez m’aider, Mr Holmes, puisque vous me trouvez aussi fêlé !
SHERLOCK : A cause de ce qu’il s’est passé hier soir.
JOHN : Quoi ? Qu’est-ce qu’il s’est passé hier soir ?
Henry qui s’était levé et se dirigeait vers la sortie, se retourne :
HENRY : Comment… comment vous le savez ?
SHERLOCK : Je ne sais rien, j’ai remarqué. Vous êtes venu du Devon ce matin, par le premier train, vous avez pris un petit déjeuner décevant, avec un café noir, vous plaisiez bien à la fille assise en face de vous, elle vous plaisait au début mais vous avez changé d’avis, vous êtes en tous cas très pressé de fumer votre première cigarette de la journée. Assis, Mr Knight, et fumez cette cigarette : vous me ferez très plaisir.
HENRY (en se rasseyant et en sortant son tabac à rouler de sa poche) : Comment avez-vous fait pour remarquer tout ça ?
JOHN : ça n’a aucune importance…
SHERLOCK : Les confettis provenant de votre ticket poinçonné…
JOHN : ça va, Sherlock…
SHERLOCK : Oh ! Pitié ça fait une éternité que je suis enfermé ici…
JOHN : Là c’est de la pure frime…
SHERLOCK : Bien sûr que c’est de la frime : ça fait partie du boulot ! La serviette en papier vous a permis d’éponger le café renversé, la netteté de la trace indique que vous n’avez pas pris de lait, elle porte des traces de ketchup, ainsi que vos lèvres et vos manches : un petit déjeuner. Enfin, dans un train, façon de parler, peut-être un sandwich…
HENRY : Et comment vous savez qu’il était décevant ce petit déj’ ?
SHERLOCK : Tous les petits déjeuners pris dans un train le sont. La fille -l’écriture est caractéristique d’une fille- a écrit son numéro sur la serviette et d’après son angle d’écriture, elle était assise en face de vous mais de l’autre côté de la travée, ensuite, après son départ j’imagine, vous avez pris la serviette pour essuyer le café renversé effaçant du même coup son numéro, vous êtes repassé sur les 4 derniers chiffres avec un autre stylo, donc vous teniez à ce numéro, mais à l’instant vous venez de vous moucher avec : vous n’y teniez pas tant que ça au fond, il y a des traces de nicotine sur vos doigts, vos doigts tremblent -je connais les signes- hors de question de fumer dans le train et pas le temps de vous en rouler une avant de prendre le taxi, il est 9h15 passées, vous êtes désespéré, le premier train Exeter-Londres part à 5h46 : vous teniez absolument à prendre le premier, donc il s’est passé quelque chose d’important hier soir. Dites-moi si je me trompe.
HENRY (après avoir repris sa respiration) : Non. C’est juste, c’est exactement ça. Tout est juste. On m’avait dit que vous étiez rapide, mais là…
SHERLOCK : Je ne fais que mon travail. Maintenant taisez-vous et fumez !
Henry s’exécute.
JOHN : Henry, vos parents sont morts tous les 2. Et vous, vous euh… vous deviez avoir quoi ? 7 ans (Sherlock se redresse, s’approche près d’Henry et inhale intensément la fumée de sa cigarette) ça a dû représenter un véritable traumatisme. Vous ne vous êtes jamais dit que vous avez peut-être inventé cette étonnante histoire, pour… (2ème inhalation de fumée de cigarette) vous aider à supporter ?
HENRY : C’est ce que le Dr Mortimer dit.
JOHN : Qui ?
SHERLOCK : Sa thérapeute.
HENRY : Ma thérapeute.
SHERLOCK : Elémentaire.
HENRY : Louise Mortimer. C’est à cause d’elle que je suis revenue dans le Dartmoor. Elle pense que je dois affronter mes démons.
SHERLOCK : Que s’est-il passé quand vous êtes allés au ravin de Dewer, hier soir ?... Vous êtes venu sur le conseil de votre thérapeute, et aujourd’hui, vous êtes face à un détective : qu’est-ce qui a changé entre temps ?
HENRY : C’est un endroit très bizarre, ce ravin. (à l’image : Henry au milieu d’un ravin embrumé) Quand on est dedans, on a froid, on a peur.
SHERLOCK : (soupir) Si je voulais de la poésie, je lirais les e-mails de John à ses conquêtes : c’est infiniment plus drôle. (soupir d’agacement de John) Qu’avez-vous vu ?!
HENRY : Des empreintes… C’était à l’endroit exact où j’ai vu mon père se faire déchiqueter.
Sherlock soupire et s’enfonce dans son fauteuil.
JOHN : De femme ou d’homme ?
HENRY : Ni l’un, ni l’autre. Elles étaient…
SHERLOCK : Et c’est tout ? Il n’y a rien d’autre ? Des empreintes, c’est tout ?
HENRY : Oui, mais elles étaient…
SHERLOCK : Le Dr Mortimer a raison : traumatisme d’enfance, souvenir inventé. Ennuyeux, Mr Knight ! Et merci d’avoir fumé.
HENRY : Qu’est-ce que vous faites des empreintes ?
SHERLOCK : Oh très probablement des empreintes de pattes. Ça peut être n’importe quoi. Bien le bonjour au Devon ! Buvez un thé à ma santé ! (Il se lève et s’éloigne dans la cuisine)
HENRY : Mr Holmes, les empreintes de pas que j’ai vues à cet endroit étaient celles d’un gigantesque molosse.
A ces mots, Sherlock s’immobilise et se retourne :
SHERLOCK : Redites ce que vous venez de dire.
HENRY : J’ai trouvé des empreintes qui avaient vraiment…
SHERLOCK : Non, non, non : vos paroles exactes. Je vous demande de répéter mot pour mot la phrase que vous avez prononcée.
HENRY : Mr Holmes… les empreintes de pas que j’ai vues à cet endroit étaient celles d’un gigantesque… molosse.
SHERLOCK : (pensif) Je prends l’enquête.
JOHN : Pardon ? Quoi ?
SHERLOCK : Merci de vous être présenté ici, Mr Knight. C’est très prometteur.
JOHN : Non, non, non, attends : tu viens de dire, il y a une minute, que ces empreintes ne valaient rien, et maintenant elles sont prometteuses ?
SHERLOCK : ça n’a rien à voir avec les empreintes. Tu n’écoutais pas. As-tu entendu parler de Baskerville ?
JOHN : Vaguement… C’est une sorte de base secrète.
SHERLOCK : Excellent point de départ pour une enquête.
HENRY : Ah ! Alors vous allez venir ?
SHERLOCK : Non, je ne peux pas quitter Londres : bien trop occupé. (En s’approchant de John) Mais soyez tranquille : je mets mon meilleur homme sur le coup (en lui donnant un petit coup sur l’épaule). On peut toujours compter sur John pour m’envoyer les données nécessaires, il ne les comprend pas lui-même.
JOHN : Comment ça : « tu es occupé » ? Tu n’as aucune enquête en cours. Il y a une minute encore tu te plaignais…
SHERLOCK : Bluebell ! John, j’ai Bluebell ! Le lapin phosphorescent qui a disparu ! (En se tournant vers Henry)L’OTAN est prévenu.
HENRY : Oh, ça veut dire que… vous n’allez pas venir ?
Sherlock acquiesce avec une mine faussement déconfite.
JOHN : (en se levant) D’accord… D’accord.
Il se dirige vers la cheminée, prend un paquet de cigarette caché sous le crâne, et le lance à Sherlock. Celui-ci le rattrape et le jette en l’air.
SHERLOCK : Je n’en ai plus besoin, John : je vais dans le Dartmoor. Allez-y Henry ! Nous vous rejoindrons plus tard.
HENRY : Pardon : alors ça veut dire que vous venez ?
SHERLOCK : Une disparition il y a 20 ans, un molosse gigantesque : je ne raterais pas ça pour un empire !!!
John, sacs de voyage à la main, ferme la porte du 221B. Sherlock l’attend devant le taxi et Mme Hudson règle ses comptes avec le gérant du Speedy’s Café.
JOHN : Oh ! Mme Hudson a finalement abordé le sujet de l’épouse de Doncaster.
SHERLOCK : Mmmm, attends un peu qu’elle découvre celle d’Islamabad. (Ils montent dans le taxi) A la gare de Paddington.
DARTMOOR
Sherlock et John circulent sur une route du Dartmoor. Sherlock est au volant.
Quelques instants plus tard, au milieu de la lande, John déploie une carte et Sherlock a « pris de la hauteur » : perché sur un amas de rochers, il observe le paysage environnant.
JOHN : Là (en pointant son doigt face à lui) c’est Baskerville. Ça (en se retournant) c’est le village de Grimpen… Donc, là, ça doit être (un coup d’œil sur la carte)… oui, c’est le ravin de Dewer.
SHERLOCK : Et là (en pointant lui aussi son doigt face à lui) c’est quoi ?
JOHN : Hum… (il utilise des jumelles) un champ de mines. Euh, techniquement Baskerville est une base militaire : ils doivent tout faire pour éloigner les curieux.
SHERLOCK : C’est évident.
Ils arrivent au village de Grimpen et font halte à l’auberge Cross Keys. Ils croisent un attroupement de touristes :
FLETCHER, le guide : Et n’hésitez pas à revenir… (sa pancarte montre un chien terrifiant en ombre chinoise, avec l’inscription « Attention à la bête !! ») Et rappelez-vous : n’allez pas sur la lande la nuit, si vous tenez à la vie !
Sherlock et John dépassent le petit groupe et Sherlock relève le col de son manteau. John le remarque.
SHERLOCK : Il fait pas chaud.
Fletcher enfile un masque de bête sauvage et se jette sur deux touristes, en grognant. Au même moment, Henry se remémore son traumatisme d’enfance, allongé dans son canapé, lors d’une séance avec sa psy.
HENRY : Pour cette partie, rien n’a changé.
Dr MORTIMER : Et le reste ?
HENRY : Il y a quelque chose d’autre… C’est… c’est un mot… Liberty.
Dr MORTIMER : Liberty ?
HENRY : Il y en a un autre… Attendez… In… I – N… Liberty in ! Mais qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ?
Le Dr Mortimer secoue la tête : elle ne sait pas.
Retour à l’auberge Cross Keys :
Sherlock inspecte les lieux et John est accoudé au bar.
GERANT : (en lui tendant des clefs) Désolé de ne pas avoir de chambre double pour vous, les garçons.
JOHN : Aucune importance… Nous ne sommes pas… (en lui donnant de l’argent) Tenez.
GERANT (petit sourire entendu) : Merci. Je vous rends votre monnaie.
JOHN : Merci.
Sur le comptoir, son attention est attirée par des papiers et notamment l’un d’eux provenant de la « Boucherie Undershaw ». Profitant de l’inattention du gérant, occupé à compter la monnaie, il le subtilise.
GERANT : Et voilà ! Tenez.
Pendant ce temps, Sherlock poursuit son « inspection ».
JOHN : J’ai vu plusieurs têtes de mort sur la lande.
GERANT : Oh ! Ça…
JOHN : Des pirates ?
GERANT : Non, c’est le grand champ de mines de Grimpen, comme on l’appelle.
JOHN : Oh, je vois…
GERANT : Non, je ne crois pas : Baskerville possède un centre d’essai. Ça fait 80 ans que ça dure et personne sait vraiment ce qu’il y a là-bas.
JOHN : Mmm… Des explosifs ?
GERANT : Oh non ! Y’a pas que ça… Si vous vous y introduisez, estimez-vous heureux si vous ne faites qu’exploser. Je dis ça au cas où vous auriez envie d’y faire un tour.
JOHN : Merci, je m’en souviendrai.
GERANT : ça fout un peu en l’air le tourisme, quand même. Alors, heureusement que la bête est là. Vous avez vu le reportage, le documentaire ?
JOHN : Oui, y’a pas longtemps.
GERANT : Ah ! Dieu bénisse Henry Knight et sa créature de l’enfer !
JOHN : Et vous l’avez vue, la bête ?
GERANT : Moi ? Non, non. Fletcher l’a vu (en montrant le guide touristique, au téléphone, à l’extérieur de l’auberge. Sherlock, non loin de là, ne perd pas une miette de la conversation) C’est lui qui anime les excursions, vous savez, pour les touristes. Lui, il l’a vue.
JOHN : ça aide, pour les affaires ?
GERANT : Ce qui est sûr c’est qu’on n’a plus le temps de souffler, hein Billy ? (au cuisinier, qui vient de faire son apparition derrière le comptoir)
Sherlock sort de l’auberge et se dirige vers Fletcher.
BILLY : Ouais, y’a plein de chasseurs de monstres ! Faut pas grand-chose aujourd’hui : un buzz sur les réseaux sociaux et wouf ! (au gérant) J’crois qu’on n’a plus de vodka.
GERANT : Oh ! J’y vais !
BILLY : Entre le monstre et la prison d’à côté : j’sais pas comment on fait pour dormir, hein Gary ?
GERANT (la main posée sur son épaule) : Je dors comme un bébé.
BILLY : C’est pas vrai. (à John) C’est un ronfleur.
GERANT : Eh ! Chut !
BILLY : Le vôtre aussi c’est un ronfleur ?
JOHN : Vous auriez des chips ?
A la terrasse de l’auberge :
Sherlock prend un verre qui traînait sur une des tables et se dirige vers Fletcher, toujours au téléphone.
FLETCHER : Ouais… non… d’accord… OK, à plus tard.
Sherlock remarque dans la poche arrière de son pantalon, un journal sur les courses hippiques.
SHERLOCK : Est-ce que je peux m’asseoir ? (Fletcher acquiesce et Sherlock s’assoit à sa table) Avouez que ça n’est pas vrai : vous n’avez jamais vu cette créature, ce molosse.
FLETCHER : Vous êtes journaliste ?
SHERLOCK : Non, pas du tout. Je suis juste curieux. Vous l’avez vraiment vu ?
FLETCHER : Peut-être bien.
SHERLOCK : Vous avez une preuve ?
FLETCHER : Vous diriez quoi si je vous disais que j’en ai une. Excusez-moi.
Il se lève, et John arrive alors.
JOHN : J’ai appelé Henry…
SHERLOCK : J’ai gagné mon pari, John, désolé.
JOHN : Quoi ?
FLETCHER : Un pari ?
SHERLOCK : (en regardant sa montre) Mon plan a besoin d’obscurité, la lumière va baisser dans environ…
FLETCHER : Eh, eh, eh, attendez ! Quel pari ?
SHERLOCK : Oh j’ai parié 50 £ à John que vous ne pourriez pas prouver que vous avez vu la bête.
JOHN (qui commence à comprendre la ruse de Sherlock) : Oui, les gars du pub ont dit que vous l’aviez vue.
FLETCHER (à Sherlock) : Je crois que vous allez perdre votre pari !
SHERLOCK : Ah oui ?
FLETCHER : Oui. Je l’ai vue. Il y a à peu près un mois. Au ravin de Dewer. (en consultant son smartphone) Il faisait brumeux, on distinguait pas grand-chose.
SHERLOCK : Je vois. Et aucun témoin non plus, je suppose.
FLETCHER : Non.
SHERLOCK (blasé) : Non, bien sûr.
FLETCHER : Non, attendez. (il lui tend son téléphone, sur lequel apparaît une photo) Et ça alors ?
SHERLOCK (en pouffant de rire) : Quoi ? C’est tout ? Ce n’est pas ce que j’appelle une preuve, ça. Désolé John : j’ai gagné !
FLETCHER : Attendez, attendez : il y a autre chose. Il y a pas beaucoup de gens qui aiment se perdre de ce côté-là. Du côté du ravin. Ils y éprouvent un sentiment étrange.
SHERLOCK (faussement impressionné) : Oh ! C’est hanté ? C’est avec ça que vous comptez me convaincre.
FLETCHER (vexé) : Oh soyez pas stupide ! Bien sûr que non ! Mais je suis certain que là-bas il y a quelque chose. Qui vient de Baskerville, qui s’est échappé.
SHERLOCK (moqueur): Quoi ? Un clone ? Un super chien géant ?
FLETCHER : Possible. Qui sait ce qu’ils nous déversent dessus, depuis des années, ou ce qu’ils nous mettent dans l’eau ? J’ai aucune confiance en ces gens-là, de toute manière.
SHERLOCK : C’est donc tout ce que vous avez ?
FLETCHER : J’avais un ami qui bossait au ministère de la Défense. Un week-end, on devait pêcher, sauf qu’il s’est pas pointé. Enfin si, mais très tard. Et là, quand je l’ai vu, il était blanc comme un linge. Je le revoie encore. « J’ai vu quelque chose aujourd’hui, Fletcher », il a dit, « un truc que j’ai pas envie de revoir, quelque chose d’effrayant ». Il avait été affecté à une base militaire secrète, peut-être à Porton Down, peut-être à Baskerville, ou n’importe où ailleurs. Et dans leurs labos, des labos ultra-secrets, il a dit qu’il avait vu des choses effrayantes. (Sherlock et John sont graves et silencieux, pendus aux lèvres de Fletcher) Des rats gros comme des chiens, qu’il disait… Des chiens aussi, d’ailleurs. (Il sort alors de son sac le moulage d’une empreinte énorme) Des chiens de la taille d’un cheval…
JOHN : Euh… On avait dit 50, c’est ça ?
Fletcher ne cache pas alors sa satisfaction d’avoir fait taire Sherlock. Ce dernier honore son pari et quitte la table.
BASKERVILLE
La voiture de Sherlock et John s’immobilise devant la grille d’entrée du centre. Des militaires armés et leurs chiens montent la garde.
MILITAIRE 1 (à Sherlock) : Votre pass, s’il vous plaît. (Sherlock le lui tend) Merci. Allez-y.
JOHN : Tu as des entrées à Baskerville ? Tu tiens ça d’où ?
SHERLOCK : ça n’est pas que pour Baskerville. C’est à mon frère : un laisser-passer illimité. Je l’ai… emprunté il y a des années. Juste au cas où…
Le militaire passe la piste magnétique de la carte dans son lecteur, et le visage de Mycroft apparaît sur son écran.
JOHN : Magnifique…
SHERLOCK : Quoi ?
JOHN : On va se faire coincer.
SHERLOCK : Meuh non… Enfin pas tout de suite.
JOHN : On va se faire coincer dans 5 minutes. « Ah ! Bonjour ! On s’est dit qu’on pourrait faire un petit tour dans votre base militaire secrète. – Vraiment ? C’est très gentil ! Entrez, l’eau vient juste de bouillir ». Ça c’est si on se fait pas descendre.
Le portail s’ouvre, pendant que la voiture est minutieusement inspectée.
MILITAIRE 1 : Merci, messieurs (en rendant le pass à Sherlock)
SHERLOCK : Merci.
MILITAIRE 1 : Tout droit, monsieur (Sherlock démarre)
JOHN (alors qu’ils pénètrent dans la base) : Le nom de Mycroft ouvre littéralement toutes les portes.
SHERLOCK : Je te l’ai déjà dit : il est le gouvernement britannique à lui tout seul. J’estime à 20 minutes le temps qu’ils mettront à s’apercevoir que quelque chose cloche.
Ils se garent et descendent de la voiture.
MILITAIRE 2 : Suivez-moi.
La base ressemble à une usine pétro-chimique avec ses tuyaux fumant partout, sillonnée par de nombreux militaire lourdement armés.
Une jeep leur barre alors la route, un jeune militaire en descend précipitamment.
LYONS : Qu’est-ce qu’il se passe ? Y a un problème ?
SHERLOCK (autoritaire) : Il y a un problème, MONSIEUR.
LYONS : Oui, monsieur. Pardon, monsieur.
SHERLOCK : Vous nous attendiez ?
LYONS : J’ai eu votre fiche au PC, Mr Holmes. Caporal Lyons, sécurité. Y a un problème, monsieur ?
SHERLOCK : J’espère que non, caporal, j’espère que non.
LYONS : On se fait jamais inspecter, monsieur, c’est pour ça. Ça n’arrive jamais.
JOHN : Et les inspections-surprise ? (en prenant sa carte dans sa poche) Capitaine John Watson, 5ème fusiliers du Northumberland.
A l’énoncé de son titre, le caporal le salut au garde-à-vous, et John le salut également.
LYONS : A vos ordres ! Le commandant Barrymore ne sera pas content, il voudra certainement vous voir.
JOHN : Je crains que nous n’en ayons pas le temps. On doit faire un tour complet. On vous suit : allez-y. (Lyons se décompose) C’est un ordre, caporal.
LYONS : Oui, monsieur, à vos ordres.
Il se dirige vers l’entrée, les 2 compères lui emboîtent le pas et Sherlock esquisse un petit sourire de satisfaction, face à « l’efficacité militaire » de son ami.
Face à la porte, Lyons glisse son pass : « Access granted » (accès autorisé). Sherlock fait de même et le même message s'affiche. La porte s’ouvre, il jette un coup d’œil à sa montre.
Le passage du pass de Mycroft dans le lecteur de Baskerville entraîne toute une chaîne d’informations informatiques.
Dans les couloirs de la base :
SHERLOCK : Quelle autorité !
JOHN : Y’avait longtemps que j’avais pas joué du galon.
SHERLOCK : Et ça t’a plu ?
JOHN : Oh oui.
Devant l’ascenseur, à nouveau, le rituel des pass, l’autorisation accordée et l’authentification du pass de Mycroft en cours.
Ils descendent au niveau -1. Sherlock observe l’existence d’un niveau -4.
LABORATOIRE
Il s’agit d’une immense pièce blanche, sur-éclairée, dans laquelle des scientifiques s’affairent et de très grandes cages contiennent des animaux. Un des singes capucins se jette sur ses barreaux au passage de Sherlock, en poussant un cri perçant.
SHERLOCK : Combien d’animaux gardez-vous ici ?
LYONS : Beaucoup, monsieur.
SHERLOCK : Jamais d’évasion ?
LYONS : Il faudrait qu’ils se servent de l’ascenseur, monsieur. On les rend pas aussi intelligents que ça.
SHERLOCK : A moins qu’on les aide.
Un scientifique fait alors irruption :
FRANKLAND : Ah ! Et vous êtes ?
LYONS : Ces messieurs nous rendent visite, professeur Frankland.
FRANKLAND : Ah ! Des nouveaux visages, c’est agréable ! Tâchez de ne pas rester coincés ici : moi j’étais juste venu réparer un robinet. (et il s’en va)
JOHN : Jusqu’où descend cet ascenseur ?
LYONS : Assez bas, monsieur.
JOHN : Mmm. Et en bas qu’il y’a-t-il ?
LYONS : C’est là qu’on entrepose les poubelles. Par ici, messieurs.
Au loin, Frankland observe les « nouveaux venus ».
JOHN : Que faites-vous ici exactement ?
LYONS : Je pensais que vous le sauriez, monsieur. Puisque c’est une inspection. (et en effet, Sherlock inspecte et observe tout ce qui se trouve dans le laboratoire)
JOHN : Mais je ne suis pas un expert pour autant.
LYONS : ça va de la recherche sur les cellules-souches au traitement anti-rhume, monsieur.
JOHN : Et surtout de l’armement, non ?
LYONS : D’une certaine façon, oui, monsieur.
JOHN : Biologique ? Chimique ?
LYONS : La fin d’une guerre marque les débuts d’une autre (passage de pass, devant une nouvelle porte et Sherlock contrôle sa montre). De nouveaux ennemis à affronter : nous devons nous tenir prêts.
Ils arrivent dans un autre laboratoire. Un singe capucin y est examiné par deux scientifiques.
Pr STAPLETON : OK Michael. La prochaine fois, on essaiera le Harlow 3.
LYONS : Professeur Stapleton ?
SHERLOCK : Stapleton ?
Pr STAPLETON : Oui ? Qui est-ce ?
LYONS : C’est une priorité A, madame. Les ordres viennent d’en haut. C’est une inspection.
Pr STAPLETON : Vraiment ?
SHERLOCK : Votre plein concours est requis, Pr Stapleton. Quel est votre rôle à Baskerville ?
Le professeur Stapleton se met à rire.
JOHN : Votre plein concours est requis, professeur.
Pr STAPLETON : Je ne suis pas autorisée à divulguer des secrets d’Etat.
SHERLOCK : Oh mais si, vous l’êtes, j’en suis sûr… Et plus que vous ne le croyez.
Pr STAPLETON : Je cours souvent deux lièvres à la fois, si on peut dire. J’aime bien faire des mélanges… de gènes surtout, et de temps en temps, de vrais lièvres.
SHERLOCK (en écrivant quelque chose sur son carnet) : Stapleton : j’étais sûr que je connaissais votre nom.
Pr STAPLETON : J’en doute.
SHERLOCK : Et dire que certains ne croient pas aux coïncidences : quelle terne existence doit être la leur.
Il brandit son carnet aux yeux du professeur, il a écrit dessus : Bluebell.
Pr STAPLETON : Quoi ? Vous avez parlé à ma fille ?!
SHERLOCK : Bluebell : pourquoi l’avez-vous fait disparaître ?
JOHN : Le lapin ?
SHERLOCK : Disparu de son clapier, pourtant fermé à clef. Plutôt instructif.
JOHN : Le lapin !
SHERLOCK : A l’évidence, l’œuvre d’une taupe.
Pr STAPLETON : Vous croyez ?
SHERLOCK : Pourquoi ? Parce qu’il luisait dans le noir !
Pr STAPLETON : Je n’ai absolument aucune idée de ce dont vous parlez. Alors qui êtes-vous ?
Pendant ce temps, les informations transmises par le pass de Mycroft cheminent sur des écrans d’ordinateur où des signaux d’alerte apparaissent.
SHERLOCK (après avoir contrôlé sa montre) : Nous en avons assez vu pour l’instant, caporal, merci beaucoup.
LYONS : C’est tout ?
SHERLOCK (en s’éloignant) : Ce sera tout, oui. C’est par là, je crois.
Pr STAPLETON : Attendez une minute !
JOHN (au bord de la crise de nerf) : On vient de pénétrer sur une base militaire secrète pour enquêter sur un lapin ?!!!
Sherlock s’approche de la porte du laboratoire et passe son badge.
Les communications téléphoniques s’activent en haut lieu :
Incrustation : CCV1 – autorisation en cours
faille de sécurité potentielle de niveau 5
URGENT – URGENT – URGENT
contacter mycroft holmes
Mycroft, tranquillement installé dans un fauteuil du Diogenes Club, consulte de mauvaise grâce son téléphone. Il pousse un soupir d’exaspération à la vue du message qu’il vient de recevoir, et aussitôt rédige un texto.
A Baskerville, Sherlock se hâte et traverse les différents laboratoires. John et Lyons tentent de suivre son rythme. Il reçoit un texto.
Incrustation : Qu’est-ce que tu fabriques ?
M
SHERLOCK (en ricanant): 23 minutes : Mycroft faiblit.
Ils se retrouvent face à l’ascenseur et, après avoir à nouveau passé leurs badges, les portes de ce dernier s’ouvrent : Frankland est à l’intérieur.
FRANKLAND : Bonjour ! Enfin : re.
Sherlock le regarde d’un air suspicieux, alors qu’ils pénètrent tous les 3 dans l’ascenseur.
Les portes s’ouvrent : un militaire les attend.
LYONS : Commandant.
BARRYMORE (furieux) : C’est absolument scandaleux ! Pourquoi ne m’a-t’on pas averti ?
JOHN : Commandant Barrymore, c’est ça ? Bien… Bien, très bien ! (il lui tend une main que le militaire ne saisit pas) Nous sommes très impressionnés, n’est-ce pas Mr Holmes ?
SHERLOCK (se dirigeant vers la sortie et consultant son téléphone) : Oui, vraiment impressionnant.
Incrustation : Qu’est-ce qui se passe, Sherlock ?
M
BARRYMORE : Tout l’intérêt de Baskerville était justement d’éliminer ces absurdes…
SHERLOCK (continuant de se diriger vers la sortie, John et Barrymore à ses trousses) : Je suis vraiment désolé, commandant : nouvelles consignes. On ne peut pas vous laisser indéfiniment sans surveillance. (à John, tout bas) Continue d’avancer.
LYONS : Monsieur ! (Il active le verrouillage de la porte de sortie et se précipite vers Barrymore) « Accès non autorisé », Monsieur.
BARRYMORE : Quoi ?!
LYONS : ça vient de tomber.
BARRYMORE (se retournant vers Sherlock et John) : Vous m’en direz tant ! Qui êtes-vous ?
JOHN : Ecoutez, il y a manifestement un malentendu.
Sherlock remet son pass à Barrymore.
BARRYMORE : Non, aucun ! Mycroft Holmes !
JOHN : Une erreur informatique, commandant : il va falloir le signaler dans le rapport.
BARRYMORE : Mais enfin, qu’est-ce qu’il se passe !!!
FRANKLAND : Ne vous inquiétez pas, commandant, je sais parfaitement qui sont ces messieurs.
BARRYMORE : Ah oui ?
FRANKLAND : Oui, je suis un peu lent à reconnaître les visages, mais Mr Holmes, ici présent, est bien la dernière personne que je m’attendais à voir ici.
SHERLOCK : Oh et bien figurez-vous…
FRANKLAND : Content de vous voir, Mycroft ! (John parvient à peine à dissimuler sa surprise, alors que « Mycroft » et le scientifique se serrent la main) J’ai eu le privilège de rencontrer Mr Holmes à la conférence de l’OMS qui se tenait… Où ça ?... A… Bruxelles ! C’est ça ?
SHERLOCK : A Vienne.
FRANKLAND : A Vienne, c’est ça oui ! C’est Mr Mycroft Holmes, commandant : il est évident qu’il y a bien un malentendu.
Barrymore se retourne et fait un signe d’acquiescement vers Lyons, qui, à ce signal, s’éloigne et va stopper l’alarme.
BARRYMORE : Vous en répondrez, professeur Frankland.
FRANKLAND (à Lyons, après un petit rire en réponse à la menace de Barrymore) : Je vais m’occuper d’eux, caporal.
La porte s’ouvre, Sherlock et John sortent immédiatement.
LYONS : Bien, monsieur.
A l’extérieur :
Sherlock, suivi de John et Frankland, pousse un soupir de soulagement.
SHERLOCK : Merci.
FRANKLAND : C’est au sujet de Henry Knight, c’est ça ?... Oui, c’est ça. J’en étais sûr ! Je savais qu’il avait besoin d’aide mais j’ignorais que c’était au point de contacter Sherlock Holmes ! (sourire forcé de Sherlock) Vous en faites pas ! Je sais qui vous êtes ! Je consulte souvent votre site. Je m’attendais à la casquette, d’ailleurs…
SHERLOCK : Ce n’est pas ma casquette.
FRANKLAND (à John) : Je l’ai à peine reconnu sans sa casquette.
SHERLOCK : Ce n’est pas ma casquette !
FRANKLAND : J’aime bien votre blog aussi, Dr Watson.
JOHN : Oh ! C’est gentil !
FRANKLAND : Oui, le « machin en rose »… Et celle de la « béquille en aluminium » !
JOHN : Ah oui !
SHERLOCK : Vous connaissez Henry Knight ?
FRANKLAND : Je connaissais surtout son père. Il émettait des hypothèses délirantes au sujet de cet endroit, mais c’était un bon ami. (il se retourne et voit Barrymore qui les observe, au loin) Ecoutez, je ne peux pas vous parler ici (il tend sa carte à Sherlock), je vous donne mon numéro de cellulaire : si je peux faire quoi que ce soit pour Henry, passez-moi un coup de fil.
SHERLOCK : Au fait, professeur Frankland, quel est votre rôle ici ?
FRANKLAND : Mr Holmes, c’est avec plaisir que je vous le dirais, seulement je devrais vous tuer ensuite ! (il rigole)
SHERLOCK (très sérieux) : C’est une idée extrêmement présomptueuse. (Frankland, glacé, s’arrête immédiatement de rigoler) Parlez-moi du professeur Stapleton.
FRANKLAND : Je ne dis jamais de mal de mes confrères.
SHERLOCK : Mais vous pourriez en dire du bien, or vous ne semblez pas vouloir le faire.
FRANKLAND : Si c’est l’impression que je vous donne…
SHERLOCK : Je vous recontacte.
FRANKLAND : Quand vous voulez !
John et Sherlock s’éloignent et se dirigent vers leur voiture.
JOHN : Alors ?
SHERLOCK : Alors ?
JOHN : C’est quoi tout ce cirque autour du lapin ? (Sherlock relève le col de son manteau avec un petit sourire) Je t’en prie ! Tu peux éviter de faire ça, s’il te plaît ?
SHERLOCK : De faire quoi ?
JOHN : De prendre ton grand air mystérieux, en faisant saillir tes pommettes et en relevant le col de ton manteau pour avoir l’air cool.
SHERLOCK : Qu’est-ce que… je ne fais jamais ça !
JOHN : Si, tout le temps.
Et ils montent dans la voiture.
ROUTES DU DARTMOOR
Sherlock est au volant. Au bout d’un moment et quelques regards en coin, John brise le silence :
JOHN : Donc, tout ça est en rapport avec l’e-mail de cette Kirstie, qui parle d’un lapin luminescent ?
SHERLOCK : Kirstie Stapleton, dont la mère est spécialiste en manipulation génétique.
JOHN : Si le lapin de sa fille brillait dans le noir, tu crois que c’est à cause d’elle ?
SHERLOCK : Probablement un gène fluorescent. Provenant d’une protéine extraite puis ré-implantée dans le spécimen : c’est assez courant.
JOHN : Et donc ?
SHERLOCK : Donc nous savons que le professeur Stapleton pratique des expériences génétiques secrètes sur les animaux. La question est : aurait-elle travaillé sur plus dangereux qu’un lapin ?
JOHN : ça laisse tout de même un champ de recherche assez vaste…
CHEZ HENRY KNIGHT
Il s’agit d’une grande demeure dont l’architecture et la décoration mêlent modernité et « vieilles pierres ». Sherlock sonne à la porte, Henry les accueille :
HENRY : Bonjour.
JOHN : Bonjour.
HENRY : Je vous en prie, entrez.
Sitôt le pas de la porte franchi, Sherlock observe les moindres détails, tandis que John, lui, visite.
JOHN : C’est très… euh… Vous… Vous êtes riche ?
HENRY : Oui.
JOHN : Ah d’accord.
Regard réprobateur de Sherlock.
Dans la cuisine :
Ils sont attablés et Sherlock et John boivent un café.
HENRY : Il y a deux mots qui me reviennent sans cesse… Liberty.
JOHN : Liberty ? (il sort son carnet, sur lequel il commence à prendre des notes)
HENRY : Liberty… Et : In. Voilà c’est tout… (en leur montrant la boîte à sucre) Vous avez terminé ?
John lui fait signe que oui.
JOHN (à Sherlock, pendant qu’Henry range la boîte à sucre) : ça t’évoque quelque chose ?
SHERLOCK : « Liberté dans la mort », ça n’est pas ça l’expression ? La liberté ultime.
HENRY (pas très à l’aise) : Bon, et maintenant ?
JOHN : Sherlock a un plan.
SHERLOCK : Exact !
HENRY : Très bien.
SHERLOCK : On va vous ramener sur la lande…
HENRY : Ah d’accord…
SHERLOCK : Et voir si vous êtes attaqué.
JOHN : Quoi ?!
SHERLOCK : ça devrait déclencher quelque chose.
HENRY (qui se décompose petit à petit) : En pleine nuit ? Vous voulez que j’aille au ravin la nuit ?
SHERLOCK : Mmmm
JOHN : C’est ça ton plan ?! (il éclate de rire) Magnifique…
SHERLOCK : Tu as une meilleure idée ?
JOHN : Ce n’est pas un plan.
SHERLOCK : S’il y a un monstre dans ce ravin, John, la seule solution est de découvrir l’endroit où il vit.
La séquence s’achève sur un plan du visage d’Henry, visiblement angoissé.
LANDE DU DARTMOOR
Au crépuscule, Sherlock, John et Henry traversent la lande, munis de lampes-torche. L’attention de John est attirée par un bruit : le groupe se scinde alors, John se séparant de Sherlock et Henry pour tenter de savoir d’où vient ce bruit. La nuit est tombée et il repère au loin une lumière qui clignote.
JOHN : Sh…
Mais Sherlock n’est pas là. John dirige sa lampe-torche pour tenter de l’apercevoir. En vain.
La lumière clignote toujours. John saisit son carnet et déchiffre le langage morse :
Incrustation : U M Q R A
.._ _ _ _ _ . _ . _ . . _
JOHN : UMQRA… umqra ??? (puis les clignotements cessent) Sherlock…
Sherlock et Henry continuent de progresser vers le ravin de Dewer.
JOHN : Sherlock ?!... Sherlock ?!
SHERLOCK : C’est un de vos amis ?
HENRY : Qui ça ?
SHERLOCK : Le professeur Frankland.
HENRY : Oh ! Hum… Bob ? Oui.
SHERLOCK : Il a l’air de se faire beaucoup de souci pour vous.
HENRY : C’est un grand inquiet de nature. Il a été très gentil avec moi, depuis mon retour.
SHERLOCK : Il connaissait votre père.
HENRY : Oui.
SHERLOCK : Et le fait qu’il travaille à Baskerville ne lui posait pas de problème ?
HENRY : Les amis sont les amis, pas vrai ? Regardez : vous et John…
SHERLOCK : Quoi « moi et John » ?
HENRY : Et bien c’est quelqu’un de… c’est quelqu’un de très simple… alors que vous… Ils s’étaient mis d’accord pour ne jamais parler de boulot, oncle Bob et mon père… Le ravin de Dewer.
A leur gauche, s’étend un fossé très sombre et embrumé.
JOHN (toujours à la recherche de son ami) : Sherlock !
Il marche et finit par entendre un bruit étrange. Il découvre qu’il s’agit de gouttes d’eau tombant des branches d’un arbre sur un vieux bidon métallique. Il sourit à cette découverte, mais son amusement est de courte durée : le hurlement lugubre d’un chien féroce se fait entendre sur la lande…
Sherlock et Henry descendent dans le ravin, sur le sol duquel Sherlock découvre les empreintes d’une bête. Le hurlement s’intensifie, Sherlock pointe sa lampe-torche sur les hauteurs du ravin d’où le « monstre » les observe, et finit par s’enfuir. Le visage de Sherlock est figé par l’effroi.
HENRY (surexcité) : Mon Dieu ! Oh mon Dieu ! Mon Dieu ! Oh Mon Dieu !... Vous l’avez vu ?!
Sherlock se mure dans le silence et une intense réflexion. Il se reprend, écarte Henry de son passage et s’éloigne.
John les rejoint en courant.
JOHN : Vous avez entendu ?
HENRY : On l’a vu ! On l’a vu !
SHERLOCK (en continuant de s’éloigner) : Non… Non, je n’ai rien vu du tout.
HENRY (à ses trousses) : Quoi ? Mais enfin, comment pouvez-vous dire ça ?!
SHERLOCK : JE N’AI – RIEN VU – DU TOUT !!!
CHEZ HENRY KNIGHT
John a raccompagné Henry chez lui. Ce dernier est très énervé.
HENRY : Il l’a forcément vu !... Je l’ai vu moi : il a dû le voir aussi !... C’est obligé ! Pourquoi ? Hein ? Pourquoi… pourquoi est-ce qu’il a dit ça ?... Il…Il était là, je vous dis ! Je vous jure qu’il était là !
JOHN : Oui, oui, venez, venez vous asseoir. Et essayez de vous détendre.
HENRY (en s‘asseyant sur le canapé) : Je vais bien, je vous assure que je vais bien.
JOHN : Je vais vous donner quelque chose qui va vous aider à dormir, d’accord ?
HENRY (un peu plus calme) : C’est une bonne nouvelle. C’est vrai, c’est… une excellente nouvelle ! Ça prouve que je suis pas dingue. Il y a une créature, elle est là. C’est sûr. Et Sherlock l’a vu aussi. (Le visage de Sherlock, tendu, apparaît sur la gauche de l’écran) Il a beau dire que non : je sais qu’il l’a vu.
AUBERGE CROSS KEYS
Sherlock est assis dans un fauteuil, face à une grande cheminée. Dans la pièce, des gens sont attablés et dînent.
JOHN (en arrivant et s’asseyant face à Sherlock) : On peut pas dire qu’il soit en très grande forme : il est en pleine crise. Tout à fait persuadé qu’une espèce de super chien mutant parcourt la lande. (Sherlock, les pointes de doigts jointes, ne lui répond pas et semble toujours aussi soucieux) Alors qu’il n’y a rien : on est d’accord ? Parce que si on savait créer des super chiens mutants, on le saurait. Ce serait forcément très vite en circulation… (Sherlock commence à montrer des signes de « nervosité contenue ») Ah ! Au fait, sur la lande, j’ai vu quelqu’un qui faisait des signaux (il sort son carnet de sa poche)… euh, en morse, enfin je crois que c’en était… Seulement ça n’a pas beaucoup de sens… Euh… U-M-Q-R-A : est-ce que ça t’évoque quelque chose ? (Sherlock éprouve de plus en plus de mal à maîtriser ses nerfs…) OK, d’accord… Qu’est-ce qu’on a d’autre ? On sait qu’on a des empreintes, parce qu’Henry en a trouvées, tout comme le type de l’excursion, on a tous entendu quelque chose… Pffff… (et là, il s’aperçoit que quelque chose ne tourne pas très rond avec Sherlock) On devrait regarder du côté des propriétaires de gros chiens.
SHERLOCK : Henry avait raison.
JOHN : Quoi ?
SHERLOCK : Je l’ai vu, aussi… Je l’ai…
JOHN : Quoi ?
SHERLOCK : Je l’ai vu, John, je l’ai vu moi aussi.
JOHN : Attends, euh, attends une seconde : tu as vu quoi ?
SHERLOCK : Un animal. Là-bas dans le ravin. Un gigantesque molosse !
JOHN (incrédule et presque amusé) : Ecoute, Sherlock : il faut qu’on reste rationnels, dans cette histoire, d’accord ? Et toi, encore plus que quiconque. Tu ne peux pas… Si… si on s’en tenait à ce qu’on sait, d’accord ? (Sherlock est de plus en plus agité) Aux faits.
SHERLOCK (plus calme): Une fois l’impossible écarté, ce qu’il reste, aussi improbable que ce soit, est forcément la vérité.
JOHN : ça veut dire quoi ?
SHERLOCK (en saisissant son verre de whisky) : Regarde-moi : j’ai peur, John. (et effectivement ses mains tremblent) J’ai peur. (Il avale une gorgée)
JOHN : Sherlock…
SHERLOCK : J’ai toujours été capable de conserver mes distances (une autre gorgée), de faire abstraction de mes sentiments… mais là, tu vois (montrant à John son verre agité par les tremblements de sa main) : mon corps me trahit. Intéressant, hein : les émotions ! La mouche dans la soupe, la faille au cœur de la machine…
JOHN : D’accord, écoute, je comprends… Essaye de rester tranquille. Tu es un peu à cran, ces derniers temps. Je suis sûr que t’en as conscience. Je crois que tu es allé là-bas et que tu as peut-être paniqué, un peu.
SHERLOCK : Paniqué un peu ?!
JOHN : Il faisait noir et lugubre.
SHERLOCK : Moi ? Mais je vais parfaitement bien ! (il se met alors à respirer avec difficultés, comme en proie à une crise de panique)
JOHN : Sherlock… Sherlock…
SHERLOCK : Je te répète que je vais parfaitement bien, John !!!! Est-ce que c’est clair ?!!! (Tout le monde dans la salle s’est interrompu et regarde en direction des deux amis) Tu veux que je te le prouve, c’est ça ?... On cherche un chien, une sorte de molosse, brillante théorie : cherchez le chien ! Bien, excellent ! Par quoi on commence ? (il se retourne vers les convives, qui ont repris le cours de leurs repas) Et pourquoi pas par ces deux-là ? (il montre du doigt un homme et une femme attablés, à quelques mètres) La veuve sentimentale et son fils, le pêcheur au chômage. La réponse est : oui.
JOHN : Oui ?
SHERLOCK : Elle possède un terrier du nom de Whisky : pas exactement ce qu’on cherche !
JOHN : Sherlock, c’est ridicule…
SHERLOCK (« le pied à fond sur l’accélérateur »): Regarde le pull qu’il porte : il le met rarement. Il ne sent pas à l’aise dedans. Peut-être à cause de la matière ? Ou plutôt à cause des motifs hideux : il se l’est fait offrir probablement à Noël. Il veut rester dans les petits papiers de sa mère. Pourquoi ? Sans doute pour l’argent. Il l’invite à dîner mais il n’a pris qu’une petite assiette : il veut donc l’impressionner tout en économisant sur sa propre nourriture.
JOHN : Il a peut-être pas faim, tout simplement.
SHERLOCK (agacé) : Non : petite assiette, c’est une entrée ! (de nouveau, à pleine vitesse) Il l’a pratiquement léchée, alors qu’elle a à peine fini sa pavlova. Si elle l’avait invité, il aurait mangé tout ce qu’il voulait. Il a faim, et il n’est pas riche à en juger par ses manchettes et ses chaussures. (Caricaturant la voix de John) Mais comment tu sais que c’est sa mère ? (retrouvant sa voix) Qui d’autre oserait offrir un cadeau pareil à Noël ?(Imitant à nouveau John) Mais c’est peut-être sa tante ou sa sœur ? (à nouveau sa voix) Mais non c’est sa mère. Il exerçait le métier de pêcheur : sur les mains, il a des cicatrices d’hameçons. Elles sont anciennes : signes patents qu’il est depuis longtemps sans emploi. Il y a assez peu d’activités dans la région, alors il se tourne vers sa veuve de maman. (voix de John) Elle est veuve ? (sa voix) Oui ! Ça saute aux yeux : elle porte l’alliance de son défunt mari à son cou, parce qu’elle est trop large pour son propre doigt. Elle est bien habillée mais ses bijoux ne valent pas cher. Elle pourrait s’offrir mieux mais elle les a gardés : sentimentale. Concernant son chien : poils courts sur une cheville un peu trop affectueusement sollicitée, mais pas de poils au-dessus du genou. Donc c’est un petit chien, probablement un terrier. En fait c’est un westie qui s’appelle Whisky. (voix de John) Comment tu sais tout ça, Sherlock ? (sa voix) Elle était dans le même train que nous et je l’ai entendue l’appeler ainsi : il n’y a aucune triche ! Rien que de l’écoute ! Je me sers de mes sens, John, contrairement à certains. Donc je me sens bien. Parfaitement bien. Alors tout ce je te demande c’est de me laisser tranquille !!!!!
JOHN (figé et presque sans voix) : Oui… OK… OK… Après tout, pourquoi tu m’écouterais ? Je ne suis que ton ami.
SHERLOCK (très méprisant) : Je n’ai pas d’ami, John.
JOHN : Non. On se demande pourquoi.
Il se lève et quitte la pièce.
A l’extérieur de l’auberge :
Il soupire et tente de se calmer. Regardant au loin, il aperçoit, venant de la lande, les mêmes signaux lumineux qu’il avait observés quelques heures auparavant.
CHEZ HENRY KNIGHT
Henry s’est endormi sur son canapé. Il se réveille au milieu de la nuit. Il s’approche, chancelant, de sa baie vitrée. Tout à coup, les mots « Liberty » et « In » lui reviennent violemment à la tête.
Sur la lande :
Pendant ce temps, John, muni d’une lampe de poche, se dirige vers les signaux lumineux. Il s’en approche de plus en plus et finit par se retrouver face à une réunion de voitures.
De l’intérieur de l’une d’entre elles, on entend :
VOIX DE FEMME GEMISSANTE : Oh ! Mr Selden ! Vous venez de le refaire !
VOIX D’HOMME : J’arrête pas de m’accrocher ave la ceinture !
La voiture du couple tangue et John comprend qu’il est sur une fausse piste :
JOHN : Oh non ! Oh ! Oh non, c’est pas vrai !
Il s’éloigne et reçoit alors un texto.
Incrustation : Psy d’Henry au pub Cross Keys.
S
JOHN : Et alors ?
Incrustation : ET ALORS ?
Tu l’interroges ?
POURQUOI ?
Téléchargement image…
La photo d’une belle jeune femme brune apparaît sur l’écran du téléphone de John.
JOHN : Oh, petit coquin…
Retour chez Henry Knight :
Il est assis sur son canapé. Quelque chose dans le jardin capte furtivement son attention.
A la télé : des images d’une meute de loups. Henry zappe. Les spots éclairant le jardin s’allument alors. Puis la lumière faiblit. Quelque chose se déplace rapidement à l’extérieur, pendant qu’Henry continue de zapper et retombe sur une image de loup, cette fois-ci en gros plan. Il éteint nerveusement le téléviseur, le visage déformé par la colère et la douleur. Les spots se rallument à nouveau. La bête court dans l’autre sens, mais cette fois-ci, Henry l’a vu et a un mouvement de recul, alors qu’il s’approchait de la baie vitrée. Les spots se sont éteints. Henry se précipitent sur un meuble à côté du téléviseur, ouvre un tiroir et en sort un revolver. Il est très près de la vitre quand quelque chose vient la percuter au niveau de son visage et que les spots s’éclairent encore. Ils s’éloignent en criant et pointe son arme. Les spots s’éteignent. Pendant quelques secondes, Henry s’apaise un peu. Les spots se rallument. Et lorsqu’ils s’éteignent à nouveau, on observe Henry du jardin : il est au milieu de sa cuisine, par terre, la tête dans ses mains et se lamente.
AUBERGE CROSS KEYS
John boit un verre en compagnie de la « jeune femme du téléphone ».
Dr MORTIMER (en riant) : Franchement…
JOHN : Qu’est-ce qui vous fait rire ? (en lui montrant une bouteille de vin) Encore une goutte, docteur ?
Dr MORTIMER (faussement suspicieuse) : Vous essayez de me soûler, docteur ?
JOHN (en la servant) : En voilà une drôle d’idée !
Dr MORTIMER : Non, parce qu’au tout début, j’ai vraiment pensé que vous me draguiez.
JOHN : Ah bon ?! Où est-ce que j’ai gaffé ?
Dr MORTIMER : Quand vous vous êtes mis à m’interroger sur mes patients.
JOHN : En fait, je suis un des plus vieux amis d’Henry.
Dr MORTIMER : Oui et c’est l’un de mes patients, alors pas question que j’en parle… Même si lui, naturellement, m’a parlé de tous ses plus vieux amis : vous êtes lequel ?
JOHN : Un nouveau. (Ricanements) Bon d’accord, et son père alors : lui ce n’était pas un de vos patients. Ce n’était pas une espèce de… de cinglé… de la théorie du complot ?
Dr MORTIMER : On est cinglé que quand on se trompe.
JOHN : Et il se trompait ?
Dr MORTIMER : Je pense bien.
JOHN : Mais il était obsédé par Baskerville, non ? Par ce qu’ils font là-bas. Est-ce qu’Henry n’a pas pu prendre le même chemin et de là, imaginer un molosse ?
Dr MORTIMER (en minaudant) : Et pourquoi je répondrais à toutes vos questions ?
JOHN : Parce que je crois que vous vous inquiétez pour lui et parce que je suis médecin aussi, et parce que j’ai en fait… un autre ami qui… (le ton devient plus grave, les visages se ferment) qui pourrait avoir le même problème.
Le Dr Mortimer est sur le point de se laisser amadouer et faire des confidences, lorsque Frankland apparaît en tapant sur l’épaule de John. Un verre à la main, il est très jovial.
FRANKLAND : Ah, ah, ah ! Dr Watson ! (au Dr Mortimer) Enchanté ! Comment se passe votre enquête, John ?
JOHN : Euh… Salut.
Dr MORTIMER : Mais… quelle enquête ?
FRANKLAND : Vous n’êtes pas au courant ? Vous ne lisez pas le blog ?! Sherlock Holmes !
Dr MORTIMER : Sherlock qui ?
JOHN : C’est juste…
FRANKLAND : Le fameux détective ! Voici son bras droit !
JOHN : Bras droit ?
FRANKLAND : Enfin je veux dire : son assistant à demeure.
JOHN : Magnifique…
Dr MORTIMER : A demeure…
JOHN (à Frankland) : Je vous présente le Dr Mortimer, la thérapeute d’Henry.
FRANKLAND : Ah ! Enchanté : Bob Frankland (ils se serrent la main). Euh écoutez (à John) : dites à Sherlock qu’il peut compter sur moi pour surveiller Stapleton (le Dr Mortimer se retourne et réunit ses affaires) et qu’il peut me parler quand il veut, d’accord ?
John fait un signe d’acquiescement. Après lui avoir de nouveau tapé sur l’épaule, Frankland s’éloigne, hilare. John remarque alors que le Dr Mortimer est, elle aussi, sur le départ.
JOHN : Oh…
Dr MORTIMER : Vous devriez lui offrir un verre. (en se levant) Je crois qu’il vous apprécie.
SUR LA LANDE
Au petit matin, Sherlock est posté sur un énorme rocher. De son promontoire, il observe toute la lande environnante.
CHEZ HENRY KNIGHT
On frappe à la porte. Henry ouvre et Sherlock fait irruption à l’intérieur.
SHERLOCK (surexcité): Bonjour ! (il se retourne et saisit Henry par les épaules) Oh ! Comment ça va ?
HENRY (la mine blafarde) : Euh… à vrai dire, je n’ai pas très bien dormi.
SHERLOCK : Ah ! Quel dommage ! Je peux nous faire un petit café ? (en lui montrant le plafond) Oh ! Une tâche d’humidité !
Il se dirige vers la cuisine, en hâtant le pas. Une fois sur place, il ouvre tous les placards les uns après les autres, visiblement à la recherche de quelque chose. Il finit par trouver, saisit une boîte, en prélève une partie du contenu et le glisse dans la poche intérieure de son manteau. Un peu plus loin, il prend deux tasses et s’installe sur le comptoir pour préparer le « petit café ». Henry arrive alors.
HENRY : Hier… hier soir… Pourquoi vous avez dit que vous n’aviez rien vu ? Je n’ai pas vu le molosse plus d’une minute, c’est vrai, mais…
Sherlock, qui remplit prestement les tasses de café soluble, s’interrompt et s’approche d’Henry :
SHERLOCK : Le molosse.
HENRY : Quoi ?
SHERLOCK : Pourquoi l’appeler le molosse plutôt que le chien ?
HENRY : Pourquoi ? Qu’est-ce que vous voulez dire ?
SHERLOCK : C’est curieux, non ? de choisir ce mot désuet… J’ai pris l’affaire pour ça : « Mr Holmes, les empreintes que j’ai vu étaient celles d’un gigantesque molosse ». Pourquoi "molosse" ?
HENRY : J’en sais rien ! Je sais pas…
SHERLOCK : Tout compte fait, je vais me passer de café.
Et il s’en va.
VILLAGE DE GRIMPEN
Sherlock s’approche du cimetière où il aperçoit John, en train de prendre des notes face à une tombe. Il le rejoint.
SHERLOCK (plutôt mal à l’aise) : Pour… pour le code en morse, tu as trouvé quelque chose ?
JOHN (en s’éloignant) : Non.
SHERLOCK (en le suivant): U.M.Q.R.A c’est ça ?... UMQRA… UMQRA…
JOHN : Rien. N’y pense plus, d’accord ? En fait, je croyais être sur une piste, ce n’est pas le cas.
SHERLOCK : Tu es sûr ?
JOHN : Oui.
SHERLOCK : Et Louise Mortimer : ça a donné quelque chose avec elle ?
JOHN : Non.
SHERLOCK : Dommage. Et tu n’as eu aucune information ?
JOHN (sourire forcé car il a capté l’allusion) : Tu fais de l’humour, là ?
SHERLOCK : Je me suis dit que ça briserait un peu la glace.
JOHN : L’humour te va mal, cantonne-toi à la glace.
SHERLOCK : John…
JOHN : ça va.
SHERLOCK (qui suit toujours John, ce dernier lui tournant obstinément le dos) : Non, attends, ce qui s’est passé hier soir, ce qui m’est arrivé, c’est quelque chose que je n’avais jamais expérimenté.
JOHN : Tu l’as dit : la peur. Sherlock Holmes a eu une frayeur.
SHERLOCK (il le rejoint et lui saisit le bras : ils se font à présent face) : Non, non, non ! C’était plus que ça, John ! C’était du doute : je me suis mis à douter. J’ai toujours pu me fier à mes sens, à ce que je voyais avec mes yeux, jusqu’à hier soir.
JOHN : Tu ne crois tout de même pas que tu as réellement vu un monstre ?
SHERLOCK : Non je n’y crois pas, en effet. Mais je l’ai vu, alors la question c’est : comment ? Comment ?!
JOHN : Oui… C’est vrai, oui… Alors tu as quelque chose à creuser… Bonne chance. (Il s’en va)
Sherlock reste pensif, pendant que son ami s’éloigne. Puis lui lance :
SHERLOCK : Tu sais, ce que je t’ai dit un peu plus tôt : ce n’était pas tout à fait vrai. John : je n’ai pas des amis... je n’en ai qu’un.
JOHN (qui s’est arrêté et s’efforce de ne pas montrer qu’il est touché par cet aveu) : Bien. (Il se retourne et reprend son chemin)
SHERLOCK (qui vient de réaliser quelque chose soudainement) : John ?! John ?!! (ce dernier fait la sourde oreille et continue sa route) Tu es incroyable ! Tu es extraordinaire !
JOHN : Oui, d’accord… Inutile d’en faire trop.
SHERLOCK (qui l’a rejoint): Tu n’es peut-être pas ce qu’on appelle une lumière, mais pour ce qui est de la transmettre, tu es imbattable !
JOHN : Merci. Quoi ?
SHERLOCK : Certains, bien que démunis de génie propre, ont vraiment le don de le stimuler chez les autres (il écrit quelque chose sur son carnet).
JOHN : Attends : tu allais t’excuser il y a une minute. Ne gâche pas tout ! Et bien qu’est-ce que j’ai fait de tellement stimulant ?
Sherlock lui montre ce qu’il a écrit sur son carnet.
Incrustation : MOLOSSE
JOHN : Oui ?...
SHERLOCK (en ajoutant quelque chose sur la page qu’il vient de montrer) Et si ce n’était pas un mot, mais des lettres individuelles ?
Incrustation : M.O.L.O.S.S.E
JOHN : Tu crois que c’est un acronyme ?
SHERLOCK : Je n’en ai pas la moindre idée, mais… (il se retourne et aperçoit Lestrade au comptoir de l’auberge) Mais qu’est-ce que vous fichez ici, vous ?!!!
AUBERGE CROSS KEYS
LESTRADE (lunettes de soleil et teint très hâlé) : Ravi de vous voir aussi. Vous n’allez pas me croire : je suis en vacances.
SHERLOCK : Non, c’est faux !
LESTRADE (en ôtant ses lunettes) : Hello John !
JOHN : Greg.
Regard très interrogateur de Sherlock.
LESTRADE : J’ai su que vous étiez dans le coin. Qu’est-ce que vous fabriquez ? Vous pourchassez le chien de l’Enfer ? Celui de la télé.
SHERLOCK : J’attends que vous vous expliquiez, lieutenant. Je veux savoir ce que vous faites là.
LESTRADE : Je vous l’ai dit : je suis en vacances.
SHERLOCK : Vous êtes presque noir ! Il est clair que vous revenez de vacances !
LESTRADE : Et bien j’ai décidé d’en reprendre.
SHERLOCK : Oh ça c’est un coup de Mycroft ! C’est évident !
LESTRADE : Ecoutez, Sherlock…
SHERLOCK : C’est lui ! Il entend parler de Baskerville et il envoie mon… mon gardien… m’espionner incognito ! Est-ce que c’est pour ça que vous vous faites appeler « Greg » ?!
JOHN : C’est son vrai prénom.
SHERLOCK : Ah oui ?
LESTRADE : Oui. Vous devriez le savoir depuis le temps. Et je ne suis pas votre gardien. Et je ne fais pas tout ce que votre frère me dit de faire.
JOHN : Vous pourriez être l’homme qu’il nous faut, en fait.
SHERLOCK : Pourquoi ?
JOHN : J’ai un peu fouiné et je crois que j’ai trouvé quelque chose. (en prenant un papier de sa poche et en le montrant à Sherlock) Regarde. Je n’étais pas sûr que ce soit d’un grand intérêt mais finalement… ça fait beaucoup de viande pour un restaurant végétarien.
SHERLOCK : Excellent.
JOHN : Et un lieutenant de police de Scotland Yard, qui peut passer quelques coups de fil, pourrait nous être très utile… (Il tape sur la sonnette du comptoir) S’il vous plaît !
Dans la salle à manger du restaurant :
Lestrade feuillette ce qui semble être un livre de comptes. Attablés devant lui, les 2 responsables de l’auberge. John observe en retrait, pendant que Sherlock remue une tasse de café.
JOHN (alors que Sherlock lui tend la tasse) : C’est quoi ?
SHERLOCK : Du café. J’ai fait du café.
JOHN : Tu ne fais jamais de café.
SHERLOCK : Je viens d’en faire, tu n’en veux pas ?
JOHN : Tu n’es pas forcé de continuer à t’excuser. (Regard triste de Sherlock : John s’empresse de prendre la tasse) Merci. (Il boit et tente de réprimer son dégoût : le café est sucré) Mmm, je ne prends jamais de sucre. (Sherlock reprend son regard triste et affligé : John finit sa tasse)
LESTRADE (aux 2 gérants) : Ces carnets de commande remontent à il y a 2 mois.
JOHN (à Sherlock) : Excellent. Très bon.
Sherlock a complètement perdu son regard triste et, d’un coup d’œil, vérifie que John a bien fini sa tasse.
LESTRADE : C’est quand l’émission de télé a été diffusée que l’idée vous est venue ?
BILLY : C’est moi. C’est à cause de moi. Pardon Gary, j’ai pas résisté : j’ai pris un sandwich au bacon, au mariage de Cal, et j’y ai pris goût. (Cette tentative désespérée fait sourire Sherlock)
LESTRADE : C’était bien tenté.
GARY : Ecoutez, on essayait juste de booster un peu les affaires, c’est tout. Un chien énorme lâché dans la lande, c’était comme une bénédiction ! C’était comme d’avoir son monstre du Loch Ness !
LESTRADE : Où le gardiez-vous ?
GARY : Dans un ancien puits de mine qui n’est pas trop loin. Il y était bien.
SHERLOCK : « Etait » ?
GARY : On n’arrivait pas à la contrôler, cette putain de bête ! Elle était vicieuse… Et puis, il y a un mois, Billy l’a emmené chez le véto et… il l’a…
JOHN : Le chien est mort ?
GARY : Piqué.
BILLY : Ouais, il le fallait. Donc c’est fini.
GARY : En fait c’était qu’une blague.
LESTRADE : Qu’est-ce qu’elle est drôle… (Il se lève) Un type a failli perdre la tête par votre faute !
Il quitte la pièce, suivi de John. Sherlock leur emboîte le pas, après avoir encore vérifié au passage que John a bien consommé l’intégralité du breuvage.
JOHN (à Lestrade) : En fait, il est ravi que vous soyez là. Secrètement ravi. (Ils se dirigent vers la sortie de l’auberge)
LESTRADE : Ah oui ? (à l’extérieur) Génial… Je suppose que ce qu’il aime c’est réunir les mêmes personnes : cela satisfait son… son…
JOHN : Son autisme. (Sherlock les rejoint)
LESTRADE (à Sherlock) : Vous y croyez à leur histoire du chien piqué ?
SHERLOCK : Pourquoi ne pas y croire ?
LESTRADE : Il a fait plus de peur que de mal. Je ne vois pas de quoi je les accuserais de toute manière. J’en parlerai à la police du coin. Bon, c’est réglé alors : à plus tard ! Je m’amuse beaucoup, vous savez ! Et puis ça fait du bien de changer d’air, non ? (Il s’éloigne)
JOHN : Conclusion : c’était bien leur chien que les gens ont vu.
SHERLOCK : Apparemment.
JOHN : Mais toi, ce que tu as vu, c’était pas un chien ordinaire.
SHERLOCK : Non. Il était immense. Il avait des yeux rouges, incandescents, et son corps tout entier était luminescent, brillant. (Frissons) J’ai bien une théorie, mais il faut que je retourne à Baskerville pour en tester le bien-fondé (ils se dirigent vers leur véhicule, et Sherlock saisit son téléphone).
JOHN : Comment ? Tu vas pas leur refaire le coup du pass, quand même ?
SHERLOCK : ça ne sera peut-être pas nécessaire. (au téléphone) Salut frère chéri ! Comment vas-tu ?
BASKERVILLE
Après un flot d’images accélérées d’animaux de laboratoire et de manipulations scientifiques, un plan déjà observé : celui de la voiture de Sherlock et John, qui s’approche du site militaire de Baskerville.
MILITAIRE : Bonjour Monsieur, veuillez couper le moteur. (Sherlock lui tend quelque chose) Merci. (Il s’éloigne)
SHERLOCK (à John) : J’aurai besoin de voir Barrymore dès qu’on sera à l’intérieur.
JOHN : Bien.
SHERLOCK : Il faut que tu commences à chercher le molosse, pendant ce temps.
JOHN : D’accord.
SHERLOCK : Dans les labos. En commençant par celui de Stapleton. Ça peut être dangereux.
Le portail s’ouvre et la voiture pénètre à l’intérieur de la base militaire.
Dans le bureau de Barrymore :
BARRYMORE : Oh mais vous savez bien que j’en serais ravi. Je serais ravi de vous accorder un accès illimité à cet endroit. Pourquoi pas ?
SHERLOCK : Ce que je vous demande est simple, commandant.
BARRYMORE : Je n’ai jamais rien entendu d’aussi grotesque !
SHERLOCK : J’ai droit à 24h : c’est ce que j’ai négocié.
BARRYMORE : Et pas une seconde de plus ! Je suis peut-être forcé de me plier à cet ordre, mais pas de l’apprécier. D’ailleurs je me demande bien ce que vous espérez trouver ici.
SHERLOCK : Peut-être la vérité.
BARRYMORE : Sur quoi ? (en observant Sherlock) Ah oui ! J’y suis : le manteau aurait dû me mettre sur la voie. Vous êtes un adepte de la théorie du complot, hein ? (Cette « découverte » le rend plus souriant, et agace Sherlock) Et bien, allez-y : dénichez-les ! Les monstres, les rayons de la mort, les aliens…
SHERLOCK : Vous en avez ici ? (Barrymore lève les yeux au ciel) Je me posais juste la question.
BARRYMORE : On a une couple qui s’est écrasé ici dans les années 60. On les appelle Abbott et Costello. Bonne chance, Mr Holmes.
Sherlock s’en va.
CHEZ HENRY KNIGHT
Ce dernier est assis dans son salon, dans un état de profonde tristesse, une photo de sa famille à la main.
Il ferme les yeux et un flash de son traumatisme passé lui revient violemment à la tête.
HENRY (en pleurs) : Non ! Non !!
BASKERVILLE
John se rend dans un des laboratoires. Les scientifiques présents quittent la pièce par une porte latérale, et éteignent les lumières. John poursuit sa « visite ». Il a en main un pass, qui lui permet l’accès à un autre laboratoire, sur la porte duquel est inscrit : « Défense d’entrer : rhume garanti ! ». Il passe de pièces en pièces : elles sont désertes. Aucun scientifique ne travaille, aucun animal ni éprouvette ne sont manipulés. Il observe différentes sortes de matériels et un grand nombre de tuyaux qui fuient… Il retourne dans le grand laboratoire, et au moment où il y entre, un énorme projecteur s’éclaire et l’éblouit. A cet éblouissement très important, qui fait perdre à John tous ces repères, vient s’ajouter une alarme assourdissante. Au supplice, il s’approche d’une porte de sortie et passe son badge.
Accès refusé
Il passe et re-passe son badge : toujours la même réponse.
JOHN : Allez ! (Puis tout s’arrête : son et lumière cessent d’un coup) Génial…(Il sort une lampe de sa poche: sa vision est altérée par l’éblouissement qu’il a subi) Y’a quelqu’un ?
Il se frotte les yeux et tente de s’habituer à l’obscurité. Un bruit furtif se fait entendre au fond du laboratoire, plongé dans la pénombre.
Il s’approche des cages qui contiennent les animaux destinés aux expériences. Elles sont couvertes de draps. John en soulève un premier : la cage est vide. Un deuxième : la cage est encore vide et la porte ouverte. Un troisième : un singe capucin se précipite sur les barreaux en hurlant. John, surpris, fait un mouvement de recul et laisse tomber le drap. Dernière cage : elle est vide et la porte, tordue, a été forcée par la bête qu’elle contenait.
C’est alors qu’un grognement sournois retentit derrière John. D’un pas rapide, il se dirige vers la porte la plus proche.
Accès refusé
JOHN : Non, non, non, allez ! (Il prend son téléphone et compose un numéro tout en restant à l’affût) J’te connais… Sois pas ridicule : décroche. (Pas de réponse) Et merde ! (Il raccroche)
Il tente de re-traverser le laboratoire : bruits de pas très près de lui.
Haletant, il s’approche d’une autre porte. Il se munit de son pass : la bête grogne à quelques mètres de lui. Tétanisé, il porte sa main droite à sa bouche afin de réprimer un cri de panique. Il entend très clairement le molosse se rapprocher de lui, mais ne parvient à le voir. Il se met à courir, la bête à ses trousses, et atteint une des cages. Il verrouille la porte derrière lui et fait retomber le drap qui la couvre. Il s’accroupit au fond de la cage, toujours une main sur la bouche. A l’extérieur, la bête est là. Son téléphone sonne.
JOHN (en chuchotant): Il est là… Il est là, avec moi…
SHERLOCK (à l’autre bout du téléphone) : Où es-tu ?
JOHN (implorant): Sors-moi de là, Sherlock… Il faut que tu me sortes de là… Dans le labo qu’on a vu en tout premier, le grand… (Grognement : John réprime un cri en posant sa main sur sa bouche)
SHERLOCK (toujours à l’autre bout du téléphone) : John ? John ?
JOHN : Vite, Sherlock ! Vite !
SHERLOCK : D’accord. Je vais te trouver. Continue à parler !
JOHN : Non : il risque de m’entendre.
SHERLOCK : Continue à parler ! Qu’est-ce que tu vois ?... John ?
JOHN (qui tente d’observer quelque chose à travers les plis du drap) : Oui, j’suis là !
SHERLOCK : Qu’est-ce que tu vois ?
JOHN (qui s’est approché des barreaux de la cage) : Je sais pas… Je sais pas, mais je l’entends… (Grognements)Est-ce que t’as entendu ça ?
SHERLOCK : Garde ton calme ! Garde ton calme ! Tu le vois là ? (alors que les grognements s’intensifient) Est-ce que tu le vois ?
JOHN : Je vois rien. (Les pas de la bête raisonnent, John se recule au fond de la cage) Là, je le vois. (La bête se déchaîne) Oui, je le vois… Je le vois… (La porte de la cage bouge)
La lumière se rallume, Sherlock surgit dans la cage, auprès de son ami, tapi au fond et blanc comme un linge.
SHERLOCK : ça va, John ?
JOHN (il se relève) : Nom de dieu ! C’était le molosse ! (Ils sortent de la cage) Sherlock ! Il était là ! J’te le jure, Sherlock ! Il a probablement… ! Probablement… Est-ce que tu l’as vu ?! Tu l’as sûrement vu !
SHERLOCK (tentant de calmer son ami) : Tout va bien. John, c’est fini maintenant.
JOHN : Non, ce n’est pas fini !!!!! Et tout ne va pas bien !!! Je l’ai vu : en fait, j’avais tort, Sherlock !!!
SHERLOCK : Ne tire pas de conclusion trop vite.
JOHN : Quoi ?
SHERLOCK : Qu’est-ce que tu as vu ?
JOHN : Je te l’ai dit : le molosse.
SHERLOCK : Enorme, avec des yeux rouges ?
JOHN : Oui.
SHERLOCK : Le corps luminescent ?
JOHN : Oui.
SHERLOCK : Non !
JOHN : Quoi ?
SHERLOCK : J’ai inventé le côté luminescent. (John parvient difficilement à se calmer, et continue à jeter furtivement des coups d’œil derrière lui) Tu as vu ce que tu t’attendais à voir parce que je t’en ai parlé. On t’a drogué ! On a tous été drogués !
JOHN : Drogué ?
SHERLOCK : Tu peux marcher ?
JOHN : Bien sûr que je peux marcher !
SHERLOCK : Alors allons-y : il est temps de lui faire un sort à ce fantôme !
Dans le laboratoire de Stapleton :
La scientifique est en train d’ « ausculter » un lapin blanc, quand Sherlock et John font irruption dans son laboratoire.
STAPLETON : Ah ! Vous êtes revenus… Qu’est-ce qui vous tourmente cette fois ?
SHERLOCK : Un meurtre, professeur Stapleton. Un meurtre commis de sang-froid. (John est aussi blanc que les murs du labo), et plein de raffinement. (Il éteint la lumière et le lapin de Stapleton luit dans l’obscurité. Il rallume ensuite la lumière) Allez-vous à dire à Kirstie ce qui est arrivé à Bluebell, ou dois-je le faire ?
STAPLETON : Très bien… Vous voulez quoi ?
SHERLOCK : Que vous me prêtiez un microscope.
Quelques instants plus tard, et dans un autre laboratoire, Sherlock effectue des analyses de ce qui semble être du sucre. Ses observations au microscope ne semblent pas le satisfaire…
STAPLETON (à John, perdu dans ses pensées) : Vous êtes sûr que ça va ? Vous n’avez pas bonne mine.
JOHN : Non, ça va…
STAPLETON : C’était le gène GFP d’une méduse, au cas où ça vous intéresserait.
JOHN : Pardon ?
STAPLETON : Dans les lapins !
JOHN : Mmm, d’accord.
STAPLETON (fièrement): Aequoria Victoria, si vous voulez le savoir.
JOHN : Pourquoi ?
STAPLETON : Pourquoi pas ? On ne se pose pas ce genre de question ici. Ça ne se fait pas. De toute façon, il y a eu méprise : ma fille s’est retrouvée avec un spécimen du labo. Alors il fallait que Bluebell disparaisse…
JOHN : Votre compassion force vraiment le respect…
STAPLETON : Je sais. J’en arrive quelques fois à me détester.
JOHN : Continuez : vous pouvez me faire confiance, je suis médecin. Que cachez-vous d’autre que cela ?
STAPLETON : Si vous imaginez les expériences les plus folles, vous pouvez être certain que quelqu’un est en train de les mener. (John ricane) C’est évident.
JOHN : Y compris le clonage ?
STAPLETON : Oui, bien sûr. Vous vous rappelez la brebis Dolly ?
JOHN : Le clonage humain ?
STAPLETON : Pourquoi pas ?
JOHN : Et qu’en est-il des animaux ? Autres que les brebis… Les gros animaux ?
STAPLETON : La taille n’est pas un problème. Pas du tout. La seule limite est déontologique. Et la déontologie, comme la loi, peut être très flexible. Mais pas ici, pas à Baskerville.
Sherlock s’exaspère de ses recherches infructueuses et, dans un accès de colère, jette une lame de surface avec laquelle il était en train de travailler.
SHERLOCK : Il n’y a rien !... Rien !!!!
JOHN : Seigneur !
SHERLOCK : Il n’y a rien du tout ! C’est incompréhensible !
STAPLETON : Vous pensiez trouver quoi ?!
SHERLOCK : Une drogue, bien sûr ! C’est forcément une drogue ! Une substance hallucinogène, par exemple. (Il fait nerveusement les 100 pas) Je n’en trouve aucune trace dans le sucre.
JOHN : Le sucre ?
SHERLOCK : Le sucre, oui. Je n’ai fait que procéder par élimination. J’ai vu le molosse exactement comme mon imagination s’attendait à ce que je le vois. J’ai vu une créature génétiquement manipulée ! Mais je savais que je ne pouvais pas me fier à ce que je voyais et qu’il y avait à cela 7 raisons possibles. La plus plausible étant des narcotiques. Henry Knight, il l’a vu lui aussi, mais pas toi John : toi tu n’as rien vu ! Or nous avons mangé et bu la même chose depuis notre arrivée à Grimpen. A un petit détail près ! Toi tu ne prends pas de sucre dans ton café.
JOHN : Je vois. Et alors ?
SHERLOCK : Je l’ai pris dans la cuisine d’Henry. J’ai pris son sucre. Et il est parfaitement normal.
JOHN : Mais peut-être que c’est pas une drogue…
SHERLOCK : Non ! C’est forcément une drogue ! Mais comment est-elle rentrée dans notre organisme ? Comment ?! Il y a forcément quelque chose… (Les yeux fermés, les idées commencent à affluer dans son esprit)
Incrustation : MOLOSSE
SHERLOCK : Quelque chose… quelque chose… de profondément enfoui. (Il se retourne vers John et Stapleton. Et d’un ton péremptoire) Sortez !
STAPLETON : Pardon ?
SHERLOCK : Sortez, que je me retire dans mon palais mental. (John semble comprendre l’allusion)
STAPLETON : Votre quoi ?
JOHN (en se levant et en prenant sa veste) : Il va être plutôt silencieux pendant un moment, alors on ferait aussi bien de s’en aller. (Sherlock respire profondément et, très concentré, il semble ne plus être mentalement dans la pièce)
STAPLETON : Son quoi ?
JOHN : Euh… Son « palais mental »… C’est un… C’est un moyen mnémotechnique… Une espèce de carte mentale : on détermine un lieu, qui n’a pas besoin d’exister réellement, et dans lequel on dépose des souvenirs. En théorie, on n’oublie rien : le tout c’est de retrouver la route qui ramène à ce lieu.
Ils s’éloignent vers la porte de sortie.
STAPLETON : Ce lieu imaginaire peut donc être n’importe quoi : une maison, une rue ?
JOHN : Ouais.
STAPLETON : Mais il a dit « palais », que c’était un palais !
JOHN : Ouais, il est comme ça.
Ils sortent du labo, et laisse Sherlock seul.
PALAIS MENTAL
Incrustations : Molosse
Liberty Bell
Fraternité
Motif Liberty
Au fur et à mesure que les pensées affluent, Sherlock semble les « classer » : d’un mouvement de la main, il les balaie, les met de côté, en rassemble d’autres…
Incrustations : LIBERTY – Londres
Liberté – Egalité – Fraternité
La cloche de la liberté
John Philip Sousa
Marche de la Liberty Bell
In
Inn
Inde
Ingolstadt
Indium numéro atomique : 49
Ridgeback
Wolfhound
Hound Dog
Liberty
In
Molosse
Et finalement, comme « percuté par l’évidence » :
Incrustations : Liberty,
Indiana
M.O.L.O.S.
Il se lève et quitte le labo.
LANDE DU DARTMOOR
La bête hurle au crépuscule. Henry court à perdre haleine, une arme à la main : il semble poursuivi. Des yeux rouges et des grognements « sont à ses trousses ». Il tire… et brise une vitre de son salon. Louise Mortimer se jette au sol, paniquée. Henri réalise alors qu’il a une arme à la main, en plein milieu de son salon et qu’il vient de tirer, manquant de peu sa psy.
HENRY : Oh mon Dieu… Oh mon Dieu… Je suis vraiment… vraiment désolé… vraiment désolé…
Il quitte la pièce. Louise Mortimer est toujours au sol, et sanglote nerveusement.
BASKERVILLE
Sherlock, John et le professeur Stapleton pénètrent dans un laboratoire.
SHERLOCK : John…
JOHN : Je m’en occupe (et il se poste à l’entrée du labo)
SHERLOCK : Le projet M.O.L.O.S ! J’ai probablement lu quelque chose et je l’ai engrangé. Une expérience dans les locaux de la C.I.A, à Liberty, dans l’Indiana.
Stapleton s’est installé sur un poste informatique du labo.
Incrustation : Identifiant utilisateur
Stapleton_5655//125
Mot de passe
**************
Entrer chaîne de recherche :
Elle se retourne vers Sherlock:
SHERLOCK : M-O-L-O-S
Incrustation : Entrer chaîne de recherche :
M O L O S
Recherche en cours
ACCES REFUSE Classifié CIA
Code autorisation :
STAPLETON : Je ne peux, hélas, pas aller plus loin.
JOHN : Il doit y avoir un accès prioritaire, un mot de passe.
STAPLETON : C’est probable. Mais ça doit être celui du commandant Barrymore.
A ces mots, Sherlock se dirige dans le bureau du commandant.
SHERLOCK : Son mot de passe… mot de passe… (Il allume la lumière et s’installe dans son fauteuil) Il était assis là quand il l’imaginé. (à Stapleton) Décrivez-le-moi.
STAPLETON : Vous l’avez vu !
SHERLOCK : Décrivez-le-moi quand même !
STAPLETON : Euh, c’est un véritable tyran… Un vestige du passé : le genre qu’on envoyait faire la guerre de Suez…
SHERLOCK : Parfait. Excellent. Un soldat de la vieille école. Un traditionnaliste qui ne choisirait pas le nom de ses enfants comme mot de passe (gros plan sur les dessins d’enfants siglé « for daddy » qui ornent « discrètement » le bureau). Il adore son métier, donc c’est en rapport avec son travail. Or que voit-il assis à son bureau ? Des livres, une revue militaire, des numéros en édition reliée, Hannibal, Wellington, Rommel, L’Histoire des Peuples de Langue Anglaise de Churchill, les 4 volumes (il se lève), Churchill, il apprécie Churchill, un exemplaire des années de Thatcher à Downing Street, et une, deux, trois, quatre, cinq biographies d’elle. (Il tourne la tête, son regard est attiré par une photo : un militaire et ce qui semble être son fils) Milieu des années 80, sans doute, père et fils, Barrymore père, quelques médailles, dont l’Ordre du Service Distingué…
JOHN : A cette date, je dirais : vétéran des Malouines.
SHERLOCK : Oui et à ce stade « Thatcher » me paraît plus plausible que « Churchill ».
Il sort du bureau de Barrymore et se dirige vers l’ordinateur « récalcitrant »…
STAPLETON : Alors c’est le mot de passe ?
SHERLOCK : Non. Avec un homme comme Barrymore, seul un prénom peut faire l’affaire.
Incrustation : ACCES REFUSE Classifié CIA
Code autorisation :
Margare
Il se reprend et tape :
Incrustation : ACCES REFUSE Classifié CIA
Code autorisation :
Maggie
ACCES PRIORITAIRE
300/421
ACCEPTE
Chargement
A l’écran apparaissent les rapports scientifiques du projet MOLOS.
Incrustations : extrême suggestibilité
peur et stimuli
terreur conditionnée
dispersion par aérosol
Zoom sur une photo de groupe :
Incrustations : Mary Lansky
Elaine Stewart
Rick Oster
Jack O’Mara
Léonard Mann
Les noms des scientifiques se re-positionnent à l’écran :
Léonard M ann
Jack O ’Mara
Mary L ansky
Rick O ster
Elaine S tewart
STAPLETON : Molos…
John, Sherlock et le professeur Stapleton, les yeux rivés à l’écran de l’ordinateur, découvrent alors les effroyables secrets du projet MOLOS.
Incrustations : Paranoïa
Graves lésions du lobe frontal
Hémato encéphalique
Dangereuse accélération
Traumatisme crânien prononcé
Nombreux homicides
JOHN : C’est pas vrai…
SHERLOCK : Le projet MOLOS : une toute nouvelle drogue qui rend ceux qui la consomment incroyablement suggestibles. Ils voulaient l’utiliser comme arme anti-personnel. Totalement désorienter l’ennemi par la peur et divers stimuli, mais ils ont arrêté et enterré le projet en 86.
STAPLETON : A cause de son effet sur les sujets de l’expérience, sans doute.
SHERLOCK : Et de ce qu’ils ont fait à d’autres. Une exposition prolongée les a rendus fous et d’une agressivité quasi-incontrôlable.
JOHN : Alors quelqu’un a remis ça… a poursuivi les expériences.
SHERLOCK : En tentant de les peaufiner peut-être. Au cours des vingt dernières années…
STAPLETON : Mais qui ?
JOHN : Ces noms vous évoquent-ils quelque chose ?
STAPLETON : Non, rien du tout.
SHERLOCK : Cinq grands scientifiques… Il y a une vingtaine d’années… Notre ami est peut-être quelque part sur la photo (il scrute chaque visage sur ladite photo). Il doit être assez vieux pour avoir conduit ces expériences en 86 (son regard se fixe sur un des visages) et il emploie peut-être le mot « cellulaire » parce qu’il a longtemps vécu en Amérique : tu te rappelles, John ?
John acquiesce et à l’image apparaît le flash-back au cours duquel Frankland dit : « Je vous donne mon numéro de cellulaire ».
SHERLOCK : Il nous a donné son numéro au cas où on aurait besoin de lui.
STAPLETON : C’est pas vrai : Bob Frankland ! Il ne travaille même pas dans ce domaine, c’est un virologue et ça c’est une arme chimique.
SHERLOCK : Mais il a débuté là-dedans… Et il n ‘a jamais cessé de croire, d’être obsédé par l’idée que cette drogue pouvait réellement marcher… Sympa de nous filer son numéro ! (en tapotant sur son téléphone) Fixons-lui un rendez-vous !
Gros plan sur le tee-shirt que porte Frankland sur la photo de groupe : une bête effrayante, aux crocs acérés, et l’inscription : M.O.L.O.S.
Liberty, In
Le téléphone de John sonne.
JOHN : Allo ? (à l’autre bout du fil, une femme sanglote) Qui est-ce ?
LOUISE MORTIMER: Il faut que vous trouviez Henry !
John se retourne vers Sherlock :
JOHN : C’est Louise Mortimer. (à Louise) Louise, qu’est-ce qu’il y a ?
LOUISE : Henry… évoquait… des souvenirs… quand tout d’un coup… il a… il a tenté… il a une arme, il est allé chercher une arme…
JOHN : Quoi ?!
LOUISE : Il est parti ! Vous devez le retrouver ! Dieu sait ce qu’il est capable de faire.
JOHN : Où… où êtes-vous ?
LOUISE : Chez lui, je vais bien. Ça va.
JOHN : Bon, ne bougez pas : on va vous envoyer quelqu’un, d’accord ? (il raccroche)
SHERLOCK : Henry ?
JOHN : Il l’a attaquée.
SHERLOCK : Parti ? (John acquiesce) Il ne peut aller que là où tout a commencé. (au téléphone) Lestrade, allez au ravin ! Au ravin de Dewer ! Avec une arme !
LANDE DU DARTMOOR & RAVIN DE DEWER
La silhouette d’Henry apparaît, suivie par les phares du véhicule de Sherlock et John. Une fois sur place, ils se lancent à sa poursuite. Henry atteint le ravin de Dewer, une arme à la main.
HENRY (seul au milieu du ravin) : Pardon. Excuse-moi, papa.
Il s’agenouille et place le canon de son pistolet dans sa bouche.
SHERLOCK : Non ! Henry, non ! Non !
HENRY (qui s’est relevé et pointe son arme sur Sherlock) : Reculez, ne m’approchez pas !
JOHN : Doucement, Henry ! Doucement ! Calmez-vous !
HENRY : Je sais ce que je suis et je sais ce que j’ai essayé de faire !
JOHN : Jetez votre arme ! Voilà.
HENRY (qui pointe toujours son arme) : Non, je sais ce que je suis ! Je le sais très bien !
SHERLOCK : Je suis sûr que vous le savez ! On vous l’a tellement bien expliqué, pas vrai ? Et avec tellement de soin.
HENRY : Quoi ?
SHERLOCK : Quelqu’un voulait vous faire taire, voulait vous maintenir dans l’enfance pour renforcer l’illusion à laquelle vous vous raccrochiez : parce que vous aviez commencé à vous souvenir. Souvenez-vous, Henry ! Souvenez-vous maintenant de ce qu’il s’est passé ici ! Quand vous n’étiez qu’un gamin…
HENRY : Je pensais… qu’il avait eu mon père. Le molosse… je pensais… Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu ! Je sais rien !!! Je sais plus rien !!!! (il hurle, pleure, et replace le canon de son arme dans sa bouche)
JOHN : Non ! Henry ! Henry ! Ne faites pas ça !
SHERLOCK : Henry ! Rappelez-vous ! Liberty, In ! Deux mots ! Les deux mots qu’un garçon apeuré a vus ici il y a vingt ans ! Vous aviez commencé à reconstituer ce qu’il s’est réellement passé cette nuit-là. Vous en souvenir. En fait ce n’était pas un animal, ce n’était pas un monstre (Henry s’apaise, renonce et, à la lueur des lampes de poche, écoute attentivement Sherlock), c’était un homme.
Les images, vingt ans plus tôt, reviennent à l’esprit d’Henry : un homme, portant un masque à gaz, se bat avec son père et prend le dessus. Henry-enfant observe, effrayé, la scène. Dans la lutte, la tête du père d’Henry heurte un rocher. Son assaillant constate alors la mort de sa victime. Il se relève : les verres du masque sont d’un rouge très vif et il porte un tee-shirt à l’effigie d’une bête effrayante, aux crocs acérés, avec une inscription : H.O.U.N.D (molosse), Liberty, In.
SHERLOCK : C’était trop pour vous. Vous n’étiez qu’un enfant. Alors vous avez transformé cette scène en quelque chose de très différent. Quand vous avez commencé à vous en souvenir, il fallait vous en empêcher. Vous rendre fou pour que personne ne croie un mot de ce que vous disiez.
John s’approche d’Henry et le désarme tout en douceur.
LESTRADE : Sherlock !
JOHN (à Henry) : ça va aller, ça va aller, Henry.
HENRY : Mais on l’a vu… le molosse… hier soir ! On l’a… on l’a bien vu !...
SHERLOCK : Non. Il y avait bien un chien, Henry. Qui laissait des empreintes et faisait peur aux gens : mais ce n’était rien de plus qu’un chien ordinaire. On l’a tous les deux vu comme notre esprit drogué nous le dictait. La peur et les stimuli ont fait le reste… Mais il n’y a jamais eu de monstre.
A cet instant précis, un cri effrayant déchire la lande.
JOHN : Sherlock ?
La bête est juste au-dessus du ravin et grogne.
SHERLOCK : C’est pas vrai !
HENRY : Non ! Non ! Non ! Non !
SHERLOCK : Henry ! Henry !
JOHN : Sherlock !
HENRY : Non ! Non ! Non ! Non !!!!!!
SHERLOCK : Henry !
La bête se rapproche et grogne de plus en plus.
JOHN : Vous voyez ce que je vois ?! On n’est pas drogués, Sherlock, alors qu’est-ce que c’est que ça ?! (A quelques mètres d’eux, éclairés par les lampes de poche, deux yeux luisants, prêts à bondir) Qu’est-ce que c’est ?!!!!
SHERLOCK : ça va ! Il est toujours là ! Mais ce n’est qu’un chien, Henry ! Ce n’est rien de plus qu’un chien ordinaire !
LESTRADE : Bon sang !
JOHN : Oh ! Seigneur ! (La bête est à présent à portée de vue, comme sortie des pires cauchemars de l’enfance. Ses yeux sont rouges et cruels, son pelage noir recouvre un corps aux muscles puissants. Sa gueule béante laisse apparaître une mâchoire effrayante. Le mélange d’une bête et d’une machine infernale)Sherlock…
Ce dernier se retourne et observe un homme qui arrive au milieu du brouillard, portant un masque à gaz. Moriarty. Sherlock se précipite sur lui et empoigne son col. Moriarty retire son masque et le regarde avec un large sourire.
SHERLOCK : Non ! (Puis Moriarty se met à grogner, telle une bête sauvage) Ce n’est pas vous ! Pas vous ! (Dans l’empoignade, il fait quelque pas de côté et blesse… Frankland ! Il est surpris mais comprend rapidement, lorsqu’il s’aperçoit qu’ils sont tous deux hors du brouillard) Oh ! Le brouillard !
JOHN : Quoi ?
SHERLOCK : C’est le brouillard ! La drogue : elle est dans le brouillard ! « Dispersion par aérosol », c’est ce que disent les dossiers ! Le projet M.O.L.O.S. ! C’est le brouillard !!! Un champ de mines chimiques !
La bête s’approche encore.
FRANKLAND : Mais nom de Dieu, tuez-le !
Lestrade tire, manque la bête qui fait encore un bond vers ses proies. John tire et l’abat.
SHERLOCK (après un court instant au cours duquel tout le monde reprend son souffle, en prenant Henry par l’épaule et le poussant vers la bête) : Regardez-le, Henry ! Approchez !
HENRY : Non, non, non !
SHERLOCK : Allez-y ! Regardez-le !
Un chien noir, ordinaire, est étendu sur le flanc, sans vie.
HENRY (se retournant vers Frankland) : Espèce de… espèce de… (il se jette sur lui) fumier !!!!
Ils tentent tous, alors, de les séparer.
LESTRADE : Henry, c’est bon, c’est fini, c’est fini.
HENRY : Vingt ans de ma vie foutus en l’air !
JOHN : On se calme, on se calme.
HENRY : Pourquoi tu ne m’as pas tué, fumier ?!!!!
SHERLOCK : Parce que les morts sont pris au sérieux. Il avait besoin de faire plus que de vous tuer : il lui fallait discréditer tout ce que vous pouviez dire sur votre père. Et il en avait les moyens ! Là, à ses pieds ! Un champ de mines chimiques, avec des pistons dans le sol, vous délivrant une dose de drogue à chaque fois que vous reveniez ici ! (Henry, désespéré, est relevé et soutenu par John et Lestrade) Arme du crime et scène du crime réunies : ah ! ah !ah ! Quelle affaire, Henry ! (il affiche un sourire de satisfaction) Merci ! Une pure merveille…
JOHN : Sherlock…
SHERLOCK : Quoi ?
JOHN : C’est vraiment pas le moment !
SHERLOCK : Ah bon ?!
HENRY : Non… Non, ça va… C’est parfait… parce que cela veut dire que… cela veut dire que mon père avait raison ! (à Frankland) Il avait découvert quelque chose, pas vrai ? Et c’est pour ça que tu l’as tué ! Parce qu’il avait raison et qu’il t’avait démasqué ! Alors que t’étais en pleine expérience !
A cet instant, le chien, que tout le monde croyait mort, grogne et gémit. John dégaine son arme et l’achève. Frankland, profitant de cette diversion, s’enfuit.
SHERLOCK (s’élançant à sa poursuite) : Frankland ! Frankland !
JOHN : Arrêtez-vous !
HENRY : Allez ! Plus vite !
SHERLOCK : C’est inutile, Frankland !
Frankland traverse les barbelés d’un champ de mines. Sherlock, John, Lestrade et Henry sont à quelques mètres de lui, il se précipite et pose le pied sur un engin explosif. Il soupire et lève son pied. Une immense explosion emporte le scientifique. Sherlock, John, Lestrade et Henry sont stoppés nets dans leur course et voient impuissants le lourd panache de fumée s’élever dans le ciel du Dartmoor.
AUBERGE CROSS KEYS
John est attablé en terrasse. Billy lui sert une assiette et Sherlock apporte leurs cafés.
JOHN : Merci Billy.
SHERLOCK : Donc ils n’ont pas fait piquer le chien, finalement.
JOHN : Il faut croire. Je suppose qu’ils n’ont pas pu s’y résoudre.
SHERLOCK : Je vois.
JOHN : Non, tu ne vois pas.
SHERLOCK : Non… Question de « sentiments » ?
JOHN : De sentiments.
SHERLOCK : Ah ! (il s’assoit à côté de John)
JOHN : Qu’est-ce qu’il m’est arrivé dans le labo, au fait ?
SHERLOCK (visiblement mal à l’aise, il se retourne et saisit une corbeille de dosettes de sauces) : Tu veux de la sauce avec ton plat ?
JOHN : Je n’étais pas allé dans le ravin : alors comment j’ai pu entendre ce que j’ai entendu ? « Peur et stimuli », tu as dit ?
SHERLOCK (en fouillant dans la corbeille): Tu as probablement reçu une dose ailleurs. A l’intérieur du labo, peut-être. Tu as vu leurs tuyaux : plutôt vieux, je suis sûr qu’ils fuient. Et comme ils transportaient le gaz… Ketchup ou moutarde ?
JOHN : Attends… Tu croyais que c’était dans le sucre. T’en étais même persuadé.
SHERLOCK : Il faudrait qu’on y aille : il y a un train qui part dans une demi-heure. Alors si tu veux…
JOHN : Oh non ! C’était toi. Tu m’as enfermé dans ce putain de labo.
SHERLOCK : Je le devais : c’était une expérience.
JOHN : Une expérience ?!!!
SHERLOCK : CChhh…
JOHN : J’étais terrorisé, Sherlock ! Je crevais de peur !
SHERLOCK : J’ai cru que la drogue était dans le sucre, alors j’en ai mis dans ton café. Ensuite j’ai tout mis au point avec le commandant Barrymore. Ça s’est fait dans des conditions de laboratoire certifiées : c’est le cas de le dire.
A l’image : Sherlock, à Baskerville, nonchalamment installé devant des écrans de contrôle, les pieds sur le bureau. Il tient son téléphone d’une main et de l’autre un MP3 qu’il positionne face à un micro. Sur l’écran, il observe John qui court dans le laboratoire, où « grogne la bête ».
JOHN : Il est là, avec moi.
SHERLOCK : D’accord, continue à parler, je vais te trouver. Continue à parler. (John bafouille au téléphone)Dis-moi ce que tu vois. (Il remet en marche le micro, et à l’aide du MP3, fait « gronder le molosse »…)
JOHN : Je sais pas mais je l’entends.
Retour au Cross Keys :
SHERLOCK : Je savais quel effet ça avait sur un esprit supérieur, alors il fallait que je le teste sur un esprit ordinaire. (John se fige) Tu sais bien ce que je veux dire.
JOHN : Mais c’était pas dans le sucre.
SHERLOCK : Ecoute… je n’étais pas… censé savoir que tu avais déjà été exposé au gaz.
JOHN : Tu t’es trompé.
SHERLOCK : Non.
JOHN : Mmmm, t’avais tort. Ça n’était pas dans le sucre : TU – T’ES – TROMPE.
SHERLOCK : Un peu… ça ne se reproduira plus.
JOHN : Pas d’effet à long terme ?
SHERLOCK : Aucun… Tu iras mieux quand tu l’auras excrété, comme nous tous.
JOHN : Je crois que c’est peut-être déjà fait, à l’heure qu’il est.
Sherlock sourit, le gérant de l’auberge le salue de loin en servant des clients.
JOHN (alors que Sherlock se lève) : Où est-ce que tu vas ?
SHERLOCK : Je reviens tout de suite : je vais voir s’ils vendent des hot-dogs. (il s’éloigne)
A l’intérieur d’une cellule :
Jim Moriarty, le visage défait, est observé à travers un miroir sans tain par Mycroft Holmes. La porte de la cellule s’ouvre.
MYCROFT : C’est bon, relâchez-le.
Moriarty quitte la cellule. L’homme en costume qui lui a ouvert la porte, se retourne vers le miroir. Un mot y a été gravé, à l’envers : afin d’être lu par les personnes placées de l’autre côté. Le mot « Sherlock » envahit alors tout l’écran : c’est ce que Moriarty a gravé sur le miroir. L’homme quitte la cellule et referme la porte.
-Générique-