Episode 1.01 : UNE ETUDE EN ROSE
AFGHANISTAN / APPARTEMENT DE JOHN WATSON
Images de guerre. Echanges de tir. Mouvements de caméra rapides.
Un homme au sommeil agité.
Un des COMBATTANTS appelle : Watson !!!
Les tirs s’intensifient, des soldats sont touchés, les autres ripostent. Des cris, des explosions.
Le cauchemar se précise et le torture de plus en plus.
Il se réveille en sursaut, haletant. L’air hagard, il réalise à peine qu’il ne s’agissait que d’un rêve. Un souvenir. Il se laisse tomber sur son oreiller, respire profondément et ne parvient pas à réprimer ses sanglots.
Plan suivant : il est assis sur son lit, dans l’unique pièce d’un appartement minuscule.
Zoom arrière : la caméra laisse entrevoir une canne, posée contre un bureau. Il la regarde. Amer.
Toujours le même décor.
Vêtu d’un peignoir, appuyé sur sa canne, une tasse et une pomme dans l’autre main, il s’approche de son bureau. Il y dépose son « déjeuner », s’installe et ouvre un tiroir, dont il sort un ordinateur portable. Le tiroir contient également un pistolet.
Il ouvre son ordinateur et observe sans grande inspiration son écran :
« The personal blog of Dr John H. Watson”
CABINET DE LA PSY DE JOHN
VOIX FEMININE: Où vous en êtes de votre blog ?
Il est installé dans un fauteuil, dans une pièce sobrement décorée. Il fait face à son interlocutrice.
JOHN : ça va. (Il s’éclaircit la voix) ça va bien.
LA PSY : Vous n’avez pas écrit un mot, n’est-ce pas ?
JOHN : Vous venez d’écrire : se méfie toujours.
LA PSY : Et vous, vous lisez à l’envers ce que je note. Vous voyez où je veux en venir ?
Sourire narquois.
LA PSY : John, vous êtes un soldat. Vous allez sans doute mettre un certain temps à vous réadapter à la vie civile. Et je pense sincèrement que d’écrire un blog sur tout ce qui vous arrive, ne peut que vous aider.
Il la regarde, incrédule :
JOHN : Il ne m’arrive jamais rien.
-Générique-
LA CITY, A LONDRES / AEROPORT
Incrustation : 12 octobre
Echange téléphonique entre une jeune femme dans un bureau de la City et un homme dans un aéroport :
L’HOMME : Comment ça : y’a pas d’chauffeur ?!
LA JEUNE FEMME : Il a dû aller à la gare de Waterloo, désolé… Prends un taxi.
L’HOMME : Je n’en prends jamais.
LA JEUNE FEMME : Je t’aime, mon amour.
L’HOMME: Comment ?
LA JEUNE FEMME (très amusée) : Prends un taxi et discute pas !
A l’aéroport : il raccroche et cherche du regard quelque chose (sans doute son taxi).
Plan suivant :
Gros plan sur des mains d’homme qui dévissent le couvercle d’une petite fiole contenant des gélules. (Musique angoissante)
L’homme d’affaire en saisit une. Il est assis par terre, adossé contre une grande baie vitrée qui laisse entrevoir des immeubles avoisinants.
Il porte la gélule à sa bouche, le regard terrorisé.
Plan suivant :
La même baie vitrée, vue de l’extérieur. Elle laisse cette fois-ci entrevoir l’homme d’affaire dans une posture d’agonie, par terre, appuyé contre la vitre ; il est pris de tremblements nerveux.
SALLE DE CONFERENCE
VOIX FEMININE : Mon mari était un homme heureux (plan large de l’étage de l’immeuble d’affaire, complètement déserté, dans lequel l’infortuné se meurt) qui jouissait pleinement de la vie.
Balance vers une salle de conférence.
La veuve éplorée lit le communiqué qu’elle tient à la main.
Derrière elle, une grande photo de son mari, le fringant homme d’affaire.
VEUVE : Il aimait sa famille (les flash des photographes crépitent) et son travail. Et qu’il ait pu se suicider comme ça, est un mystère et un choc pour tous ceux qui l’ont connu.
La caméra tourne sur la gauche et fait apparaître dans le viseur d’une caméra, la jeune secrétaire, maîtresse de l’homme d’affaire. Elle se tient dans un coin de la pièce et pleure.
UN TROTTOIR D’UN QUARTIER PAVILLONNAIRE, LA NUIT
Deux adolescents abrités sous un frêle parapluie, alors que l’averse fait rage. Un des deux s’approche de la route en tentant de se protéger avec son blouson relevé. Il hèle un taxi.
JEUNE HOMME AU BLOUSON : Eh, eh, taxi !
Incrustation : 26 novembre
Il siffle. Le taxi ne s’arrête pas. Il râle et regagne le trottoir où se tient son camarade, sous son parapluie.
JEUNE HOMME AU BLOUSON : Tu m’attends, je reviens tout de suite.
JEUNE HOMME AU PARAPLUIE : Quoi ?
JEUNE HOMME AU BLOUSON : Je rentre chez moi chercher un parapluie.
« PARAPLUIE » : On peut se partager le mien.
« BLOUSON » (en se mettant à courir): Deux minutes, OK ?
Plan suivant : le jeune homme au blouson marche sous la pluie.
Le jeune homme au parapluie regarde sa montre et s’impatiente. Il fait mine de le rejoindre.
Gros plan sur le visage du jeune homme au blouson. Il tient une petite fiole remplie de gélule (identique à celle de l’homme d’affaire). Il pleure à chaudes larmes et dévissent le bouchon de la fiole.
Plan suivant : gros titre d’un journal, avec la photo du jeune homme.
« 18 ans, se suicide… »
SALLE DES FÊTES
Incrustation : 27 janvier
A l’entrée d’une salle où une fête se déroule, on aperçoit la photo d’une femme, blonde : « Beth Davenport, junior minister of transport ».
Une femme, à l’air excédé, sort de la salle des fêtes et rejoint un homme au comptoir d’un bar.
L’HOMME : Toujours en train de danser ?
LA FEMME : Oui, si on peut appeler ça : danser.
L’HOMME : T’as pu avoir ses clefs de voiture ?
LA FEMME : Je les ai prises dans son sac (en faisant tinter dans ses mains lesdites clefs)
L’homme détourne son regard et tente d’apercevoir la personne dont ils parlent :
L’HOMME : Mais où elle est ?
Balance en extérieur : Beth Davenport est à-côté d’une voiture et fouille désespérément dans son sac… Elle soupire, se retourne et fixe quelque chose…
Plan suivant : une sorte de cour, au milieu de cabanes de chantier en tôle ondulée. La scène est faiblement éclairée par un lampadaire.
Gros plan sur le visage de Beth Davenport. En pleurs. Son maquillage dégoulinant sur ses joues. Au premier plan, apparaît la fiole et ses gélules.
Incrustation : Une étude en rose
SALLE DE CONFERENCE
VOIX OFF FEMININE :Le corps de Beth Davenport, sous-secrétaire d’Etat aux transports (à l’image : les doigts de Beth s’approchent de la fiole) a été découvert à Londres (à l’image : un flash de photographe éclaire le visage d’un homme soucieux, assis face à plusieurs micros) tard hier soir sur un chantier.
La caméra se déplace lentement sur la droite, au milieu d’une assemblée de journalistes, et fait apparaître la collaboratrice de l’homme soucieux.
C’est elle qui lit le communiqué de presse :
DONOVAN : Selon l’enquête préliminaire, il s’agirait d’un suicide et nous sommes en mesure de confirmer que cet apparent suicide ressemble fortement à ceux de Sir Jeffrey Patterson et James Phillimore. Ces incidents seront donc traités comme étant liés. L’enquête est en cours mais le lieutenant Lestrade va répondre à vos questions. »
La clameur des journalistes se fait entendre. L’un d’entre eux parvient à couvrir les voix de ses confrères :
JOURNALISTE 1 : Lieutenant, comment des suicides peuvent-ils être liés ?
LESTRADE (visiblement mal à l’aise) :Et bien, tous ont pris le même poison, tous ont été retrouvés dans des lieux où ils n’avaient rien à faire et rien a priori ne…
LE JOURNALISTE lui coupe la parole : Mais c’est impossible des suicides en série.
LESTRADE :Apparemment pas.
Un second journaliste s’exprime alors :
JOURNALISTE 2 : Ces trois personnes ont-elles un lien entre elles ou pas ?
LESTRADE : On n’a trouvé encore aucun lien mais on en cherche un. Il y en a forcément un.
Tous les portables de l’assistance se mettent alors à sonner. Les journalistes les consultent, de même que Lestrade.
Plan large sur les journalistes : tous ont leur téléphone à la main et une multitude de « Faux ! » apparaissent en incrustation à l’écran et semblent « s’envoler des téléphones ».
La collaboratrice de Lestrade a reçu le même message et s’empresse de calmer la situation :
DONOVAN (nerveusement) Si vous avez reçu un texto, vous n’en tenez pas compte.
JOURNALISTE 1 : Le texto dit « faux ».
DONOVAN (encore plus nerveuse) : Oui et bien, vous n’en tenez pas compte.
Lestrade se décompose lentement et tente de dissimuler son agacement.
DONOVAN : Si vous n’avez plus de question à poser au lieutenant Lestrade, je propose que nous en restions là.
A nouveau la clameur des journalistes qui, visiblement, ne veulent pas en rester là.
JOURNALISTE 2 : Si ce sont des suicides, sur quoi porte votre enquête ?
LESTRADE : Je vous l’ai dit : ces suicides sont liés (il insiste sur chaque mot) les-uns-aux-autres. Il s’agit d’une situation inhabituelle : on a bien sûr mis nos meilleurs enquêteurs sur le coup.
Il a à peine le temps de finir sa phrase, qu’à nouveau les téléphones retentissent et qu’apparaît le même plan des journalistes recevant le message « Faux ! » s’envolant dans les airs.
Lestrade consulte lui aussi son téléphone et on peut y lire le mot « Wrong ».
DONOVAN : Une dernière question.
JOURNALISTE 3: Est-ce qu’il pourrait s’agir de meurtres ? Et si c’est le cas, sont-ils l’œuvre d’un tueur en série ?
LESTRADE : Je sais que vous adorez écrire sur le sujet mais ici on vous parle bien de suicides, on ne confond pas les deux. Il est clair qu’ils se sont auto-administrés le poison…
JOURNALISTE 3 : … oui mais si ce sont des meurtres, comment fait-on pour rester en vie ?
LESTRADE: Et bien on évite de se suicider.
La journaliste n’apprécie guère la répartie du lieutenant. La collaboratrice de Lestrade lui fait discrètement remarquer à qui il vient de s’en prendre :
DONOVAN : Le Daily Mail
LESTRADE : Il est vrai que la situation n’est pas très rassurante mais tout ce que les gens doivent faire, c’est de prendre un minimum de précautions. Nous avons la situation bien en main.
Une fois de plus, les sonneries retentissent et le mot « Faux ! » s’échappe à nouveau des téléphones des journalistes.
Le téléphone de Lestrade sonne alors et apparaît en incrustation :
Vous savez où me trouver
SH
Il range son téléphone dans sa poche : il a compris à qui il doit le fiasco de sa conférence de presse, et il est très contrarié. Lui et Donovan se lèvent et quittent la salle.
SCOTLAND YARD
Les deux policiers marchent d’un pas rapide, elle est sur ses talons et lui lance :
DONOVAN : Vous devez l’empêcher de faire ce qu’il fait : à cause de lui, on passe pour des imbéciles
LESTRADE: Si vous pouvez me dire comment il s’y prend, je l’en empêcherai.
UN PARC DE LONDRES
John passe devant un homme assis sur un banc :
MIKE : John ?! John Watson ?!
John se retourne.
MIKE: Stamford. Mike Stamford. On était en fac de médecine.
JOHN (un peu embarrassé) : Oui, bonjour Mike. Désolé.
Ils se serrent la main.
MIKE : Oui, je sais, j’ai grossi.
JOHN : Non, non
MIKE : J’ai su que tu te faisais tirer dessus à l’étranger. Que s’est-il passé ?
JOHN (avec amertume et un sourire forcé) : On m’a tiré dessus.
Mike Stamford se rend compte de la bêtise de sa question et ne répond rien.
Plan suivant : ils sont assis sur un des bancs du parc, boivent un café dans des gobelets à l’effigie du Criterion.
JOHN : Toujours à la fac de médecine ?
MIKE : Oui, j’y enseigne. A de brillants jeunes gens, semblables à ce qu’on était autrefois. Je les supporte pas.
John ricane.
MIKE : Et toi, alors ? Tu restes à Londres le temps de te retourner ?
JOHN : J’ai pas les moyens de vivre avec ma pension.
MIKE : Et tu ne supporterais pas de vivre ailleurs. Je te reconnais plus.
JOHN : Je suis peut-être plus le même.
Sa main est alors prise de tremblements, qu’il a du mal à calmer et qu’il tente de dissimuler.
MIKE : Harry peut pas te dépanner ?
JOHN : Alors là, autant rêver…
MIKE : Ben, je sais pas, trouve-toi une colocation.
JOHN : Je t’en prie : qui voudrait vivre avec moi ?
Mike se met à rigoler.
JOHN : Quoi ?
MIKE : Tu es le deuxième aujourd’hui à me dire ça.
JOHN : Qui était le premier ?
MORGUE DE BART’S
En caméra suggestive.
La fermeture éclair d’un sac mortuaire s’ouvre et apparaît alors le visage d’un homme, à l’envers.
Il demande :
SHERLOCK : Il date de quand ?
La voix d’une jeune femme lui répond :
MOLLY : Il vient d’arriver. 67 ans. Mort de cause naturelle. Il a travaillé ici. Je l’ai connu. Il était gentil. (Avec un sourire attendri)
Il referme le sac et se retourne vers la légiste :
SHERLOCK : Bien, on va commencer par la cravache.
Plan suivant : il s’est débarrassé de son manteau et frappe très violemment avec une cravache. En arrière-plan, la légiste assiste à la scène, derrière une vitre. Médusée.
Il s’acharne et frappe de plus en plus fort. Après une dernière salve de coups, il s’arrête et reprend sa respiration. La légiste s’approche :
MOLLY : Alors on a eu une journée difficile ?
SHERLOCK (prenant des notes, sans même la regarder) : Il faut que je sache quels bleus se forment dans les 20 minutes pour vérifier un alibi. Envoyez-moi un texto.
MOLLY : Dites, je me demandais si, peut-être un peu plus tard, quand vous aurez fini…
Il lève alors les yeux vers elle et semble remarquer quelque chose :
SHERLOCK : Vous portez du rouge à lèvre ? Vous n’en portiez pas avant…
MOLLY (surprise) : Je… euh… j’en ai remis un peu.
Il semble en déduire quelque chose, et reprend ses notes.
SHERLOCK : Pardon, vous disiez ?
MOLLY : Je me demandais si vous voudriez prendre un café.
SHERLOCK (en refermant son carnet) : Noir, avec deux sucres, je vous prie. Je serai au premier.
Et il file.
MOLLY : D’accord…
LABORATOIRE DE BART’S
Il a abandonné la cravache au profit d’une pipette et de plusieurs contenants en verre.
On frappe à la porte. John et Mike rentrent dans le laboratoire. Sherlock continue son travail de précision, en leur jetant rapidement un coup d’œil.
JOHN (en observant les locaux): Ah, c’est plus tout à fait ce que c’était.
MIKE rigole : T’as pas idée à quel point !
SHERLOCK (ne prêtant aucune attention à leur échange) : Mike, tu me prêtes ton portable, j’ai pas de réseau sur le mien.
MIKE : Il ne marche pas le fixe ou quoi ?
SHERLOCK : Je préfère les textos.
MIKE : Désolé, il est dans mon par-dessus.
JOHN : Tenez, prenez donc le mien.
SHERLOCK (un peu surpris) : Oh… merci.
Il se lève et s’approche de John.
MIKE : Je te présente un vieil ami : John Watson.
Il saisit le portable que John lui tend et commence à pianoter dessus. John, appuyé sur sa canne, détourne son regard.
SHERLOCK (en écrivant son texto) : Afghanistan ou Irak ?
John se fige. Mike fait un sourire entendu.
JOHN : Pardon ?
SHERLOCK : C’était où ? En Afghanistan ou en Irak ?
John reste muet, regarde Mike, toujours aussi souriant…
JOHN : En Afghanistan. Mais comment savez-vous que…
A ce moment la porte s’ouvre et rentre Molly. Il rend son portable à John et s’exclame :
SHERLOCK : Ah ! Molly ! Mon café ! (à John) Merci. (à Molly) Où est passé le rouge à lèvres ?
MOLLY (mal à l’aise) : ça ne m’allait pas.
SHERLOCK : Ah bon ? Je vous trouvais bien mieux avec. Votre bouche est trop… petite maintenant (avec un mouvement de la main gauche et un air dédaigneux)
MOLLY : D’accord…
Il dépose sa tasse et demande :
SHERLOCK: Est-ce que vous aimez le violon ?
Molly quitte le laboratoire, sans prêter attention à la question. Elle a compris qu’elle ne lui était pas adressée. John se retourne vers elle, pensant qu’elle va répondre. Mike attend sa réponse avec un petit sourire.
JOHN : Je vous demande pardon ?
SHERLOCK (continuant son travail de laboratoire) : Je joue du violon quand je réfléchis et je ne parle pas pendant des jours, parfois. Ça vous embête ? Deux futurs coloc’ doivent savoir le pire l’un de l’autre.
Il sourit.
JOHN (décontenancé et s’adressant à Mike) : Tu lui… tu lui as parlé de moi ?
MIKE : Pas du tout.
JOHN : Alors qui a parlé de colocataires ?
SHERLOCK (récupérant et enfilant son manteau) : Moi. Ce matin j’ai dit à Mike que pour me trouver un colocataire, ce ne serait pas évident. Et le voilà qui se pointe, juste après l’heure du déjeuner, avec un pote qui vient de rentrer d’Afghanistan où il était médecin militaire. Le reste est facile à deviner.
JOHN : Comment avez-vous su pour l’Afghanistan ?
SHERLOCK : J’ai repéré un beau petit appart’ dans le centre de Londres : à nous deux on devrait pouvoir se l’offrir. On se retrouve demain soir à 19h. Désolé, il faut que j’y aille. Je crois bien que j’ai oublié ma cravache à la morgue.
Et il s’éloigne vers la porte.
JOHN : Et c’est tout ?
SHERLOCK : C’est tout quoi ?
JOHN : On vient de se rencontrer et on va visiter un appart’.
SHERLOCK (rapide coup d’œil vers Mike, puis à John) : Y’a un souci ?
JOHN : Nous ne savons rien l’un de l’autre. Je ne sais pas où vous retrouver, ni votre nom.
SHERLOCK : Je sais que vous êtes un médecin militaire, blessé en Afghanistan, que vous avez un frère qui s’inquiète pour vous (le débit de sa voix s’accélère) mais vous refusez de lui demander de l’aide, parce que vous le désapprouvez (de plus en plus vite) peut-être à cause de son alcoolisme, mais, plus vraisemblablement, parce qu’il a abandonné sa femme (il accélère encore, sans temps mort ni reprise de la respiration). Je sais aussi que votre psy croit que votre problème de claudication est psychosomatique et elle n’a pas tort. Ça devrait suffir pour l’instant, vous ne croyez pas ?
Il file, ouvre la porte. John est littéralement cloué sur place.
Juste avant de s’en aller et tenant encore la poignée de la porte :
SHERLOCK : Je m’appelle Sherlock Holmes et l’adresse est 221B Baker Street (clin d’œil, à Mike) Bonne journée !
Ce dernier lui fait un signe de la main, avant qu’il ne s’enfuit pour de bon.
John se retourne vers Mike, interrogatif.
MIKE : Oui, il est toujours comme ça.
Plan suivant : vue d’ensemble de Londres. La Tamise, le parlement, Big Ben et London’s Eye.
APPARTEMENT DE JOHN
Il s’assoit sur son lit et sort son portable de sa poche.
Incrustation : Messages – Reçus
Messages – Envoyés
Si frère possède échelle verte
arrêtez frère
SH
Il tape « Sherlock Holmes » sur un moteur de recherche.
Plan suivant : la fiole aux gélules est posée sur le sol. Une femme aux chaussures, à l’imperméable et aux ongles roses, s’accroupit pour la saisir, la main tremblante.
221B BAKER STREET
John arrive à pied au lieu de rendez-vous. Un taxi s’arrête à sa hauteur, Sherlock en descend, pendant que John frappe à la porte du 221B.
SHERLOCK (en payant le taxi) : Bonjour !
JOHN : Ah ! Mr Holmes.
Ils se serrent la main.
SHERLOCK : Appelez-moi Sherlock
JOHN : C’est un beau quartier : ça ne doit pas être donné.
SHERLOCK : Ah, Mme Hudson, la logeuse, accepte de me faire un prix. Elle me doit bien ça ! Il y a quelques années, son mari a été condamné à mort en Floride et… je lui ai donné un petit coup de main.
JOHN : Vous voulez dire que vous avez empêché qu’il soit mis à mort ?
SHERLOCK : Non, j’ai veillé à ce qu’il le soit.
La porte s’ouvre et apparaît une dame :
Mme HUDSON : Sherlock !
Ils s’embrassent chaleureusement.
SHERLOCK: Mme Hudson, Dr John Watson.
JOHN: Bonjour
Mme HUDSON: Entrez, je vous en prie.
John entre, suivi de Sherlock.
SHERLOCK : C’est bon ?
Mme HUDSON : Oui !
Dans l’appartement au premier étage :
JOHN : ça pourrait être pas mal du tout… et même très bien.
SHERLOCK : Oui. C’est aussi mon avis… C’est tout à fait ce que je pense.
Ils se mettent à parler en même temps :
SHERLOCK : J’ai tout de suite emménagé…
JOHN : Oui, une fois qu’on aura rangé ces saletés…
Gêne des deux cotés.
JOHN : Oh…
Sherlock, mal à l’aise, se retourne et fait mine de « ranger les saletés » en question…
JOHN : C’est toutes vos affaires ?
SHERLOCK : Naturellement je peux (il toussote) ranger un peu… les choses.
Tout en parlant, il dépose du courrier qui traînait, sur le rebord de la cheminée et, en guise de presse-papier, y plante un couteau à cran d’arrêt.
JOHN (en désignant quelque chose avec sa canne) : C’est un crâne ?
SHERLOCK : Un ami. Enfin quand je dis un « ami »…
Mme HUDSON : Alors qu’en dites-vous Dr Watson ? Il y a une autre chambre au premier, si vous avez besoin de deux chambres, naturellement.
JOHN : Bien sûr qu’on en a besoin de deux.
Mme HUDSON : Oh, vous savez, il y a toutes sortes de gens dans le coin : Mme Turner, à côté, en a même qui sont mariés…
John se tourne vers Sherlock, qui range ses livres.
Mme HUDSON (rentrant dans la cuisine, et sur un ton réprobateur) : Sherlock ! Regardez-moi le désordre que vous avez laissé !
John s’assoit dans un fauteuil. Sherlock ouvre et allume son ordinateur portable.
JOHN : J’ai cherché votre nom sur internet hier.
SHERLOCK : Et qu’avez-vous trouvé ?
JOHN : Votre site web. « La Science de la Déduction ».
SHERLOCK : Qu’est-ce que vous en pensez ?
JOHN : Vous dites pouvoir identifier un concepteur de logiciel par sa cravate et un pilote par son pouce gauche.
SHERLOCK : Oui, et je lis sur votre visage et votre jambe votre carrière militaire, et sur votre portable l’alcoolisme de votre frère.
JOHN : Comment ?
Sherlock ne lui répond pas et se retourne vers son ordinateur.
Mme HUDSON (le journal à la main) : Et cette série de suicide, Sherlock ? Je me suis dit que c’était tout à fait dans vos cordes. (Sherlock se dirige alors vers la fenêtre) Trois suicides absolument identiques…
SHERLOCK (en regardant par la fenêtre) : Quatre. (à l’image : une voiture de police stationnée devant le 221B) Il vient d’y en avoir un quatrième. Il y a quelque chose de différent cette fois.
Mme HUDSON : Un quatrième ?
Sherlock se retourne vers la porte. On voit Lestrade monter les escaliers.
SHERLOCK (à Lestrade) : Où ?
LESTRADE (haletant) : A Brixton. Lauriston Gardens.
SHERLOCK : En quoi est-il différent ? Vous ne seriez pas venu me trouver autrement.
LESTRADE : Vous savez que les victimes ne laissaient pas de mots ?
SHERLOCK : Oui.
LESTRADE : Celle-là si.
Cette information fait réagir Sherlock.
LESTRADE : Vous viendrez ?
SHERLOCK : Qui est le médecin-légiste ?
LESTRADE : C’est Anderson.
SHERLOCK : Il refuse de travailler avec moi.
LESTRADE : Il ne sera pas votre assistant.
SHERLOCK : Il-me-faut un assistant.
LESTRADE : Vous viendrez ou pas ?
SHERLOCK : Pas dans votre voiture, je vous suivrez.
LESTRADE : Merci. (En se retournant vers Mme Hudson et John) Madame, monsieur.
Il quitte la pièce. On entend ses pas qui descendent les escaliers. Sherlock ne dit rien, les mains dans les poches. Et au moment où on entend la porte du 221B se refermer, il fait un bon en hurlant :
SHERLOCK : Génial ! Ouais ! Ah ! Quatre suicides en série et là, on a un mot (il virevolte dans le salon) Ooooh ! C’est Noël ! Mme Hudson ? (il enfile son manteau en se dirigeant vers la porte). Je rentrerai tard : il me faudra une collation.
Mme HUDSON : Je suis votre logeuse, mon garçon, pas votre gouvernante.
SHERLOCK : Quelque chose de froid fera l’affaire. John, prenez donc un thé, faites comme chez vous. Ne m’attendez pas.
Et il s’éclipse.
Mme HUDSON (à John) : Regardez-le qui file comme un fou. Mon mari était comme ça aussi. Mais vous, vous êtes plutôt du genre à rester assis (John est médusé par la réflexion), je l’ai tout de suite vu. Je vais vous faire un thé, reposez vote jambe.
JOHN : Au diable ma jambe !!!
Mme Hudson sursaute.
JOHN : Pardon. Je suis vraiment navré, c’est juste que par moment (il donne un coup sur sa jambe avec sa canne) cette maudite chose…
Mme HUDSON : Oui, je sais ce que c’est : j’ai un problème de hanche.
JOHN (en saisissant le journal) : Je prendrai bien un thé, merci.
Mme HUDSON : C’est d’accord pour cette fois, mais je ne suis pas votre gouvernante.
JOHN (en lisant le journal) : Avec des biscuits aussi, si vous en avez.
Mme HUDSON (de la cuisine) : Je ne suis pas votre gouvernante !
En première page du journal, un article sur les « suicides en série », avec les photos de Beth Davenport et du lieutenant Lestrade. John commence à lire l’article, quand retentit la voix de Sherlock, derrière lui.
SHERLOCK : Vous êtes médecin.
John sursaute et se retourne.
SHERLOCK : Et même médecin militaire.
JOHN (en se relevant) : Oui.
SHERLOCK : Et vous êtes bon ?
JOHN : Très bon.
SHERLOCK (en se rapprochant) : Vous avez vu beaucoup de blessés, de morts violentes ?
JOHN : Oui. Oui.
SHERLOCK : Et traversé pas mal d’épreuves, sans doute ?
JOHN : Bien entendu, oui. Assez pour remplir une vie, et même plus.
SHERLOCK : Vous voulez remettre ça ?
JOHN : Oh que oui !
Et ils quittent la pièce sans attendre.
Ils descendent les escaliers.
JOHN : Désolé, Mme Hudson, je me passerai du thé. Je sors !
Dans le vestibule
Mme HUDSON : Quoi ? Vous aussi ?
Sherlock s’arrête et se retourne :
SHERLOCK : D’improbables suicides, au nombre de quatre (il se dirige vers Mme Hudson) A quoi bon rester à la maison alors qu’on a enfin (il la saisit par les épaules) de quoi s’éclater ! (il lui fait un bisou sur la joue).
Mme HUDSON : Mais regardez-vous ! Tout joyeux : c’est indécent, Sherlock !
Elle lui donne une petite tape dans le dos, il s’éloigne vers la porte.
SHERLOCK : On s’en fiche de la décence. Cette fois c’est parti pour un tour Mme Hudson !
A l’extérieur :
SHERLOCK : Taxi !
Un taxi s’approche et s’arrête à la hauteur de Sherlock. Il ouvre la portière et monte, suivi de John.
Le taxi s’éloigne.
INTERIEUR D’UN TAXI LONDONIEN
Sherlock s’affaire sur son téléphone portable. John, à sa droite, reste muet.
Petit regard en coin de Sherlock.
SHERLOCK : D’accord, vous avez des questions.
JOHN : Oui. On va où ?
SHERLOCK : Sur les lieux du crime. Autre chose ?
JOHN : Qui êtes vous et que faites-vous ?
SHERLOCK : A votre avis ?
JOHN : Je dirais que vous êtes détective privé.
SHERLOCK : Mais ?...
JOHN : Mais la police n’emploie pas de détective privé.
Sherlock sourit.
SHERLOCK : Je suis un détective consultant. Et le seul au monde : j’ai inventé la fonction.
JOHN : Quelle fonction ?
SHERLOCK : Et bien, quand la police est larguée, ce qui est à peu près toujours le cas, elle m’appelle.
JOHN : La police ne consulte pas d’amateur.
SHERLOCK : Quand je vous ai vu pour la première fois hier, j’ai dit : « Afghanistan ou Irak ». Et je vous ai surpris.
JOHN : Oui. Comment le saviez-vous ?
SHERLOCK : Je ne savais pas, j’ai vu. (Le monologue qui suit est débité à grande vitesse) Votre coupe de cheveux et votre maintien dénotent un militaire, et votre conversation en entrant dans la pièce (JOHN dans le laboratoire : C’est plus tout à fait ce que c’était) disait « formé à Bart’s » et donc bien sûr : médecin militaire. Votre visage est bronzé mais pas votre peau au-dessus du poignet : vous étiez donc à l’étranger mais vous n’avez pas pris de bain de soleil. Vous boitez beaucoup en marchant mais quand vous êtes debout, vous ne demandez pas de chaise, comme si vous aviez oublié votre jambe. Donc c’est en partie psychosomatique, et les circonstances dans lesquelles vous avez été blessé vous ont traumatisé : blessé au front donc. Blessé au front et bronzé : Afghanistan ou Irak.
JOHN : Vous avez dit que j’avais un psy.
SHERLOCK : Bien sûr que vous avez un psy, avec une claudication psychosomatique. Et puis il y a votre frère. Votre portable : il est cher, il a la fonction e-mail et un lecteur MP3. Vous cherchez une coloc’, vous n’auriez pas gaspillé d’argent là-dessus : on vous l’a donc offert. Des rayures en quantités, faites au fil du temps : il a été dans une poche avec des clefs et des pièces. L’homme assis à-côté de moi n’aurait pas traité ainsi un objet de luxe, donc il a appartenu à quelqu’un d’autre. Après c’est facile : vous savez déjà tout.
JOHN : Oui, l’inscription.
SHERLOCK : Harry Watson : sans doute un parent qui vous a donné son vieux portable. Pas votre père : c’est un objet de jeune. Ça pourrait être un cousin mais vous êtes un héros de guerre qui ne trouve pas de logement : vous ne devez donc pas avoir une grande famille dont vous seriez proche. C’est votre frère donc. Et maintenant : Clara. Qui est Clara ? Quelqu’un qui l’aimait étant donné les trois bises, et, vu son prix, je dirais sa femme, pas sa copine. Elle lui a offert y’a pas longtemps : ce modèle a 6 mois. Donc : un couple à la dérive et, il y a 6 mois, il s’en est débarrassé. Si elle l’avait quitté, il l’aurait gardé : c’est ce qu’on fait par attachement. Non : il n’en voulait plus, c’est lui qui l’a quittée. Il vous l’a offert, alors il veut que vous restiez en contact. Vous cherchez un logement pas cher mais vous ne lui demandez pas son aide : vous aviez donc des problèmes avec lui. Peut-être aimiez-vous trop sa femme, ou peut-être pas trop son alcoolisme.
JOHN : Comment… Comment avez-vous pu deviner pour l’alcoolisme ?
SHERLOCK (en souriant) : Simple supposition mais réfléchie. Les éraflures autour de la prise de rechargement : tous les soirs, il le met à recharger mais il a les mains qui tremblent. On ne voit jamais ces marques sur le portable d’un homme sobre, contrairement aux ivrognes. Voilà. Vous aviez raison.
JOHN : J’avais raison ? A propos de quoi ?
SHERLOCK : La police ne consulte pas d’amateur.
JOHN : C’est… stupéfiant.
SHERLOCK (un peu surpris) : Vous trouvez ?
JOHN : Oui, bien sûr, c’est extraordinaire même. Tout à fait extraordinaire.
SHERLOCK : C’est pas ce qu’on me dit en général.
JOHN : Et qu’est-ce qu’on vous dit en général ?
SHERLOCK : Va te faire foutre.
Ils sourient tous les deux pendant que le taxi poursuit sa route dans les rues de Londres.
BRIXTON. LAURISTON GARDENS
Sherlock et John descendent du taxi. Ils parlent en marchant :
SHERLOCK : Est-ce que j’ai fait des erreurs ?
JOHN : Harry et moi, on ne s’entend pas, on n’a jamais pu s’entendre. Clara et Harry se sont séparés il ya trois mois et un divorce est en vue. Harry est alcoolique.
SHERLOCK : En plein dans le mille. Je ne croyais pas avoir raison sur toute la ligne.
JOHN : Harry est le diminutif d’Harriet.
SHERLOCK stoppe net: Harry est votre sœur.
JOHN: Dites-moi: je suis censé faire quoi ici ?
SHERLOCK (en grognant) : Votre sœur !
JOHN : Non mais, sans blague, qu’est-ce que je fais ici ?
SHERLOCK (avec dépit) : Y’a toujours quelque chose.
Il continue de s’approcher de la scène de crime.
DONOVAN (derrière un cordon de sécurité) : Salut le taré !
SHERLOCK : Je viens voir le lieutenant Lestrade.
DONOVAN : Pourquoi ?
SHERLOCK : Il m’a invité à venir.
DONOVAN : Pourquoi ?
SHERLOCK : Il souhaite que je vois quelque chose.
DONOVAN : Vous savez ce que je pense de tout ça.
SHERLOCK (en franchissant le cordon de sécurité) : Toujours Sally… Je sais même que vous n’êtes pas rentrée chez vous hier.
Donovan reste interdite, et au moment où John tente de rejoindre Sherlock :
DONOVAN : Qui êtes-vous ?
SHERLOCK : Un collègue. Le Dr Watson. Dr Watson : sergent Sally Donovan. Une vieille amie.
DONOVAN : Un collègue ? Vous avez un collègue, vous ? (à John) Il vous a suivi jusque chez vous ?
JOHN : Je ferai peut-être bien d’aller attendre…
SHERLOCK (en soulevant le cordon) : Non.
DONOVAN (dans son talkie-walkie): Le taré est arrivé. Je vous l’amène.
Ils se dirigent tous les trois vers une maison, dans laquelle s’affaire la police.
Sherlock inspecte les lieux et commence à chercher des indices.
Un homme vêtu d’une combinaison de protection bleue sort de la maison. Il s’approche de Sherlock et n’a pas l’air content.
SHERLOCK : Oooh ! Anderson ! Comme on se retrouve.
ANDERSON : C’est une scène de crime. Je ne veux pas qu’elle soit contaminée. Est-ce que c’est clair, Holmes ?
SHERLOCK : Tout à fait clair. Et votre femme, elle est absente pour longtemps ?
ANDERSON : Ne faites pas semblant de l’avoir deviné ! Quelqu’un a dû vous l’dire.
SHERLOCK : C’est votre déodorant qui me l‘a dit.
ANDERSON : Mon déodorant ?
SHERLOCK : Il est pour homme.
ANDERSON : Bien sûr qu’il est pour homme, puisque je l’utilise.
SHERLOCK : Le sergent Donovan aussi… Ooouhff, il a dû s’en vaporiser. Je peux entrer ?
ANDERSON : Je ne sais pas ce que vous essayez de sous-entendre…
SHERLOCK : Absolument rien. Je suis sûr que Sally est juste venue bavarder et qu’elle est restée la nuit. Et je suppose qu’elle a dû frotter le carrelage, vu l’état de ses genoux…
A l’intérieur de la maison :
SHERLOCK (à John, en désignant des combinaisons de protection) : Il faut que vous en mettiez une.
LESTRADE (en train d’en revêtir une) : Qui est-ce ?
SHERLOCK : Il est avec moi.
LESTRADE : Ouais, mais qui est-ce ?
SHERLOCK (sur un ton péremptoire) : J’ai dit : Il est avec moi.
JOHN (à Sherlock) : Et vous, vous n’en mettez pas ?
Sherlock le regarde alors fixement. Il baisse les yeux.
SHERLOCK (à Lestrade) : Où ça se passe ?
LESTRADE : Au deuxième.
Ils montent les escaliers.
LESTRADE : Je peux vous donner deux minutes.
SHERLOCK : Pas sûr que ça suffise.
LESTRADE : Elle s’appelle Jennifer Wilson, d’après ses cartes de crédit. On cherche de ce côté-là, pour en savoir davantage. Ça fait pas longtemps qu’elle est là. Des gamins l’ont découverte.
Les trois hommes pénètrent dans la pièce où se trouve le corps, vêtu et chaussé de rose.
Sherlock fixe immédiatement la victime.
SHERLOCK : La ferme.
LESTRADE : Mais j’ai rien…
SHERLOCK : … mais vous réfléchissez, c’est contrariant.
Il s’approche du corps.
A l’image : « Rache » gravé sur le sol en bois. Et la main de Jennifer Wilson à proximité de l’inscription : elle l’a gravée avec ses ongles.
Gros plan sur ses ongles, dont le vernis est abîmé. Apparaît alors une incrustation à côté du majeur : « Gauchère ».
Sherlock fixe plus intensément l’inscription.
Incrustation : Rache : Allemand (n.f) vengeance
Sherlock cligne des yeux : il réfute cette idée, l’incrustation « vole en éclat ».
Les lettres d’imprimerie R-a-c-h-e apparaissent sur le mot gravé au sol, et à la fin défilent toutes les lettres de l’alphabet jusqu’au l : Rachel.
Sherlock s’agenouille alors près de la victime, passe sa main sur son trench et inspecte ses gants.
Incrustation : Mouillé
Il fouille ses poches. Il trouve un petit parapluie blanc.
Incrustation : Sec
Il passe ses doigts sous le col du trench.
Incrustation : Mouillé
A l’aide de sa loupe, il observe la main gauche.
Bracelet. Incrustation : Propre
Boucle d’oreille. Incrustation : Propre
Collier. Incrustation : Propre
Alliance. Incrustation : Sale
Incrustation : malheureuse
mariée
+ 10 ans
Il retire son alliance et l’observe de plus près.
Incrustation à l’intérieur de l’alliance : Propre, à l’extérieur : Sale
Il replace l’alliance.
Incrustation : souvent retirée
A l’image, le visage de Jennifer Wilson :
Incrustation : croqueuse d’hommes en série
LESTRADE : Quelque chose ?
SHERLOCK : Très peu.
ANDERSON (à la porte) : Elle est allemande… « Rache » c’est vengeance en allemand. Elle essaye peut-être de nous dire quelque chose.
Sherlock lui ferme la porte au nez.
SHERLOCK (tout en observant son téléphone) : Merci de votre contribution.
LESTRADE : Alors elle est allemande.
SHERLOCK : Bien sûr que non.
Incrustation : Météo
Royaume-Uni
Cartes
Alertes locales sur 24h
Prévisions sur 7 jours
SHERLOCK : Mais elle n’est pas d’ici. Elle comptait rester à Londres une nuit avant de rentrer à Cardiff. Jusque-là rien que de très évident.
JOHN (estomaqué) : Pardon ? Evident ?
LESTRADE : Et qu’en est-il du message ?
SHERLOCK (à John, en ignorant la question de Lestrade) : Docteur, qu’en dites-vous ?
JOHN : Quoi ? Du message ?
SHERLOCK : Du cadavre. Vous qui êtes médecin…
LESTRADE : … on a toute une équipe à côté.
SHERLOCK : Ils ne veulent pas travailler avec moi.
LESTRADE : J’enfreins toutes les règles en vous laissant entrer ici…
SHERLOCK : … oui, car vous avez besoin de moi.
LESTRADE : Ce n’est pas faux. Hélas pour moi.
SHERLOCK : Dr Watson.
John donne un coup d’œil à l’inspecteur.
LESTRADE : Allez-y, faites ce qu’il vous dit.
Il sort de la pièce. John et Sherlock se rapprochent du corps et s’accroupissent près d’elle.
LESTRADE (de l’extérieur) : Anderson, personne ne doit rentrer dans cette pièce pendant les deux prochaines minutes.
SHERLOCK : Et bien ?
JOHN : Qu’est-ce que je fais ici ?
SHERLOCK : Vous m’assistez dans mon travail.
JOHN : Je devais vous aider à payer le loyer.
SHERLOCK : Oui mais ça c’est plus fun.
JOHN : Fun ? C’est un cadavre qui est là.
SHERLOCK : Remarque très pertinente, mais j’espérais plus de détails de votre part.
Lestrade rentre à nouveau dans la pièce. John examine à son tour le cadavre.
JOHN : Oui. Probablement asphyxiée. Elle s’est évanouie, étouffée dans son propre vomi. Je ne sens pas d’alcool, peut-être que… qu’elle a fait une attaque. Après une overdose.
SHERLOCK : Vous savez ce que c’est. Vous avez lu la presse.
JOHN : Oui. C’est une des suicidés. La quatrième.
LESTRADE : Sherlock, j’ai dit deux minutes. Il me faut tout ce que vous avez.
SHERLOCK : Âge de la victime : 35-40 ans. Profession : vu ses vêtements, je dirais qu’elle bosse dans les médias, et vu le rose aussi. Elle est arrivée de Cardiff aujourd’hui et comptait rester à Londres cette nuit. C’est évident vu la taille de sa valise…
LESTRADE : … sa valise ?....
SHERLOCK (en accélérant le flot de ses paroles) : … sa valise, oui. Elle a été mariée pendant 10 ans mais n’était pas heureuse. Elle a eu une ribambelle d’amants, mais aucun ne savaient qu’elle était mariée.
LESTRADE : Sherlock, vous venez de tout inventer, c’est pas vrai !
SHERLOCK : Son alliance a au moins 10 ans. Ses autres bijoux ont été régulièrement nettoyés mais pas son alliance : ça en dit long sur l’état de son couple. L’intérieur de l’alliance brille plus que l’extérieur : ce qui veut dire qu’elle l’enlevait souvent et qu’en plus, elle n’était astiquée que par le frottement. Pas pour le travail : vu ses ongles, elle ne faisait pas un travail manuel. Alors pourquoi ou pour qui retirait-elle alliance et bague de fiançailles ? Pas pour un seul amant : elle n’aurait jamais joué les célibataires sur un tel laps de temps. Ce qui veut dire : des tas d’amants. Elémentaire.
JOHN : C’est brillant (regard de Sherlock) Pardon.
LESTRADE : Cardiff ?
SHERLOCK : C’est évident, non ?
JOHN : ça ne l’est pas pour moi.
SHERLOCK : Dites donc, quelle drôle de petite cervelle vous avez : vous devez beaucoup vous ennuyer. Son trench est un peu humide : elle s’est donc trouvée sous une pluie battante il y a quelques heures, mais à ce moment-là il ne pleuvait pas à Londres. Le dessous de son col est humide : elle l’a relevé pour se protéger du vent. Elle a un parapluie dans sa poche gauche mais il n’a pas servi : il est sec. Donc le vent était trop fort pour se servir d’un parapluie. On sait par sa valise qu’elle comptait rester la nuit : donc elle venait quand même d’assez loin, mais elle n’a pas dû voyager plus de deux ou trois heures parce que son trench n’est pas sec. Où y’a-t-il de fortes pluies et un vent violent à deux ou trois heures de la capitale ? Cardiff (en montrant l’écran de son téléphone à Lestrade et John)
JOHN : Fantastique !
SHERLOCK : Vous savez que vous faites du bruit.
JOHN : Désolé, je me tais.
SHERLOCK : Non, non. Ça va. Ça va.
LESTRADE : Pourquoi vous parlez de valise ?
SHERLOCK (en cherchant quelque chose au sol) : Oui, où est-elle ? Elle devait avoir un portable ou un organizer. Trouvez qui est Rachel.
LESTRADE : Elle a écrit Rachel ?
SHERLOCK : Non : elle voulait signifier sa colère en allemand ! Mais bien sûr qu’elle a écrit Rachel ! Qu’est-ce que ça peut être d’autre ? La question est de savoir pourquoi elle a attendu d’être mourante pour l’écrire.
LESTRADE : Comment savez-vous qu’elle avait une valise ?
SHERLOCK : Je le vois aux légères éclaboussures qui maculent le talon et le mollet de sa jambe droite, mais pas sa gauche : elle tirait donc une valise à roulette avec sa main droite. Ce genre d’éclaboussures ne s’obtient qu’ainsi. D’après leur étendue, sa valise est petite. Ajoutez à cela, une femme qui soigne son look, ça ne pouvait être qu’un bagage pour une nuit. Mais où est sa valise ?
Il s’accroupit de nouveau pour observer le corps.
SHERLOCK : Qu’en avez-vous fait ?
LESTRADE : Y’a pas de valise.
SHERLOCK (en se retournant) : Redites-nous ça.
LESTRADE : Y’a pas de valise. Y’a jamais eu de valise.
Sherlock se relève précipitamment et sort de la pièce où se trouve le cadavre.
SHERLOCK (aux policiers dans les escaliers) : Une valise ! Personne n’a trouvé une valise ?! Ou vu une valise dans la maison ? (Il descend les escaliers)
LESTRADE : Il n’y a pas de valise !
SHERLOCK : Ils prennent eux-mêmes le poison, ils croquent et avalent les pilules : plusieurs indices le prouvent ! Même vous ne pourriez pas passer à côté !
LESTRADE : Merci bien. Et alors ?
SHERLOCK : On l’a tuée. Les autres aussi. Je ne sais pas comment. Mais ce ne sont pas des suicides : ce sont des meurtres, des meurtres en série ! On s’est trouvé un tueur en série ! Je les adore : ils nous réservent toujours des surprises !
LESTRADE : Pourquoi vous dites ça ?
SHERLOCK : Sa valise. Enfin où est la valise ?! Elle ne l’a quand même pas mangée ! Quelqu’un a dû venir et prendre sa valise. (sur un ton plus calme : comme s’il réfléchissait à voix haute ou se parlait à lui-même) Le tueur l’a conduite ici, a oublié sa valise dans la voiture…
JOHN : Elle a pu descendre dans un hôtel et y laisser sa valise.
SHERLOCK : Non, elle n’a jamais atteint l’hôtel ! C’est clair ! Elle marie la couleur de son rouge à lèvres avec ses chaussures : jamais elle n’aurait quitté l’hôtel coiffée… (et là c’est comme si un éclair le frappait. Une révélation) Oooooh… Oooooh ! (il frappe dans ses mains)
JOHN : Sherlock ?
LESTRADE : Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
SHERLOCK : Les tueurs en série, c’est jamais évident, sauf qu’ils finissent toujours par faire une erreur.
LESTRADE : On peut pas attendre…
SHERLOCK : Il n’y a plus rien à attendre. Regardez-la bien : Houston y’a une erreur quelque part ! Contactez Cardiff ! Tâchez de savoir qui étaient la famille et les amis de Jennifer Wilson ! Trouvez Rachel !
LESTRADE : Oui, bien sûr… Mais c’est quoi l’erreur ?
Sherlock qui avait atteint le rez-de-chaussée et commençait à s’en aller, revient sur ses pas, remonte quelques marches et en s’appuyant sur la rampe, lance à Lestrade :
SHERLOCK : Le rose !!!
Et là, s’enfuit pour de bon…
La police se remet au travail, John quitte les lieux.
Dans la rue :
DONOVAN : Il est parti.
JOHN : Sherlock Holmes ?
DONOVAN : Oui, sans rien dire, comme toujours.
JOHN : Il va revenir ?
DONOVAN : Je ne crois pas.
JOHN : Ok… Excusez-moi, je suis où là ?
DONOVAN : A Brixton.
JOHN : Vous sauriez où je pourrai trouver un taxi ? C’est juste… à cause… de ma jambe.
DONOVAN : Essayez sur l’avenue.
JOHN : Merci.
DONOVAN : Vous n’êtes pas son ami, n’est-ce pas ? Il n’a pas d’ami. Et vous êtes qui, vous ?
JOHN : Moi ? Personne. Je viens juste de le rencontrer.
DONOVAN : Un p’tit conseil : évitez ce monsieur.
JOHN : Pourquoi ?
DONOVAN : Vous savez pourquoi il vient ? Alors qu’il n’est pas payé ou quoi que ce soit. Il adore ça. Il prend son pied. Plus le crime est glauque, plus il prend son pied. Et vous savez quoi ? Un jour ça lui suffira plus de venir. Un jour, on sera tous autour d’un cadavre et c’est lui qui l’aura mis là.
JOHN : Pourquoi il ferait ça ?
DONOVAN : Parce que c’est un psychopathe. Et les psychopathes finissent par s’ennuyer.
LESTRADE (au loin) : Donovan !
DONOVAN : J’arrive ! (à John) Tâchez d’éviter Sherlock Holmes.
John s’éloigne de la scène de crime.
Dans la rue, les taxis l’ignorent et les cabines téléphoniques sonnent sur son passage. Finalement, il décroche le combiné de l’une d’entre elles.
JOHN : Allo ?
VOIX MASCULINE : Il y a une caméra de sécurité sur le bâtiment qui est à votre gauche. La voyez-vous ?
JOHN : Qui est-ce ? Qui est à l’appareil ?
VOIX MASCULINE : Vous voyez la caméra, Dr Watson ?
JOHN : Je la vois, oui.
VOIX MASCULINE : Regardez (toutes les caméras du quartier convergent vers John) Il y a une autre caméra, sur le bâtiment qui est en face de vous. La voyez-vous ? Et enfin : au sommet du bâtiment qui est sur votre droite.
JOHN : Comment vous faites ça ?
VOIX MASCULINE : Montez dans la voiture, Dr Watson. Je pourrais brandir une quelconque menace mais je suis sûr que vous avez parfaitement compris la situation.
INTERIEUR D’UNE GROSSE BERLINE
JOHN (à la jeune femme, assise à côté de lui et qui n’a d’yeux que pour son portable) : Bonjour.
JEUNE FEMME : Salut.
JOHN : C’est quoi votre nom ?
JEUNE FEMME : Euh… Anthéa.
JOHN : C’est votre vrai nom ?
JEUNE FEMME : Non.
JOHN : Moi c’est John.
JEUNE FEMME : Oui, je sais.
JOHN : Je peux vous demander où vous m’emmenez ?
JEUNE FEMME : Je crains que non, John.
JOHN : D’accord.
ENTREPÔT DESAFFECTE
Un homme très élégant les attend. John s’approche de lui.
MYCROFT (on reconnaît la voix de la cabine téléphonique) : Asseyez-vous, John.
JOHN : Vous savez, j’ai un portable. C’est très fort ce que vous avez fait, mais vous auriez pu m’appeler sur mon portable.
MYCROFT : Quand on veut éviter d’attirer l’attention de Sherlock Holmes, on apprend à se montrer discret : d’où cet endroit. Mais votre jambe doit vous faire souffrir : asseyez-vous.
JOHN : Je n’en ai pas envie.
MYCROFT : Vous ne semblez pas très effrayé.
JOHN : Je ne vous trouve pas très effrayant.
MYCROFT (rire) : Oui, la bravoure légendaire du soldat. « Bravoure » est le mot qui est de loin le plus gentil pour dire « stupidité » : vous ne trouvez pas ? Quel est votre lien avec Sherlock Holmes ?
JOHN : Je n’en ai pas… Je le connais depuis, euh… hier.
MYCROFT : Mmm… Et vous avez déjà emménagé avec lui et enquêté sur des crimes ensemble. Va-t’on apprendre un prochain mariage d’ici à la fin de la semaine ?
JOHN : Qui êtes-vous ?
MYCROFT : Un parti intéressé.
JOHN : Intéressé par Sherlock ? Pourquoi ? De toute évidence, vous n’êtes pas amis.
MYCROFT : Vous l’avez vu. Combien d’amis croyez-vous qu’il peut avoir ?... Je suis pour Sherlock Holmes ce qui se rapproche le plus d’un ami.
JOHN : C’est-à-dire ?
MYCROFT : Un ennemi.
JOHN : Un ennemi ?
MYCROFT : Pour lui, très certainement. Si vous l’interrogez, il me qualifierait sans doute de « meilleur ennemi ». Il adore tout dramatiser.
JOHN : Et bien sûr vous êtes au-dessus de tout ça.
Le portable de John sonne. Un texto.
Incrustation : Baker Street,
venez immédiatement,
si possible.
SH
MYCROFT : J’espère que je ne vous importune pas.
JOHN : Vous ne m’importunez pas du tout.
MYCROFT : Allez-vous continuer à travailler avec Sherlock Holmes ?
JOHN : Je peux me tromper mais je crois que ça ne vous regarde pas.
MYCROFT : Pas pour le moment.
JOHN : Ni plus tard non plus.
MYCROFT : Si vous emménagez effectivement au… (il consulte un petit carnet) 221B Baker Street, je serais ravi de vous verser régulièrement une certaine somme d’argent pour vous faciliter les choses.
JOHN : Pourquoi ?
MYCROFT : Parce que vous ne roulez pas sur l’or.
JOHN : En échange de quoi ?
MYCROFT : D’informations. Rien d’indiscret, rien qui puisse vous mettre le moins du monde mal à l’aise. Dites-moi seulement ce qu’il manigance.
JOHN : Pourquoi ?
MYCROFT : Je m’inquiète pour lui… sans arrêt.
JOHN : C’est gentil à vous.
MYCROFT : Mais je préfèrerais, pour diverses raisons, que mon inquiétude ne lui soit pas connue. On a ce qu’on pourrait appeler une relation difficile.
De nouveau, un texto :
Incrustation : Si pas possible,
venir quand même
SH
JOHN : Non.
MYCROFT : Mais je ne vous ai pas annoncé de chiffre.
JOHN : Pas la peine.
MYCROFT (rire) : Vous êtes très loyal, vraiment très vite.
JOHN : Non, pas du tout. Je ne suis simplement pas intéressé.
MYCROFT : « se méfie toujours » c’est ce qui est dit ici (en montrant son petit carnet)
JOHN : Qu’est-ce que c’est ?
MYCROFT : Auriez-vous décidé de ne faire confiance qu’à Sherlock Holmes, et à lui seul ?
JOHN : Qui vous dit que c’est le cas ?
MYCROFT (en continuant à lire son petit carnet) : Vous n’êtes pas le genre à vous faire facilement des amis.
JOHN : Bon c’est fini ?!
MYCROFT : A vous de me le dire.
John s’éloigne.
MYCROFT : J’imagine qu’on a déjà dû vous conseiller de l’éviter, mais je vois à votre main gauche que vous n’en ferez rien.
John se retourne :
JOHN : Ma quoi ?
MYCROFT : Montrez-la moi.
John lui montre de loin sa main gauche. Mycroft se rapproche, va pour la saisir :
JOHN : Ne me touchez pas.
Petit sourire entendu de Mycroft, qui observe, malgré sa réticence, la main gauche de John.
MYCROFT : Remarquable.
JOHN : Quoi donc ?
MYCROFT : La plupart des gens circulent d’un pas incertain à travers la ville et tout ce qu’ils voient sont des rues, des magasins, des voitures. Quand vous marchez avec Sherlock Holmes, vous voyez le champ de bataille. Vous l’avez déjà vu, n’est-ce pas ?
JOHN : Qu’est-ce qu’elle a, ma main ?
MYCROFT : Votre main gauche tremble de façon intermittente et votre psy pense qu’il s’agit d’une manifestation du syndrome post-traumatique, que vous êtes hanté par vos souvenirs de soldat.
JOHN : Mais enfin qui êtes-vous ? Comment savez-vous tout ça ?
MYCROFT : Virez-la. Elle a tout compris de travers. Vous êtes stressé en ce moment, mais votre main est parfaitement immobile… Vous n’êtes pas hanté par la guerre, Dr Watson : elle vous manque. Bienvenu parmi nous.
Mycroft s’éloigne en faisant danser son parapluie. Le portable de John sonne à nouveau.
MYCROFT : Il est temps de choisir votre camp, Dr Watson.
La jeune femme de la berline s’approche :
JEUNE FEMME : Je dois vous ramener chez vous.
Incrustation : Peut être dangereux
SH
John regarde sa main gauche immobile et sourit.
JEUNE FEMME : Quelle adresse ?
JOHN : Baker Street… 221B Baker Street. Mais j’aurai besoin de m’arrêter quelque part avant.
APPARTEMENT DE JOHN
Il se dirige vers son bureau et prend le pistolet qui est dans le tiroir.
221B BAKER STREET
La berline s’arrête devant la porte.
JOHN : Dites-moi, votre patron, vous pourriez ne pas lui dire où je suis allé ?
JEUNE FEMME : Bien sûr.
JOHN : Vous lui avez déjà dit, n’est-ce pas ?
JEUNE FEMME : Oui.
JOHN : Euh… Vous avez du temps libre quelque fois ?
JEUNE FEMME : Oui souvent… Bye !
JOHN : OK.
Il sort de la voiture.
Dans l’appartement :
Sherlock, dans un état second, est allongé sur le canapé et presse son avant-bras gauche.
JOHN : Qu’est-ce que vous faites ?
SHERLOCK : Je me recharge en nicotine (son avant-bras est couvert de trois patchs). Ça m’aide à réfléchir. Impossible de continuer à fumer à Londres par les temps qui courent, ce qui ne facilite pas la réflexion.
JOHN : Mais ça aide à respirer.
SHERLOCK : Ah ! Respirer… Quelle barbe !
JOHN : Vous avez mis trois patchs ?
SHERLOCK : C’est un problème à trois patchs.
JOHN : Bon… Vous m’avez fait venir, je suppose que c’est important.
SHERLOCK : Oh oui, bien sûr : je peux avoir votre portable ?
JOHN : Mon portable ?
SHERLOCK : Si je me sers du mien, on va reconnaître le numéro : il est sur mon site web.
JOHN : Mme Hudson a un portable.
SHERLOCK : Oui elle est en bas. Je l’ai appelé mais elle n’a rien entendu.
JOHN : Et moi j’étais à l’autre bout de Londres.
SHERLOCK : Il n’y avait pas d’urgence.
JOHN : Voilà.
Il lui tend son portable. Sherlock tend sa main. John y dépose l’appareil.
JOHN : Alors de quoi s’agit-il ? De l’affaire ?
SHERLOCK : Affaire…
JOHN : Affaire.
SHERLOCK : Ses affaires, oui. Sa valise. Le meurtrier a pris sa valise : c’est sa première grosse bêtise.
JOHN : Bon, il a pris sa valise. Et alors ?
SHERLOCK : C’est la seule solution. Il va falloir prendre le risque… Sur mon bureau, il y a un numéro. Je veux que vous envoyiez un texto.
JOHN : Vous m’avez fait venir pour un texto ?
SHERLOCK : Oui. Le numéro est sur mon bureau…. Qu’est-ce qu’il y a ?
JOHN : Je viens de rencontrer un de vos amis.
SHERLOCK: Ami?
JOHN: Ennemi.
SHERLOCK: Oooh. Lequel?
JOHN: Votre meilleur ennemi, selon ses dires. Ça se fait d’avoir des meilleurs ennemis ?
SHERLOCK : Il vous a offert de l’argent pour m’espionner ?
JOHN : Oui.
SHERLOCK : Vous l’avez accepté ?
JOHN : Non.
SHERLOCK : Dommage, on aurait partagé. Tâchez de réfléchir la prochaine fois.
JOHN : Qui est-ce ?
SHERLOCK : Le plus dangereux des hommes mais ce n’est pas mon problème pour l’instant. Sur mon bureau : le numéro.
John entre le numéro sur son portable.
JOHN : Jennifer Wilson ? Ce n’était p… Attendez ! Ce n’était pas la morte ?
SHERLOCK : Si. Mais c’est sans importance. Entrez le numéro. Vous le faites ?
JOHN : Oui.
SHERLOCK : ça y est, c’est fait ?
JOHN : Une seconde !
SHERLOCK : Tapez exactement ce que je vous dis : Que s’est-il passé à Lauriston Gardens ? J’ai dû m’évanouir. 22 Northumberland Street. Venez s’il vous plaît.
JOHN : Vous vous êtes évanoui ?
SHERLOCK : Moi ? Non. Non ! (il se relève d’un coup, monte sur la table basse plutôt que d’en faire le tour et se dirige vers la cuisine) Tapez-le et envoyez-le. Vite.
Sur une des chaises de la cuisine, il saisit une valise rose.
SHERLOCK : Vous l’avez envoyé ?
JOHN : C’est quoi l’adresse ?
Il prend la chaise du bureau, y place la valise et s’installe en face dans son fauteuil.
SHERLOCK : 22 Northumberland Street. Dépêchez-vous.
Il ouvre la valise. John qui a fini de taper le texto, se retourne.
JOHN : Mais… Mais c’est la valise de Jennifer Wilson, la femme en rose…
SHERLOCK : Oui. De toute évidence. Oui, peut-être devrais-je préciser que je ne l’ai pas tuée…
JOHN : Je n’ai pas dit que vous l’aviez tuée.
SHERLOCK : Pourquoi ? Vu le texto que je vous ai dicté et le fait que j’ai sa valise, je trouverais logique que vous le pensiez.
JOHN : Ah, parce qu’on vous prend souvent pour un assassin ?
SHERLOCK : De temps en temps, oui.
JOHN : D’accord… Comment l’avez-vous eue ?
John s’assoit dans le fauteuil en face.
SHERLOCK : Je l’ai cherchée.
JOHN : Oh !
SHERLOCK : L’assassin a dû la conduire à Lauriston Gardens. Il a gardé sa valise par accident, si elle était dans la voiture. Or toute personne vue avec cette valise aurait attiré l’attention sur elle, en particulier un homme, ce qui est statistiquement rare. Toute fois il aura voulu s’en débarrasser à la seconde même où il aura vu qu’il l’avait. Ça ne lui a pas pris plus de cinq minutes pour comprendre son erreur. J’ai fouillé toutes les ruelles alentours, assez larges pour une voiture et à cinq minutes de Lauriston Gardens, ainsi que tous les endroits où on aurait pu jeter un objet volumineux sans être vu. (à l’image : Sherlock qui fouille un container à détritus, au clair de lune) ça m’a pris moins d’une heure pour trouver la bonne décharge.
JOHN : Vous avez compris qu’elle était rose et c’est pour ça que vous l‘avez retrouvée.
SHERLOCK : Bien sûr que je l’ai compris, c’est évident.
JOHN : Pourquoi je n’y ai pas pensé ?
SHERLOCK : Parce que vous êtes stupide. Non, non, ne faites pas cette tête : presque tout le monde l’est. Maintenant, regardez bien : vous voyez ce qu’il manque ?
JOHN : De la valise : comment je pourrais ?
SHERLOCK : Son portable ! Où est son portable ? Il n’y en avait pas sur le cadavre ni dans la valise, et elle en avait un : on lui a envoyé un texto dessus.
JOHN : Elle l’a peut-être laissé chez elle ?
SHERLOCK : Elle avait une flopée d’amants et elle était hyper-prudente : elle ne l’aurait jamais laissé à la maison.
JOHN : Alors pourquoi… pourquoi j’ai envoyé ce texto ?
SHERLOCK : La bonne question c’est : où est son portable maintenant ?
JOHN : Elle a pu le perdre, non ?
SHERLOCK : Oui. Ou ?
JOHN : Ou… l’assassin. Vous croyez que c’est lui qui a son téléphone.
SHERLOCK : Peut-être l’a-t-elle laissé en même temps que sa valise, peut-être qu’il lui a pris pour une raison ou une autre. De toute façon, il y a de fortes probabilités pour que ce soit lui qui l’ait.
JOHN : Désolé, mais, mais… j’ai fait quoi là ? J’ai envoyé un texto à un assassin ? A quoi ça va servir ?...
Le téléphone de John sonne.
Incrustation : Appel
(numéro masqué)
SHERLOCK : Quelques heures après avoir quitté sa dernière victime, il reçoit un texto. Cela ne peut venir que d’elle… Si quelqu’un venait de trouver son portable, il ignorerait le texto, mais l’assassin, lui, paniquerait.
Il referme la valise et se relève d’un coup.
JOHN : Vous en avez parlé à la police ?
SHERLOCK : Quatre victimes déjà : pas le temps de parler à la police.
Il enfile son manteau.
JOHN : Alors pourquoi vous m’en parlez à moi ?
SHERLOCK : Mme Hudson a pris mon crâne.
JOHN : Alors en gros je remplace votre crâne.
SHERLOCK : Relax ! Vous vous en sortez très bien. Alors ?
JOHN : Alors quoi ?
SHERLOCK : Alors vous pourriez rester ici à regarder la télé…
JOHN : Vous voulez que je vienne avec vous ?
SHERLOCK : J’aime qu’on m’accompagne quand je sors et je réfléchis mieux quand je parle tout haut. Et le crâne ne fait qu’attirer l’attention, alors…
John sourit.
SHERLOCK : Y’a un souci ?
JOHN : Oui, le sergent Donovan.
SHERLOCK : Qu’est-ce qu’elle vous a dit ?
JOHN : Elle a dit que vous aimez ça, que vous prenez votre pied grâce à ces crimes.
SHERLOCK : Et j’ai dit « dangereux », et vous êtes venu.
Et il file.
JOHN : Et merde ! (il se lève de son fauteuil et rejoint Sherlock)
RUES DE LONDRES
JOHN: Où on va?
SHERLOCK: A Northumberland Street. C’est à cinq minutes d’ici.
JOHN : Vous le croyez assez bête pour s’y rendre ?
SHERLOCK : Non ! Je dirais plutôt brillant. J’adore les criminels brillants : ils sont prêts à tout pour être pris.
JOHN : Pourquoi ?
SHERLOCK : Pour être reconnus. Applaudis. Et avoir enfin la vedette. C’est la fragilité du génie : il lui faut un public.
JOHN : Mouais…
SHERLOCK : On est sur son terrain de chasse. Ici, au cœur même de la ville. On sait maintenant qu’il kidnappe ses victimes, ce qui change tout. Parce que toutes ses victimes disparaissent en pleine rue, dans la foule, mais bizarrement, personne ne les voit partir. Réfléchissez ! A qui fait-on confiance sans même le connaître ? Qui passe inaperçu quelque soit l’endroit où il va ? Qui chasse au milieu de la foule ?
JOHN : Je sais pas. Qui ?
SHERLOCK : Aucune idée. Vous avez faim ?
RESTAURANT D’ANGELO
SHERLOCK (en rentrant, au serveur qui lui indique une table près de la fenêtre) : Merci Billy.
JOHN: Bonsoir.
Ils s’installent.
SHERLOCK : 22 Northumberland Street. Surveillez bien l’entrée.
JOHN : Il ne va pas aller sonner à la porte tout de même. Faudrait qu’il soit fou.
SHERLOCK : Il a tué quatre personnes.
JOHN : D’accord.
Un homme s’approche de leur table.
ANGELO : Sherlock ! Choisis ce que tu veux sur le menu, c’est la maison qui régale. C’est gratuit pour toi et ton rencard.
SHERLOCK (à John) : Vous voulez manger ?
JOHN (à Angelo) : Je ne suis pas son rencard.
ANGELO : Ce mec m’a blanchi autrefois.
SHERLOCK : Je vous présente Angelo. Il y a trois ans j’ai réussi à prouver à Lestrade qu’à l’heure d’un triple meurtre, particulièrement vicieux, Angelo était en plein cambriolage, à l’autre bout de la ville.
ANGELO : Il m’a innocenté.
SHERLOCK : Pas totalement. Rien d’anormal en face ?
ANGELO : Rien. (à John)Vous savez que pour ce mec, je serais allé en prison.
SHERLOCK : Tu es allé en prison.
ANGELO : Je vais mettre les chandelles sur la table : c’est plus romantique.
JOHN : Je ne suis pas son rencard !
SHERLOCK : Vous feriez bien de manger. L’attente risque d’être longue.
Angelo apporte ses chandelles. Sherlock ne quitte pas des yeux le trottoir d’en face.
JOHN : Merci… Les gens n’ont pas de meilleur ennemi.
SHERLOCK : Pardon ?
JOHN : Dans la vraie vie : on n’a pas de meilleur ennemi. Ça n’existe pas.
SHERLOCK (sans lâcher la rue des yeux) : Vous croyez ? On doit s’ennuyer alors.
JOHN : Alors c’est qui ce type ?
SHERLOCK : Et qu’est-ce que les vrais gens ont dans leur vraie vie ?
JOHN : Des amis. Des personnes qu’ils aiment, des personnes qu’ils apprécient ou non… Des copines, des copains…
SHERLOCK : C’est ce que je disais : ces gens doivent s’ennuyer.
JOHN : Vous n’avez pas de copine ?
SHERLOCK : De copine ? Non… Ce n’est pas ma tasse de thé.
JOHN : Je vois… Alors un copain, peut-être ? Ce qui ne serait pas un souci…
SHERLOCK (en le regardant) : Je sais que ce n’est pas un souci.
JOHN : Vous avez un copain alors ?
SHERLOCK (en lui coupant la parole) : Non.
JOHN : OK. D’accord. Vous êtes sans attache. Comme moi. Bien (il se racle la gorge). Très bien.
Sherlock le regarde d’un air suspicieux. Et après un petit moment de réflexion :
SHERLOCK : John, je crois qu’il faut que vous sachiez que je me considère comme marié à mon boulot. Et même si je me sens très flatté par votre intérêt, je ne suis pas en train de…
JOHN : Non, non, non : je ne vous demande rien, non. Je dis seulement que, que tout me va.
SHERLOCK : Bon. Merci…Regardez en face : le taxi. Il s’est arrêté. Personne n’en sort, personne n’y monte. Pourquoi un taxi ? Oh ! C’est très fort ça ! C’est très fort. Pourquoi c’est très fort ?
JOHN : C’est lui ?
SHERLOCK : Ne le regardez pas.
JOHN : Vous le regardez bien, vous.
SHERLOCK : On peut pas le faire tous les deux.
Il se lève et quitte le restaurant. John le suit en oubliant sa canne.
RUES DE LONDRES
Sherlock enfile son manteau, pendant que le taxi reste stationné en face. Puis il démarre, Sherlock s’élance à sa poursuite sans se soucier de la circulation : une voiture le percute, il se retrouve sur son capot mais continue sa route pour ne pas perdre le taxi.
JOHN (au conducteur de la voiture) : Pardon !
Ils ne peuvent courir après un taxi en espérant le rattraper : Sherlock s’arrête donc.
JOHN : J’ai vu son numéro.
SHERLOCK : Bravo ! (il visualise mentalement le plan du quartier où ils se trouvent) Rue à sens unique, travaux, feu rouge, couloir de bus, passage clouté, tournez à gauche, feu rouge.
Ils reprennent alors leur course effrénée. Sherlock bouscule les passants qui se trouvent sur son passage.
JOHN : Pardon !
Le taxi poursuit sa route, pendant que les deux compères grimpent des escaliers de secours, empruntent les toits de Londres…
SHERLOCK : Allez John !
Sherlock est très habile, escalade, enjambe, saute… John est à la traîne et a du mal à suivre.
SHERLOCK : Allez John ! On est en train de le perdre !
Ils quittent les toits et s’enfoncent dans les petites ruelles.
SHERLOCK : Par ici !... Non par ici ! Désolé !
Ils accélèrent encore et leur course finit par croiser celle du taxi. Sherlock le stoppe en se vautrant sur le capot.
SHERLOCK (en exhibant une carte) : Police ! Ouvrez la portière !
Il observe le passager.
SHERLOCK (essoufflé) : Non… Dents, bronzage… Californien, non ? Tout juste arrivé de Los Angeles.
JOHN (essoufflé) : Comment pouvez-vous le savoir ?
SHERLOCK : L’étiquette ! (au passager qui n’a pas l’air de comprendre ce qui lui arrive) Sans doute la première fois que vous venez à Londres, hein ? Je le vois à votre destination finale et au chemin qu’a pris le taxi.
PASSAGER : Pardon, mais vous êtes de la police ?
Sherlock lui montre très rapidement sa carte.
SHERLOCK : Oui. Tout va bien ?
PASSAGER : Oui.
SHERLOCK : Bienvenu à Londres.
Et il s’en va.
JOHN (au passager) : Si vous avez un problème, n’hésitez pas.
Il rejoint Sherlock.
JOHN : Ce n’était qu’un taxi qui ralentissait, finalement.
SHERLOCK : Finalement.
JOHN : Pas l’assassin.
SHERLOCK : Pas l’assassin. Non.
JOHN : Mauvais pays, mais bon alibi.
SHERLOCK : Et voilà.
JOHN (en prenant la carte de police de Sherlock) : Où vous l’avez eue ? Faites voir ! C’est celle du lieutenant Lestrade ?
SHERLOCK : Ouais. Je lui fais les poches quand il est contrariant. Vous pouvez la garder : j’en ai un paquet à la maison.
John se met à rigoler.
SHERLOCK : Quoi ?
JOHN : Rien… « Bienvenu à Londres »
Sherlock lui sourit et se rend compte aussi que le passager du taxi est en train de parler à un policier (un vrai) en les désignant du doigt.
SHERLOCK : Vous avez retrouvé votre souffle ?
JOHN : C’est quand vous voulez.
Et ils s’élancent à nouveau (dans la direction opposée au policier…).
221B BAKER STREET
JOHN (alors qu’ils se débarrassent de leurs manteaux dans le vestibule) : C’était ridicule… C’est la chose la plus ridicule que j’ai jamais faite.
SHERLOCK : Vous avez envahi l’Afghanistan.
Ils rigolent tous les deux.
JOHN : J’étais pas seul. Pourquoi on retourne pas au restaurant ?
SHERLOCK : Ils vont ouvrir l’œil. J’y croyais pas trop de toute façon.
JOHN : Alors pourquoi on y est allé ?
SHERLOCK : Pour passer le temps en fait. Et pour prouver un truc.
JOHN : Quel truc ?
SHERLOCK : Sur vous. Mme Hudson ! Le Dr Watson prendra la chambre qui est au premier.
JOHN : Qui a dit ça ?
SHERLOCK : L’homme qui est à la porte.
A ce moment-là, quelqu’un frappe au 221B.
John ouvre :
ANGELO (en rendant à John sa canne) : Sherlock m’a envoyé un texto. Il me disait que vous aviez oublié ça.
JOHN : Ah…
Il se retourne vers Sherlock qui lui sourit.
JOHN : Oui. Oui, merci.
Mme Hudson sort de son appartement, la mine déconfite.
Mme HUDSON : Sherlock, qu’avez-vous fait ?
SHERLOCK : Mme Hudson ?
Mme HUDSON : Au premier.
Ils montent les marches quatre à quatre et déboulent dans l’appartement, où la police est à l’œuvre et Lestrade confortablement installé dans le fauteuil de Sherlock.
SHERLOCK : Qu’est-ce que vous faites ?
LESTRADE : Je savais que vous trouveriez la valise. Je ne suis pas idiot.
SHERLOCK : Et vous entrez ici par effraction ?
LESTRADE : Vous faites de la rétention de preuve et on n’a pas forcé votre porte.
SHERLOCK : Comment vous appelez ça alors ?
LESTRADE : Une saisie de drogue.
JOHN (hilare) : Vous voulez rire ? Un junky, lui ? Vous le connaissez vraiment mal !
SHERLOCK: John…
JOHN : Je suis sûr que si vous fouillez l’endroit de fond en comble, vous ne trouverez rien d’euphorisant.
SHERLOCK : John, vous pourriez peut-être la boucler maintenant ?
JOHN : Oui, bien sûr… Non ?!
SHERLOCK : Quoi ?
JOHN : Vous ?
SHERLOCK : La ferme ! (à Lestrade) Je n’ai pas de compte à vous rendre.
LESTRADE : Pas vous. Mais Anderson, mon chien-renifleur, si.
SHERLOCK : Quoi ?
Anderson, dans la cuisine, lui fait un petit signe.
SHERLOCK : Anderson, qu’est-ce que vous foutez dans une descente de stup’ ?
ANDERSON : Je me suis porté volontaire.
LESTRADE : Ils se sont tous portés volontaires. Ils ne sont pas vraiment de la brigade des stup’ mais ils sont zélés.
DONOVA N (avec un bocal à la main) : Ce sont des yeux humains ?
SHERLOCK : Remettez-les en place !
DONOVAN : Ils étaient dans le four à micro-ondes !
SHERLOCK : C’est une expérience.
LESTRADE : Continuez à chercher. (à Sherlock) A moins que vous ne décidiez de coopérer. Auquel cas je les renverrai…
SHERLOCK : Tout ceci est puéril.
LESTRADE : Et vous, vous êtes un enfant. Ceci est notre affaire et si je vous mets dans le secret, vous ne devez pas faire cavalier seul. C’est clair ?
SHERLOCK : Sinon quoi ? Vous remontez une opération bidon pour me persécuter ?
LESTRADE : Elle ne sera plus bidon si on trouve quelque chose.
SHERLOCK : Je suis clean !
LESTRADE : Et votre appartement ? Il est clean ?
SHERLOCK (en lui montrant son avant-bras, portant un patch) : Je ne fume même pas.
LESTRADE (lui aussi découvrant un avant-bras avec un patch) : Moi non plus. Alors travaillons ensemble… On a retrouvé Rachel.
SHERLOCK : Qui est-elle ?
LESTRADE : C’est la fille de Jennifer Wilson.
SHERLOCK : Sa fille ? Pourquoi aurait-elle écrit le nom de sa fille ? Pourquoi ?
ANDERSON : Peu importe : on a retrouvé la valise. Et d’après quelqu’un que je connais, c’est l’assassin qui devait avoir la valise, et on l’a retrouvée. C’est notre psychopathe préféré qui l’a planquée.
SHERLOCK : Je ne suis pas un psychopathe, je suis un sociopathe de haut niveau. Il faut vous renseigner. (à Lestrade) Faudrait convoquer Rachel et l’interroger : je dois interroger Rachel.
LESTRADE : Elle est morte.
SHERLOCK : Génial ! Comment, quand, pourquoi ? Y’a-t-il un lien ? Y’en a surement un !
LESTRADE : Et bien, j’en doute parce qu’elle est morte il y a 14 ans. Techniquement elle n’a jamais été en vie : Rachel a été la fille mort-née de Jennifer Wilson, il y a 14 ans.
SHERLOCK (déstabilisé) : C’est… C’est curieux… Comment ?... Pourquoi elle aurait fait ça ? Pourquoi ?
ANDERSON : Pourquoi aurait-elle pensé à sa fille au moment de mourir ? Je comprends mieux pour le sociopathe maintenant.
SHERLOCK : Non, elle n’a pas pensé à sa fille : elle a gravé son nom dans le plancher, avec ses ongles. Elle était mourante, ça lui a demandé un effort, ça lui a aussi fait mal.
JOHN : Vous avez dit que les victimes prenaient elles-mêmes le poison, qu’il les oblige, en fait, à le faire. Donc, peut-être que, je ne sais pas, il leur parle. Peut-être qu’il s’est servi de la mort de la fille.
SHERLOCK : Oui, mais c’était il y a des lustres. Pourquoi ça la bouleverserait encore ?
Grand silence dans la pièce.
SHERLOCK : C’est pas bon ?
JOHN : Pas très, non.
SHERLOCK : Oui, mais si vous alliez mourir, si on vous avez tué, à la dernière seconde, qu’est-ce que vous diriez ?
JOHN : Mon Dieu, laissez-moi en vie.
SHERLOCK : Oh ! Un peu d’imagination !
JOHN : Je n’en ai pas besoin.
SHERLOCK : Oui, mais si vous étiez futé, réellement futé : Jennifer, gérant tous ses amants, elle, elle l’était ! Et elle essaie de nous dire quelque chose !
Mme HUDSON : Votre sonnette ne marche pas : votre taxi est là, Sherlock.
SHERLOCK : Je n’en ai pas commandé. Allez-vous-en !
Mme HUDSON : Oh la la ! Quelle pagaille ils sont en train de mettre ! Que cherchent-ils donc ?
JOHN : Ils cherchent de l’herbe, je crois.
Mme HUDSON : Mais c’est pour ma hanche, en fait, ce sont des herbes médicinales…
SHERLOCK : La ferme ! La ferme ! Tout le monde ! On ne bouge plus, on ne parle plus, on ne respire plus ! Je réfléchis ! Anderson, visage au mur : vous me perturbez !
ANDERSON : Quoi ? Qu’est-ce qu’il a mon visage ?
LESTRADE : Tout le monde se tait. Et Anderson, cachez votre visage.
ANDERSON : Ah, c’est pas vrai !
LESTRADE : S’il vous plaît, faites ce qu’il vous dit !
SHERLOCK : Allez vite !
Mme HUDSON : Et votre taxi ?
SHERLOCK : Mme Hudson !!!
Effrayée, elle s’en va. Sherlock, lui, a une sorte d’illumination :
SHERLOCK : Ooooh ! Elle était futée, futée, oui ! Elle est plus futée que vous tous et elle est morte : vous ne voyez pas ? Vous ne comprenez pas ? Elle n’a jamais perdu son portable : elle l’a planqué sur son assassin. Quand elle est sortie de la voiture, elle savait qu’elle allait mourir. Et elle a laissé le portable afin de nous conduire à son assassin !
LESTRADE : Mais comment ?
SHERLOCK : Comment ça « comment » ?
LESTRADE : Ben…
SHERLOCK : Rachel ! Vous ne voyez pas ? Rachel !... Regardez-vous : vous êtes à pleurer. C’est agréable de ne pas être moi ? Ça doit être reposant. « Rachel » n’est pas un nom !
JOHN (agacé) : Alors qu’est-ce que c’est ?
SHERLOCK : John, il y a une étiquette sur la valise, avec une adresse e-mail.
JOHN (pendant que Sherlock s’installe à son bureau, devant l’ordinateur) : [email protected]
SHERLOCK : Oooh j’ai été trop lent : elle avait un téléphone mais pas d’ordi. Elle s’en servait pour son travail, notamment pour envoyer des mails. C’est donc un Smartphone et elle avait un site web pour son compte. Son adresse e-mail est son nom d’usager et donc, tous ensembles, son mot de passe est…
JOHN : Rachel.
ANDERSON : Donc on peut lire ses mails, et après ?
SHERLOCK : Anderson, taisez-vous : vous faites baisser le Q.I de toute la rue. On peut faire beaucoup plus que de lire ses mails. C’est un Smartphone : il est doté d’un GPS. Ce qui veut dire que si on le perd, on peut le localiser en ligne. Elle nous conduit directement à l’homme qui l’a tuée !
LESTRADE : Sauf s’il l’a jeté.
JOHN : On sait que non.
SHERLOCK : Allez plus vite ! Plus vite !
Mme HUDSON : Sherlock-chéri, le chauffeur de taxi !
SHERLOCK : Mme Hudson, c’est l’heure de votre infusion calmante, non ? (à Lestrade) Il va falloir des voitures, et un hélico, et faire très vite : la batterie ne durera pas éternellement.
LESTRADE : Tout ce qu’on va obtenir, c’est une localisation, pas un nom.
SHERLOCK : C’est un début !
JOHN (les yeux rivés sur l’ordinateur) : Sherlock…
SHERLOCK : ça réduit le périmètre de recherche à un quartier de Londres, et c’est la première piste sérieuse qu’on ait.
JOHN : Sherlock…
SHERLOCK : Où est-il ? Vite, où ?
JOHN : Ici. Ici, au 221B Baker Street.
SHERLOCK : Comment est-ce possible ? Comment ?
LESTRADE : Peut-être qu’il était dans la valise quand vous l’avez ramenée, et qu’il est tombé quelque part.
SHERLOCK : Quoi, sans que je le remarque, moi ?
Un homme monte les escaliers.
JOHN : Il a quand même rappelé quand on lui a envoyé un texto.
LESTRADE (à ses hommes) : OK, on cherche également un portable qui se trouve quelque part ici et qui appartenait à la victime.
Dans la tête de Sherlock, les mots qu’il a prononcés quelques temps auparavant : à qui fait-on confiance, sans même les connaître ? (à la porte de l’appartement, l’homme qui montait les escaliers, prend quelque chose dans sa poche. Son badge : « chauffeur de taxi londonien ») Qui passe inaperçu quelque soit l’endroit où il va ? (à l’image, les quatre victimes montant dans un taxi) Qui chasse au milieu de la foule ?
L’homme dans l’escalier sort un téléphone rose de sa poche. Sherlock reçoit alors un texto : Venez avec moi.
Et l’homme dans l’escalier s’en retourne.
JOHN : Sherlock, ça va ?
SHERLOCK : Quoi ?... Oui, oui, très bien…
JOHN : Comment son portable peut-il être ici ?
SHERLOCK (qui ne quitte pas des yeux les escaliers) : J’en sais rien.
JOHN : Je vais réessayer.
SHERLOCK (en s’en allant) : Très bonne idée !
JOHN : Où allez-vous ?
SHERLOCK : Juste prendre l’air. Je sors deux petites minutes. Je ne serai pas long.
JOHN : Vous êtes sûr que ça va ?
SHERLOCK (en descendant les escaliers) : Très bien !
Dans la rue :
Un taxi est arrêté devant le 221B. Le chauffeur attend Sherlock :
CHAUFFEUR : Taxi pour Sherlock Holmes.
SHERLOCK : Je n’ai pas commandé de taxi.
CHAUFFEUR : Mais il vous en faut peut-être un.
SHERLOCK : Vous êtes le taxi… qui était arrêté dans Northumberland Street. C’était vous, pas votre passager.
CHAUFFEUR : Personne ne pense jamais au taxi, en fait. On est comme invisible. On est juste une nuque. Plutôt commode pour un tueur en série.
SHERLOCK : Ce sont des aveux ?
CHAUFFEUR : Oh oui ! Et je vais vous dire autre chose : si vous appelez les flics, je ne filerais pas. Je resterais là à attendre qu’ils m’embarquent, c’est promis.
SHERLOCK : Pourquoi ?
CHAUFFEUR : Parce que vous ne le ferez pas.
SHERLOCK : Je ne le ferai pas ?
CHAUFFEUR : Je les ai pas tuées ces quatre personnes, Mr Holmes. Je leur ai seulement parlé, et elles se sont elles-mêmes tuées. Si vous prévenez les flics maintenant, je vous donne ma parole que je vous dirais jamais ce que je leur ai dit.
SHERLOCK : Mais plus personne ne mourra et pour la police, ça s’appelle un résultat.
CHAUFFEUR (en remontant dans son taxi) : Oui, mais vous ne comprendrez jamais comment ils sont tous morts. Qu’est-ce que vous en avez à faire de ce genre de résultat ?
SHERLOCK (à la portière du taxi) : Si j’avais envie de comprendre, je devrais faire quoi ?
CHAUFFEUR : Me laisser vous balader.
SHERLOCK : Pour que vous puissiez me tuer aussi ?
CHAUFFEUR : Je ne veux pas vous tuer, Mr Holmes. Je vais vous parler… Et vous vous tuerez vous-même…
Sherlock monte dans le taxi. Il démarre.
JOHN (à la fenêtre de l’appartement, un portable à l’oreille) : Il vient de prendre un taxi. Eh ! Sherlock vient de prendre un taxi, en bas.
DONOVAN (à John) : Je vous avais dit que c’est ce qu’il faisait. (à Lestrade) Il a encore filé. On perd notre temps !
JOHN : J’appelle le portable ; il sonne dans le vide.
Dans le taxi :
Le portable rose de Jennifer Wilson sonne, mais le chauffeur ne répond pas.
Dans l’appartement :
LESTRADE : S’il sonne, c’est qu’il n’est pas ici.
JOHN (en se penchant sur l’ordinateur) : Je vais relancer une recherche.
DONOVAN : Est-ce que c’est bien utile tout ce cirque ? C’est qu’un cinglé et il vous laissera toujours tomber. Et il vous fait perdre votre temps. Et le nôtre.
LESTRADE (résigné) : On arrête de fouiller. On s’en va.
Dans le taxi :
SHERLOCK : Vous avez fait comment, alors ?
CHAUFFEUR : Oh, je vous ai reconnu. Dès que je vous ai vu courir après mon taxi. Sherlock Holmes ! On m’a mis en garde contre vous. Je suis allé sur votre site internet : je l’ai trouvé brillantissime, j’ai adoré.
SHERLOCK : Qui vous a mis en garde contre moi ?
CHAUFFEUR : Quelqu’un qui vous a remarqué.
SHERLOCK : Qui ? Qui a pu me remarquer, moi ?
CHAUFFEUR : Vous êtes trop modeste, Mr Holmes.
SHERLOCK : Oh non, pas du tout.
CHAUFFEUR : En tous cas, vous avez un fan.
SHERLOCK : Dites-m’en plus.
CHAUFFEUR : Vous n’en saurez pas plus. Dans cette vie, du moins.
Dans l’appartement :
LESTRADE : Pourquoi il a fait ça ? Pourquoi il a filé de cette façon ?
JOHN : Je le connais moins bien que vous.
LESTRADE : Je le connais depuis cinq ans mais je ne le connais pas.
JOHN : Alors pourquoi le supportez-vous ?
LESTRADE : Parce que je n’ai pas le choix, voilà pourquoi. Et parce que Sherlock Holmes est un grand bonhomme, et que je crois qu’un de ces jours, si on a beaucoup de chance, il pourrait être quelqu’un de bien.
Le taxi poursuit sa route dans Londres et s’arrête devant un grand bâtiment. Le chauffeur sort et ouvre la portière côté passager.
SHERLOCK : On est où ?
CHAUFFEUR : Vous connaissez chaque rue de Londres : vous savez exactement où on est.
SHERLOCK : On est au centre de formation continue Roland Kerr. Pourquoi ici ?
CHAUFFEUR : C’est ouvert. L’équipe de ménage est là. Ce qu’il y a de bien quand on est taxi, c’est qu’on connaît les endroits calmes pour commettre des meurtres. Je suis surpris qu’il n’y ait pas plus de taxis qui commettent des crimes.
SHERLOCK : Vous faites juste entrer les victimes ? Mais comment ?
Le chauffeur brandit un revolver.
SHERLOCK : Oh… Banal.
CHAUFFEUR : Vous inquiétez pas, ça s’arrange après.
SHERLOCK : Vous ne pouvez pas obliger les gens à se suicider de cette manière.
CHAUFFEUR : C’est pas ce que je fais. Je fais beaucoup mieux. (il arrête de pointer son arme sur Sherlock) Pas besoin de ça avec vous. Parce que vous allez me suivre.
Il s’éloigne. Après un court temps de réflexion, Sherlock sort du taxi et le suit.
Dans l’appartement :
La recherche lancée par John se poursuit et finit par aboutir. John, qui s’apprêtait à quitter la pièce, revient sur ses pas. Il saisit l’ordinateur portable et quitte l’appartement en courant.
SALLE DE COUR DU CENTRE ROLAND KERR
Sherlock et le chauffeur de taxi pénètrent dans une salle de cour. Après avoir allumé la lumière, ils s’installent face à face.
CHAUFFEUR : Qu’est-ce que vous en dites ? C’est à vous de voir. C’est vous qui allez mourir ici.
SHERLOCK : Oh, non. Sûrement pas.
CHAUFFEUR : C’est ce qu’ils disent tous… Si on parlait ?
SHERLOCK : Un peu risqué, non ? Vous m’avez embarqué sous le nez d’une demi-douzaine de policiers : ils ne sont pas bêtes à ce point. Et Mme Hudson se souviendra de vous.
CHAUFFEUR : Vous appelez ça un risque ? Foutaise. Ça c’est un risque.
Il fouille dans sa poche et en sort une petite fiole, avec une gélule à l’intérieur, qu’il dépose sur la table.
CHAUFFEUR : J’adore ce moment. Vous pigez encore rien. Mais vous allez pas tarder à tout comprendre. Désolé, faut que je le fasse.
Il fouille dans son autre poche, en sort exactement la même fiole, et la dépose à côté de la première.
CHAUFFEUR : Vous ne vous attendiez pas à ça, n’est-ce pas ? Là, vous allez aimer.
SHERLOCK : Aimer quoi ?
CHAUFFEUR : Sherlock Holmes ! Regardez-moi ça ! Ici, en chair et en os. Vous savez, votre site, c’est votre fan qui m’en a parlé.
SHERLOCK : Mon fan ?
CHAUFFEUR : Vous êtes brillants. Vous êtes un véritable génie. « La Science de la Déduction » : ça c’est de la pensée. Entre vous et moi, pourquoi les gens ils savent pas penser ? Ça vous énerve pas ? Pourquoi ils savent pas penser, les gens ?
SHERLOCK : Oh ! Je vois : vous êtes un véritable génie vous aussi.
CHAUFFEUR : On dirait pas, hein ? Quel drôle de petit bonhomme ce taxi. Mais dans une minute, vous saurez ce qu’il en est. D’ailleurs c’est peut-être la dernière chose que vous saurez.
SHERLOCK : D’accord. Deux flacons. Expliquez-vous.
CHAUFFEUR : Il y a un bon et un mauvais flacon. Vous prenez la gélule du bon flacon, vous vivez ; vous prenez celle du mauvais flacon, vous mourez.
SHERLOCK : Et bien sûr les deux flacons sont identiques.
CHAUFFEUR : En tous points.
SHERLOCK : Et vous savez lequel est le bon ?
CHAUFFEUR : Bien sûr.
SHERLOCK : Et moi je ne le sais pas.
CHAUFFEUR : Si vous le saviez, ça serait pas un jeu. C’est vous qui choisissez.
SHERLOCK : Pourquoi je choisirais ? Je n’ai aucun indice. Qu’est-ce que j’y gagne, moi ?
CHAUFFEUR : Je vous ai pas encore dit le meilleur. Quelque soit le flacon que vous choisirez, j’avalerai la gélule de l’autre. De cette façon, on prendra notre médicament ensemble. Je tricherai pas : vous choisissez et j’avalerai la gélule que vous n’avalerez pas. Vous ne vous attendiez pas à ça, hein Mr Holmes ?
SHERLOCK : C’est ce que vous avez fait avec les autres : vous leur avez laissé le choix.
CHAUFFEUR : Et je vous le laisse à vous, maintenant. Prenez votre temps, j’attendrai. Réfléchissez-bien. Je veux votre meilleur jeu.
SHERLOCK : Ce n’est pas un jeu, mais du hasard.
CHAUFFEUR : J’y ai joué quatre fois et je suis en vie. C’est pas le hasard, Mr Holmes, c’est des échecs. C’est un jeu d’échecs à un seul coup, et un seul survivant. Et ce coup, c’est le seul coup.
Il fait glisser un des deux flacons sur la table, en direction de Sherlock.
CHAUFFEUR : Je viens de vous donner le bon flacon ou le mauvais flacon ? Vous pouvez choisir l’un ou l’autre.
Pendant ce temps, John est dans un taxi.
JOHN (au téléphone) : Oui, Lieutenant Lestrade, s’il vous plaît. J’ai besoin de lui parler. C’est important, c’est une urgence.
Il a avec lui l’ordinateur portable et dirige le taxi à partir de la localisation du téléphone de Jennifer Wilson.
JOHN (au taxi) : A gauche, s’il vous plaît. A gauche !
Retour dans la salle de cours :
CHAUFFEUR : Vous êtes prêt, Mr Holmes ? Prêt à jouer ?
SHERLOCK : Jouer à quoi ? Nous avons 50% de chance chacun…
CHAUFFEUR : Vous jouez pas à la loterie mais contre moi ! Je viens de vous donner le bon flacon ou le mauvais flacon ? Est-ce que c’est du bluff ? Du double bluff ? Du triple bluff ?
SHERLOCK : C’est du hasard.
CHAUFFEUR : Quatre personnes de suite, ce n’est pas un hasard.
SHERLOCK : C’est de la chance.
CHAUFFEUR : Du génie ! Je sais comment les gens pensent, je sais comment les gens pensent que je pense. Je vois très clairement le cheminement de leurs pensées dans ma tête. Tout le monde est tellement bête, même vous. Ou peut-être que Dieu m’aime, tout simplement.
SHERLOCK : De toutes les façons, vous perdez votre temps à être taxi.
John est arrivé devant le centre formation.
SHERLOCK : Donc vous avez risqué votre vie quatre fois rien que pour tuer des inconnus. Pourquoi ?
CHAUFFEUR : C’est l’heure de jouer.
SHERLOCK : Je suis en train. Et c’est mon tour. Vous avez de la mousse à raser derrière votre oreille gauche, mais nul ne vous la fait remarquer. Il y a même des traces plus anciennes de mousse à côté, donc de toute évidence vous vivez seul et vous n’avez personne pour vous le dire. Mais vous avez une photo de vos enfants, qui a été amputée du visage de leur mère. Si elle était morte, elle y serait encore. C’est une vieille photo mais le cadre est neuf : vous pensez à vos enfants mais vous ne pouvez pas les voir. Vous avez été écarté. Elle a pris les enfants, mais vous les aimez toujours et vous en souffrez. Oh ! Mais ce n’est pas tout : vos vêtements, lavés et nettoyés depuis peu, mais vieux d’au moins, quoi, trois ans ? Vous voulez faire bonne figure mais pas de projet sur l’avenir. Et là, vous vous lancez dans un meurtre kamikaze, c’est quoi le problème ?... Oooh… Il y a trois ans… C’est là qu’on vous l’a dit.
CHAUFFEUR : Qu’on m’a dit quoi ?
Incrustation : Mourant
SHERLOCK : Que vous êtes un mort-vivant.
CHAUFFEUR : Tout comme vous.
SHERLOCK : Quand même, vous n’en avez plus pour longtemps. Je n’ai pas raison ?
CHAUFFEUR : J’ai un anévrisme. Ici (en montrant le haut de sa tête). Je peux mourir d’une minute à l’autre.
SHERLOCK : Et parce que vous êtes en sursis, vous avez tué quatre personnes ?
CHAUFFEUR : J’ai survécu à quatre personnes. C’est une bonne distraction quand on a un anévrisme.
SHERLOCK : Non… Non : il y a forcément autre chose. Vous n’avez pas tué ces personnes parce que vous êtes amer : l’amertume est un paralysant. L’amour, en revanche, est un motivateur bien plus vicieux. Vos enfants n’y sont peut-être pas pour rien, non ?
CHAUFFEUR : Oooh… Vous êtes très doué.
SHERLOCK : Mais en quoi ?
CHAUFFEUR : Quand je mourrai, mes gosses toucheront presque rien. Ça gagne pas lourd, un chauffeur de taxi.
SHERLOCK : Ou un tueur en série.
CHAUFFEUR : Vous seriez surpris.
SHERLOCK : Surprenez-moi.
CHAUFFEUR : J’ai un sponsor.
SHERLOCK : Vous avez quoi ?
CHAUFFEUR : Du fric va à mes gosses pour chaque vie que je prends. Plus je tue et plus ils auront du fric. Vous voyez : c’est généreux, en fait !
SHERLOCK : Qui peut sponsoriser un tueur en série ?
CHAUFFEUR : Qui peut être un fan de Sherlock Holmes ? Vous n’êtes pas le seul qu’un bon meurtre excite. Il y en a d’autres dans cette ville, qui sont exactement comme vous. Sauf que vous n’êtes qu’un homme et qu’eux, ils sont bien plus que ça.
SHERLOCK : Comment ça « plus qu’un homme » ? Une organisation ou quoi ?
CHAUFFEUR : Il y a un nom, en fait, que personne ne dit. Et je vais pas le dire non plus. Maintenant, assez bavardé. C’est l’heure de choisir.
John court dans les couloirs du centre de formation
JOHN : Sherlock !... Sherlock !
SHERLOCK : Et si je ne choisis ni l’un ni l’autre. Je pourrais juste sortir d’ici.
Le chauffeur menace alors, à nouveau, Sherlock avec son arme à feu, en poussant un profond soupir.
CHAUFFEUR : Ou vous choisissez d’avoir 50% de chance, ou je vous tire une balle dans la tête. Bizarrement, il n’y en a pas un qui a pris cette option.
SHERLOCK : Je choisis la balle.
CHAUFFEUR : Vous en êtes sûr ?
SHERLOCK : Tout à fait sûr : la balle.
CHAUFFEUR : Vous voulez pas appeler un ami ?
SHERLOCK (avec un petit sourire) : La balle.
Le chauffeur appuie sur la détente, le briquet en forme de pistolet qu’il tient dans la main laisse échapper une petite flamme par le canon. Sherlock sourit.
SHERLOCK : Je sais distinguer un vrai flingue d’un faux.
CHAUFFEUR : Vous êtes bien le seul.
SHERLOCK : Evidemment… Et bien cela aura été fort intéressant. J’ai hâte d’assister au procès.
Il se lève de sa chaise et s’éloigne.
CHAUFFEUR : Avant de vous en aller, est-ce que vous pouvez me dire quel est le bon flacon ?
SHERLOCK : Bien sûr. Un jeu d’enfant.
CHAUFFEUR : Lequel c’est alors ? Juste pour savoir si je vous aurais battu. Lequel vous auriez choisi ?
Sherlock qui venait juste d’ouvrir la porte, la referme.
CHAUFFEUR : Allez, quoi ? Jouez le jeu, allez !
Sherlock revient sur ses pas, et saisit le flacon devant le chauffeur.
CHAUFFEUR (qui s’empare de l’autre flacon) : Ooooh… Intéressant.
John court toujours dans les couloirs, à la recherche de Sherlock.
CHAUFFEUR (en fixant la gélule qu’il a sortie de son flacon) : Alors, qu’est-ce que vous en dites ? On y va ?
John ouvre les portes de plusieurs salles de cour.
CHAUFFEUR : Non, mais franchement, qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous pouvez me battre ? Est-ce que vous êtes assez intelligent pour parier votre vie ?
Au moment où Sherlock semble se prendre au jeu, John déboule dans une salle dont la fenêtre donne sur celle où se trouvent son ami et le chauffeur.
JOHN : Sherlock !!!
De là où il se trouve, il assiste, impuissant, à la scène.
CHAUFFEUR : Vous devez souvent vous ennuyer, non ? Je sais que vous vous ennuyez. Un homme comme vous… (Sherlock dévisse le flacon) d’une telle intelligence… Mais à quoi bon être intelligent si on ne peut pas le prouver (Sherlock examine sa gélule). Toujours des réflexes de drogué ! Mais c’est à ça que vous êtes vraiment accro, en fait. Vous feriez n’importe quoi, absolument n’importe quoi pour ne plus vous ennuyer. (Tous les deux approchent la gélule de leurs bouches) Vous ne vous ennuyez pas, là ? On y va ?
A ce moment-là, un coup de feu retentit. Le chauffeur est touché à l’épaule, Sherlock laisse échapper sa gélule. C’est John qui a tiré de la fenêtre en face.
Sherlock enjambe une table et s’approche de la fenêtre sur laquelle l’impact a brisé un carreau. Il essaye d’apercevoir le tireur, mais celui-ci a filé… Il retourne vers le chauffeur, qui agonise au sol.
SHERLOCK (une gélule à la main) : J’avais raison ? J’avais raison, n’est-ce pas ? J’ai choisi le bon ?
Le chauffeur ne lui répond pas. De rage, il lui lance la gélule au visage.
SHERLOCK : D’accord. Dites-moi au moins une chose : votre sponsor, qui c’était ? Celui qui vous a parlé de moi, mon fan : comment il s’appelle ?
CHAUFFEUR : Nooonnn…
SHERLOCK : Vous allez mourir, mais je peux encore vous faire mal. Dites-moi son nom !
Le chauffeur bouge la tête en signe de refus. Sherlock appuie alors son pied sur son épaule blessée et sanguinolente.
CHAUFFEUR : AAAaaaah !....
SHERLOCK : Il s’appelle comment ?!
CHAUFFEUR : AAAaaaah !...
SHERLOCK : Allez !!
Il appuie de plus en plus fort.
SHERLOCK : Il s’appelle comment !!!
CHAUFFEUR (avant de mourir): AAAaaaah !... Moriarty !!!
EXTERIEUR DU CENTRE DE FORMATION
Des voitures de police, des sirènes, des gyrophares… Sherlock est assis sur le marchepied d’une ambulance. L’ambulancier lui dépose une couverture sur les épaules.
Lestrade s’approche.
SHERLOCK : Mais pourquoi on m’a mis cette couverture ? C’est ridicule cette histoire de couverture !
LESTRADE : Vous êtes sous le choc.
SHERLOCK : Je ne suis pas sous le choc.
LESTRADE : Certes, mais il y a des gens qui voudraient prendre des photos.
SHERLOCK : Alors : aucun signe du tireur ?
LESTRADE : Il a filé avant qu’on arrive. Mais ce taxi devait avoir quelques ennemis, je suppose : l’un d’eux l’a peut-être suivi… Mais on a rien sur quoi s’appuyer pour l’instant.
SHERLOCK : Oh, je ne dirais pas ça.
LESTRADE : OK, dites-moi tout.
Sherlock se relève, la couverture toujours sur ses épaules.
SHERLOCK : La balle qu’on a extraite du mur vient d’un pistolet. Quand on tue à une telle distance avec ce genre d’arme, c’est qu’on est non seulement un tireur d’élite, mais aussi, un combattant : il a visé et tiré sans trembler. Il est donc habitué à la violence. Mais il n’a tiré qu’au plus fort du danger, alors il a des principes moraux. Vous cherchez un homme qui a probablement un passé militaire (à ce moment-là, Sherlock aperçoit John, à quelques mètres de lui, près d’une voiture de police) et… des nerfs d’acier… En fait, vous savez quoi ? Oubliez-moi.
LESTRADE : Comment ?
SHERLOCK : Oui, oui, oubliez tout ça. C’est juste le citoyen choqué qui parle. (Il commence à s’éloigner)
LESTRADE : Où allez-vous ?
SHERLOCK : Il faut que j’aille discuter de… de mon loyer.
LESTRADE : J’ai encore quelques questions à vous poser.
SHERLOCK : Et quoi encore ?! Je suis sous le choc ! J’ai une couverture, là !
LESTRADE : Sherlock !
SHERLOCK : Et je viens de vous agrafer un tueur en série… Enfin, plus ou moins.
LESTRADE : OK, on vous interrogera demain. A présent, filez.
Sherlock s’approche de John et se débarrasse de la couverture dans une voiture de police.
JOHN : Le sergent Donovan vient de m’expliquer tout ce qui… deux pilules… Une histoire affreuse, non ? Affreuse.
SHERLOCK : Bien visé.
JOHN : Oui, je pense qu’on a dû tirer de cette fenêtre.
SHERLOCK : Vous devez le savoir. Vous avez enlevé les traces de poudres de vos doigts, j’espère. Je ne pense pas que vous iriez en prison, mais autant éviter un procès.
John toussote.
SHERLOCK: ça va, John?
JOHN : Bien sûr que ça va.
SHERLOCK : Vous venez quand même de tuer un homme.
JOHN : Oui, je sais… C’est vrai (il sourit), mais ce n’était pas quelqu’un de bien.
SHERLOCK : Non. Non, ce n’était pas quelqu’un de bien.
JOHN : Et c’était un taxi épouvantable.
Ils rigolent.
SHERLOCK : C’est sûr qu’il n’était vraiment pas bon. Si vous aviez vu la route qu’il a prise pour venir ici.
JOHN (en riant) : Arrêtez, on ne doit pas rire : c’est une scène de crime, arrêtez.
Ils s’éloignent.
SHERLOCK : Oh je peux bien rire, c’est vous qui l’avez tué.
JOHN : Pas si fort ! (à Donovan qui passait par là) Pardon mademoiselle, j’ai les nerfs un peu à vif.
SHERLOCK : Désolé !
JOHN : Vous alliez la prendre cette pilule, mine de rien.
SHERLOCK : Bien sûr que non. Je gagnais du temps : je savais que vous viendriez.
JOHN : Vous n’en saviez rien. C’est comme ça que vous vous éclatez : vous risquez votre vie pour prouver votre génie.
SHERLOCK : Pourquoi est-ce que je ferais ça ?
JOHN : Parce que vous êtes stupide.
Sherlock lui sourit.
SHERLOCK : Vous avez faim ?
JOHN : Je meurs de faim.
SHERLOCK : En bas de Baker Street, il ya un bon chinois qui reste ouvert jusqu’à deux heures. (Mycroft sort alors d’une voiture) C’est à l’usure de la poignée de sa porte d’entrée qu’on reconnaît un bon restaurant…
JOHN: Sherlock! Sherlock, c’est lui! L’homme dont je vous ai parlé.
SHERLOCK : Je sais exactement qui c’est.
MYCROFT : Alors, encore une affaire résolue ? Quel sens du service public ! Quoique ça ne soit pas ce qui te motive, au fond.
SHERLOCK : Qu’est-ce que tu fais ici ?
MYCROFT : Comme toujours : je m’inquiète pour toi.
SHERLOCK : Mouais, c’est ce que je me suis laissé dire…
MYCROFT : Toujours aussi agressif. Tu ne t’es jamais dit que toi et moi appartenions au même camp ?
SHERLOCK : Curieusement : non.
MYCROFT : On a plus en commun que tu ne le voudrais. Cette mesquine petite querelle entre nous est vraiment puérile : cela ne provoque que de la souffrance. Et tu sais à quel point cela contrarie maman.
SHERLOCK : Je la contrarie ? Moi ? Ce n’est pas moi qui l’ai contrariée, Mycroft.
JOHN : Non, non, non, attendez ! Maman ? Qui est « maman » ?
SHERLOCK : Une mère. Notre mère. Je vous présente mon frère Mycroft. Qui est en train de reprendre du poids, non ?
MYCROFT : D’en perdre, en fait.
JOHN : C’est votre frère ?
SHERLOCK : Bien sûr que c’est mon frère.
JOHN : Alors ce n’est pas…
SHERLOCK : Pas quoi ?
JOHN : Je sais pas… un cerveau criminel ?
SHERLOCK : Il n’en est pas loin.
MYCROFT : Ne sois pas ridicule ! Je n’ai qu’un poste mineur au sein du gouvernement britannique.
SHERLOCK : Il est le gouvernement. Quand il n’est pas trop occupé à être les services secrets britanniques ou la CIA en free-lance. Bonsoir Mycroft : ne déclenche pas une guerre avant que je sois rentré, ça gêne la circulation (et il s’en va).
JOHN : Alors quand vous dites que vous vous inquiétez pour lui, en fait c’est vrai ?
MYCROFT : Mais bien sûr.
JOHN : Il s’agit donc bien d’une querelle entre enfants ?
MYCROFT : Il a toujours été plein de rancœur. Vous imaginez les repas de Noël.
JOHN : Oui… non. Non, en fait non. Il… Il faut que… (à « Anthéa », toujours occupée par son téléphone) Re-salut.
« ANTHEA » : Bonsoir !
JOHN : On s’est déjà vu, en début de soirée.
« ANTHEA » (surprise) : Oh…
JOHN : D’accord. Bonsoir (et à son tour, il s’en va).
MYCROFT : Bonsoir, Dr Watson.
JOHN : Alors ? Le chinois…
SHERLOCK : Mmmmh… Je devine toujours les prédictions de leurs biscuits.
JOHN : C’est pas vrai.
SHERLOCK : Presque toujours. On vous a bien tiré dessus, non ?
JOHN : Pardon ?
SHERLOCK : En Afghanistan. Vous avez bien été blessé?
JOHN : Ah ! Oui, à l’épaule.
SHERLOCK : C’est bien ce que je pensais…
JOHN : C’est pas vrai.
SHERLOCK : C’est la gauche.
JOHN : Vous dites ça au pif.
SHERLOCK : C’est pas mon style.
JOHN : Oh que si ! Qu’est-ce qui vous réjouit comme ça ?
SHERLOCK : Moriarty.
JOHN : C’est quoi « Moriarty »?
SHERLOCK: Je n’en ai absolument aucune idée.
« ANTHEA » : Monsieur, on y va ?
MYCROFT : Intéressant ce compagnon soldat. Il pourrait contribuer à former le caractère de mon frère, ou le rendre pire encore. Quoiqu’il en soit, nous ferions bien de relever le niveau de surveillance : niveau 3 actif.
« ANTHEA » : Excusez-moi, mais la surveillance de qui ?
MYCROFT : Sherlock Holmes et le Dr Watson.
Gros plan sur la mine réjouie des deux amis, qui s’éloignent.
-Générique de fin-